Jean Zay

1904 - 1944

Mort pour la France

Informations générales
  • Né le 6 août 1904 à Orléans (Loiret - France)
  • Décédé le 21 juin 1944 à Molles (Allier - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
XVe législature
Mandat
Du 8 mai 1932 au 31 mai 1936
Département
Loiret
Groupe
Républicain radical et radical-socialiste
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
XVIe législature
Mandat
Du 3 mai 1936 au 16 juin 1941 *
Département
Loiret
Groupe
Républicain radical et radical-socialiste

* : Un décret de juillet 1939 a prorogé jusqu'au 31 mai 1942 le mandat des députés élus en mai 1936

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1889 à 1940 (Jean Jolly)

Né le 6 août 1904 à Orléans (Loiret).
Décédé le 6 août 1944 à Molles (Allier)

Député du Loiret de 1932 à 1942.


Sous-secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil du 24 janvier au 4 juin 1936.

Ministre de l'Education nationale du 4 juin 1936 au 10 septembre 1939.

Les grands-parents paternels de Jean Zay étaient des israélites alsaciens qui, ayant opté pour la France en 1871, vinrent s'installer à Orléans. Leur fils, Léon, devint rédacteur en chef du Progrès du Loiret ; il épousa une institutrice, d'une vieille famille beauceronne protestante. De leur union naquirent deux enfants, dont Jean, qui furent élevés dans la religion protestante.

Jean Zay fit des études très brillantes au lycée Pothier d'Orléans où il était boursier. Il fut lauréat de français, puis de philosophie au concours général en 1922 et en 1923.

La situation matérielle de sa famille était difficile, aussi dut-il travailler. Secrétaire de rédaction au journal Le Progrès du Loiret et clerc d'avoué, cela ne l'empêcha pas de faire des études de droit qui lui permirent, en 1928, de s'inscrire au barreau d'Orléans.

Tout devait inciter Jean Zay à écrire ; jusqu'à la guerre, on put lire ses articles dans le Progrès du Loiret et le Grenier, revue créée en 1925 par un groupe de jeunes intellectuels ; plus tard, il utilisa ses longues heures de prisonnier à la rédaction de romans policiers qui seront publiés dans un journal de gauche, Heures claires : son principal roman policier édité pendant la guerre sera La bague sans doigt. Toutefois, son principal ouvrage est indiscutablement ses Souvenirs de solitude, qui date aussi de cette sombre période.

Très jeune, Jean Zay a été attiré par la politique ; en attendant la majorité, il milita aux jeunesses laïques et républicaines fondées en 1900 ; puis il adhéra au parti radical radical-socialiste où il se situa à la gauche et figura parmi les jeunes turcs qui reprochaient à la direction du parti sa mollesse et son opportunisme. Il rejoignit la franc-maçonnerie et, le 24 janvier 1926, fut initié à la loge Etienne Dolet, d'Orléans, qui appartenait au Grand Orient de France. Jean Zay participa à tous les congrès du parti radical à partir du congrès de Paris de 1931. Il fut au premier plan lors du congrès extraordinaire de Clermont-Ferrand - 11 et 13 mai 1934 - après lequel il rédigea L'Appel en raison de sa déception devant les résultats de cette réunion. Il joua un rôle très important au moment du congrès de Paris (24-27 octobre 1935) ; il y fut rapporteur général.

Désigné par les comités radicaux et radicaux-socialistes de la 1re circonscription comme candidat à la députation, il fut investi par la fédération du Loiret et les instances nationales radicales. Dans sa profession de foi, il se montrait résolument réaliste : « Ce n'est pas dans les aventures de caractère révolutionnaire qu'une amélioration peut être trouvée ; ... il faut assurer la paix, établir la justice, servir le progrès social, préserver les institutions républicaines ».

Jean Zay s'opposait au député sortant, Maurice Berger, très connu et fort riche. Leur opposition se prolongea par une lutte de journaux : Le Républicain orléanais soutenant Berger, alors que La France du Centre appuyait vigoureusement Jean Zay. Au premier tour de scrutin, sur 27 787 inscrits et 24 148 votants, Berger obtenait 11 082 suffrages et Jean Zay 8 584 ; au second tour, les socialistes s'étant désistés, ce dernier sera le candidat unique des gauches ; sur 27 787 inscrits, 24 390 votants, 3 497 abstentions, Maurice Berger recueillit 11 630 voix et Jean Zay 12 113 ; il était élu à 484 voix de majorité !..

L'activité locale de Jean Zay fut loin d'être négligeable : c'est ainsi qu'il essaya de résoudre les problèmes sociaux de ses concitoyens, tentant de lutter contre le chômage, d'aider le personnel licencié de la Compagnie des tramways du Loiret, s'occupant de l'organisation de l'aérodrome de Bricy.

Ceci explique que la seconde élection de Jean Zay fut plus facile que la première : il se heurta encore à Maurice Berger qui était devenu conseiller municipal d'Orléans.

