Charles, Henri Vernier
1883 - 1966
VERNIER (Charles, Henri)
Né le 27 juin 1883 à Papeete(Polynésie française)
Décédé le 12 juin 1966 à Romans-sur-Isère (Drôme)
Membre de la première Assemblée nationale constituante (Etablissements français d’Océanie)
Fils de pasteur exerçant à Tahiti, Charles Vernier rejoint la France métropolitaine en 1895 pour y faire ses études. Il entreprend des études de théologie à Montauban (1903-1907) et à Edimbourg (1908). Il devient pasteur à Annonay et épouse Ruth Christol en 1911. Quatre fils sont issus de cette union, tous nés en Polynésie.
Il revient à Papeete en 1911 et part exercer ses fonctions pastorales dans les îles Sous-le-Vent (1912-1923). Il s’y perfectionne dans l’usage de la langue tahitienne et dans la connaissance des usages et coutumes du milieu. Il adhère en 1917 à la Société des Etudes océaniennes et écrit fréquemment dans le bulletin de cette société savante. Il dirige le journal protestant en langue tahitienne.
Pendant la Grande Guerre, il exerce les fonctions d’aumônier. A partir de 1925, il est pasteur à Papeete. A la demande du gouverneur Bouge, il élabore une grammaire tahitienne imprimée en 1934 et destinée aux écoles élémentaires. La même année, il publie l’ouvrage Tahitiens d’autrefois, Tahitiens d’aujourd’hui, réédité en 1948 sous le titre Tahitiens d’hier… et d’aujourd’hui qui cherche à faire connaître la civilisation polynésienne et l’œuvre des missionnaires. Le regard porté par Charles Vernier revêt souvent un côté paternaliste, typique de l’esprit missionnaire de ce temps.
En 1936, il devient président du Conseil Supérieur de l’Eglise protestante (ou Synode). Il prend la direction de l’école pastorale de Tahiti en 1937. En 1940, avec l’Eglise protestante, Charles Vernier appuie le ralliement au général de Gaulle et réaffirme son soutien à la France libre tout au long de la guerre. Deux fils de Charles Vernier sont tués lors des combats en France, en 1944 et 1945.
Charles Vernier est en métropole quand il reçoit de Tahiti la demande pressante de représenter les Etablissements français d’Océanie (EFO) à la première Constituante. C’est la première fois que les EFO ont un élu dans une assemblée législative nationale. L’élection a lieu en son absence. Il est cependant très facilement élu le 21 octobre 1945, avec 11 364 voix sur 14 330 suffrages exprimés, soit 80% des voix, contre un sympathisant communiste et un candidat considéré comme ancien partisan du régime de Vichy. Le comité qui appuie Charles Vernier veut soutenir la politique de De Gaulle, mais réclame « l’autonomie administrative et financière de la Colonie dans le cadre de l’Empire français ». Les préoccupations religieuses sont fortes : « égalité de toutes les religions » et « maintien des subventions des écoles libres ». On retrouve là les caractéristiques de la vie politique naissante des EFO. Les élites locales – provisoirement soutenues par les milieux populaires et traditionnels – veulent à la fois maintenir le lien avec la France et obtenir une émancipation qui servirait essentiellement ces élites. Celles-ci ont habilement choisi le pasteur Vernier, unanimement respecté et défenseur, à sa manière, des populations locales.
A la Constituante, le pasteur Vernier, inscrit au groupe Résistance démocratique et socialiste, il prend part à la discussion d’interpellations sur la situation de la France d’Outre-mer. Le 26 mars 1946, il intervient pour approuver une motion de confiance au gouvernement présentée par plusieurs députés des circonscriptions africaines. Il fait remarquer que les EFO ont eu le privilège de parvenir à un tel « degré de bien-être social et économique » et qu’ils devraient servir de modèle pour les populations de l’Union française. C’est cette vision optimiste des EFO qui explique son échec aux élections de 1949.
Charles Vernier avait prévenu qu’il ne représenterait les EFO que « provisoirement ». Il n’est pas candidat à la deuxième Constituante où il est remplacé par Georges Ahnne, avocat appartenant à une famille de missionnaires protestants.
De 1945 à 1948, il occupe la chaire de langue tahitienne à l’Ecole des Langues orientales à Paris.
De retour à Tahiti, en 1948, il se consacre à nouveau à des travaux sur la culture polynésienne. En 1949, la mort du député Georges Ahnne le ramène à la vie politique. Devant la montée du leader nationaliste Pouvanaa a Oopa, les élites locales ne trouvent pas d’autre candidat capable de faire bonne figure que le pasteur Vernier. L’affrontement entre deux figures du protestantisme jette le trouble au sein de cette Eglise encore largement majoritaire. Pouvanaa a Oopa s’appuie essentiellement sur les milieux populaires qui trouvent en lui – estiment-ils - un meilleur défenseur de leurs intérêts avec le slogan « Tahiti d’abord et pour les Tahitiens ». Charles Vernier, qui n’a pas su sentir l’évolution rapide des Polynésiens qui l’appréciaient pourtant comme pasteur, est largement battu.
En 1951, Charles Vernier se retire en métropole à Montélimar. Il milite encore pour la survie et la défense de la langue tahitienne, dont il écrit qu’elle sera « le dernier rempart derrière lequel [le peuple tahitien] abritera sa véritable personnalité » (1959).
Il était officier dans l’ordre des Palmes académiques et chevalier de la Légion d’honneur. Il disparaît le 12 juin 1966, à Romans-sur-Isère.