Au premier tour de scrutin, le 26 avril 1936, sur 28.473 inscrits et 25.197 votants, Berger eut 11.338 voix et Jean Zay 10.637 ; au second tour, le 3 mai, sur 28.472 inscrits, 25.066 votants, 3.406 abstentions, il fut élu avec 13.464 suffrages contre 11.303 à Berger. Cette fois-ci la différence entre les deux candidats était plus importante et se chiffrait à 2.161 voix.

L'implantation locale de Jean Zay fut d'ailleurs consacrée : lors d'une élection cantonale partielle le 14 mars 1937, il fut élu au second tour de scrutin ; le 17 octobre 1937, ses électeurs devaient le réélire, toujours dans le canton Orléans-Nord-Est.

L'activité parlementaire de Jean Zay fut très importante. N'ayant que 27 ans, il figura, lors de la première séance, parmi les secrétaires d'âge. Il devait d'ailleurs, par la suite, faire partie du bureau définitif de la Chambre ; en effet, il fut élu le 8 janvier 1935 secrétaire de la Chambre des députés et réélu le 14 janvier 1936.

Au cours de sa première législature, Jean Zay participa aux travaux d'un grand nombre de groupes parlementaires et entra à la commission du commerce et de l'industrie et à la commission de législation civile et criminelle ; en 1935, il devint secrétaire de cette commission. Il fit partie également de la commission d'enquête chargée de rechercher les responsabilités encourues depuis l'origine de l'affaire Stavisky. Il s'intéressa essentiellement aux questions économiques et sociales ; rarement, il intervint à la tribune sur les grands problèmes de politique générale ; son opinion sur ceux-ci ne nous est connue que par ses prises de position aux congrès radicaux et par ses articles à la France du Centre.

A la Chambre, il soutint par ses interventions et ses votes toutes les lois sociales qui furent proposées ; il s'associa à la législation de protection des cultivateurs et fut l'un des défenseurs des lois artisanales. Il rapporta la loi sur les clauses restrictives de la liberté du travail et s'opposa énergiquement à la politique de déflation.

Les idées politiques de Jean Zay sont indiscutablement celles d'un homme de gauche. Jusqu'en 1932, il est sincèrement partisan d'une fédération des états européens ; il ne croit pas à la guerre en 1935 ; il condamne la politique colonialiste de l'Italie et ses interventions en Ethiopie ; il désapprouve la politique de non-intervention de la France dans la guerre civile espagnole ; il condamne les accords de Munich.

Albert Sarraut, dans son 2e cabinet formé le 24 janvier 1936 le nomme sous-secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil. Il fut ainsi, à l'age de 31 ans, le plus jeune ministre de la IIIe République.

Après la victoire du front populaire, Léon Blum le choisit comme ministre de l'Education nationale, le 4 juin 1936 ; il garda ce poste dans les 3e et 4e cabinets Camille Chautemps, le 2e cabinet Léon Blum et le 3e gouvernement Edouard Daladier. Il fut donc ministre de l'Education nationale du 4 juin 1936 au 10 septembre 1939.

Doué d'une étonnante puissance de travail il sut s'entourer rue de Grenelle de collaborateurs éminents.

Jean Zay désirait supprimer les inégalités d'origine sociale en établissant la sélection par le mérite. Pour lui, l'école laïque, comme le dira Herriot en mai 1948, était « le plus efficace et le plus puissant moyen de la fraternité nationale ». Le 5 mars 1937, il déposa sur le bureau de la Chambre des députés son projet de réforme de l'enseignement. L'enseignement primaire élémentaire public était unifié par la transformation des classes primaires élémentaires des lycées et collèges en écoles publiques. Le certificat d'études primaires élémentaires sanctionnait les études primaires ; il était indispensable pour accéder à l'enseignement du second degré. L'enseignement public du second degré était gratuit ; il commençait par une année d'études dans une classe d'orientation ; celle-ci terminée, les élèves avaient le choix entre trois sections : classique, moderne ou technique. Un diplôme d'Etat facultatif sanctionnait les quatre premières années d'études ; le baccalauréat couronnait toutes les études secondaires.

L'enseignement primaire complémentaire et l'enseignement post-scolaire devaient permettre aux élèves qui ne désiraient pas suivre l'enseignement du second degré de compléter leur instruction. Les instituteurs devaient obligatoirement posséder le baccalauréat et obtenir, après leur scolarité dans les écoles normales, un certificat d'aptitudes pédagogiques.

Jean Zay déposa également, pour remodeler la vie intellectuelle française, un projet de loi important sur le droit d'auteur et le contrat d'édition ; le droit d'auteur ne serait plus un droit de propriété mais un droit incessible, inaliénable, un droit attaché à la personne humaine. La véritable propriété reviendrait à la collectivité tout entière.

Enfin, dans la même perspective de réformes fondamentales, le ministre de l'Education nationale déposa un projet de loi tendant à créer une Ecole nationale d'administration ; l'E.N.A. devait comprendre deux sections : l'une normale destinée au recrutement des emplois de rédacteurs ou assimilés, l'autre dite « section supérieure » ayant pour but la préparation aux postes de la haute administration. L'école des sciences politiques formerait seulement les fonctionnaires du premier degré, sous le contrôle de l'Etat. En plus de cette Ecole nationale d'administration, Jean Zay envisageait de créer auprès des principales universités de province des instituts de préparation administrative recevant les boursiers. Le projet de loi créant l'E.N.A. fut voté à la Chambre le 27 janvier 1938 par 422 voix contre 137, Ces trois textes importants ne devaient pas être votés par le parlement avant la guerre ; ils seront d'ailleurs repris après. Mais, sans attendre leur adoption, Jean Zay prit des mesures décisives en maints domaines. Un mois après son installation rue de Grenelle, il fit voter la loi du 13 août 1936 qui prolongea jusqu'à quatorze ans la durée de la scolarité obligatoire ; cette réforme visait 220.000 enfants. Cette année d'études supplémentaires serait consacrée à des travaux manuels. Jean Zay considérait en effet le travail manuel « comme un moyen de culture de l'intelligence et non comme une préparation prématurée à une profession spécialisée ». Dans ce sens, une circulaire ministérielle prévoyait dans les écoles primaires un après-midi consacré à des activités dirigées.

Pour permettre l'épanouissement des élèves, il fixa à 35 l'effectif de chaque classe et il lutta contre le surmenage scolaire ; de plus un décret-loi de 1939 généralisa la médecine préventive des étudiants. Son objectif était également de rendre l'éducation physique obligatoire dans tous les ordres d'enseignement : l'arrêté ministériel du 23 mars 1938 prévoit que trois heures seraient consacrées par semaine à l'éducation physique. En 1937, il décida d'intégrer le brevet sportif populaire au certificat d'études primaires. Il réorganisa en outre l'Office du sport scolaire et universitaire. Par ailleurs, il développe le camping et le tourisme populaire, et crée le comité supérieur des œuvres sociales en faveur des étudiants le 27 juillet 1936. Sous son ministère le Bureau universitaire des statistiques - le B.U.S.- prit un grand essor. Tout ceci ne l'empêche pas de s'intéresser à l'enseignement féminin, à l'Ecole normale de Sèvres, à la recherche scientifique, à l'enseignement du français à l'étranger... Jean Zay n'était pas uniquement ministre de l'Education nationale ; dans ses attributions figurait également la culture française. Dans ce domaine, il ne resta pas non plus inactif. Il transforma et modernisa des musées ; il créa aux musées nationaux un département des « arts et traditions populaires » ; il eut une politique en matière de théâtre, il déposa un projet de statut du cinéma français, il prit conscience de l'importance du cinéma scolaire, créa le grand prix du cinéma français qui fut décerné pour la première fois en 1939 et prépara, pour septembre 1939, le premier festival de Cannes ; il essaya de sauvegarder certains monuments, il réorganisa le Conseil général des bâtiments civils... Jean Zay, ministre actif et en bien des domaines novateur, fut en butte souvent à de basses critiques visant son origine ou sa politique. La haine que lui vouaient certains secteurs de l'opinion apparaît clairement dans « l'affaire du drapeau » ; ayant écrit à 18 ans certaines phrases non patriotes sur le drapeau français, d'aucuns voulurent y voir non pas une attitude de jeune inconscient mais la profession de foi que partageait encore l'adulte devenu ministre ! Jean Zay donna sa démission de ministre lors du Conseil des ministres du 10 septembre 1939, voulant participer activement à la lutte contre l'envahisseur ; il est sous-lieutenant rattaché à l'état-major de la IVe armée, et il est en Lorraine pendant « la drôle de guerre » ; la débâcle survenant, le sous-lieutenant Jean Zay s'embarquera à Verdon le 21 juin 1940 sur le Massilia, ce qui lui fut âprement reproché, et de ce fait ne put participer au Congrès de Vichy le 10 juillet 1940.

Après une violente campagne de presse, à l'instigation de Philippe Henriot, ministre de l'information du gouvernement de Vichy, le tribunal militaire permanent de la 13e division militaire, siégeant à Clermont-Ferrand, condamne Jean Zay, le 4 octobre 1940, comme officier pour désertion en présence de l'ennemi, à la déportation à vie et à la dégradation militaire. Sa peine est commuée en internement. Il est incarcéré à Riom. Le 20 juin 1944, trois miliciens, présentant un ordre de transfert pour Melun, signé par le directeur de l'administration pénitentiaire, l'exécutent au lieu-dit Les Malavaux dans la faille du Puits du diable, à Molles, dans l'Allier.

Le 5 juillet 1945 la Cour d'appel de Riom réexamine les faits reprochés au sous-lieutenant Jean Zay, constate qu’à aucun moment il ne s’est soustrait à l’autorité militaire, et que « les poursuites intentées contre le sous-lieutenant Jean Zay ne peuvent s’expliquer que par le désir qu’a eu le gouvernement d’atteindre un parlementaire dont les opinions politiques lui étaient opposées et qu’il importait de discréditer en raison de la haute autorité attachée à sa personnalité. »