Jean Ybarnégaray
1883 - 1956
* : Un décret de juillet 1939 a prorogé jusqu'au 31 mai 1942 le mandat des députés élus en mai 1936
Né le 16 octobre 1883 à Uhart-Cizé (Basses-Pyrénées).
Député des Basses-Pyrénées de 1914 à 1942.
Ministre d'Etat du 10 mai au 16 juin 1940. Ministre des Anciens combattants et de la Famille française du 16 juin au 12 juillet 1940.
Après des études au collège Stanislas puis à la Faculté de droit de Paris et à celle de Bordeaux, Jean Ybarnegaray, docteur en droit, s'inscrit au barreau de Saint-Palais puis à celui de Bayonne. Il est élu député pour la première fois à Mauléon, au premier tour, le 26 avril 1914, par 7.614 voix contre 5.930 à Guéraçague. Il fait partie des députés non inscrits.
Mobilisé le 2 août 1914 au 249e régiment d'infanterie, il est blessé et revient de la guerre avec six citations, la Légion d'honneur et le grade de lieutenant.
A la Chambre, il demande, le 22 mai 1917, à interpeller le gouvernement sur les opérations offensives du 16 avril 1917 puis, le 4 octobre 1917, sur la conduite générale de la guerre et la coopération des armées alliées. Le 1er octobre 1919, il prend part à la discussion du projet de loi portant approbation du traité de paix conclu à Versailles le 28 juin 1919. Il déclare que l'armistice, dans les termes où il a été conclu, « était une faute, une des fautes les plus graves que nous ayons commises ». Et il ajoute : « Nous avions, au jour de l'armistice, le moyen de donner à l'Allemagne et aux armées allemandes leur vrai figure de vaincus. Nous ne l'avons pas voulu, nous ne l'avons pas pu peut-être ».
Aux élections générales du 16 novembre 1919, Ybarnegaray est réélu, à la tête de la liste républicaine d'action économique et sociale, avec 21.218 voix sur 34.476 votants.
En 1924, second de la liste d'union nationale républicaine derrière Champetier de Ribes, il obtiendra 49.607 voix sur 93.475 suffrages.
Ybarnegaray s'inscrit au groupe de l'entente républicaine démocratique. Il est membre de la commission de la marine militaire. Champion de pelote basque, il s'intéresse vivement au sport. Le 15 juin 1922, lors de la discussion du projet de loi relatif à l'organisation des Jeux olympiques à Paris, il essaie, sans succès d'ailleurs, d'obtenir le relèvement des crédits prévus.
Le 28 mars 1926, il interpelle le gouvernement. S'adressant à Briand qui vient de former son 9e ministère, il évoque les craintes que lui inspire la situation internationale. Montrant une perspicacité rare à cette époque, il déclare : « Voici que dès les premiers jours de la réunion de Genève, l'Allemagne a jeté son masque et qu'elle est apparue avec son vrai visage, son dur visage d'orgueil ».
Ybarnegaray refuse la confiance à Briand, la présence, dans le nouveau cabinet de Malvy, condamné par la Haute-Cour, puis amnistié, lui apparaissant comme une provocation et un défi.
En 1928, comme en 1932 et en 1936, Jean Ybarnegaray est réélu à Mauléon, avec des majorités presque identiques - de 10.289 à 11.053 voix - battant régulièrement le même adversaire, Alliez.
Membre de la commission de l'aéronautique et de la commission des affaires étrangères, il fait preuve d'une rare lucidité et demande à interpeller sur la politique extérieure du gouvernement et en particulier sur « les déterminations que lui ont inspirées l'accession de Hitler à la chancellerie du Reich et l'organisation militaire de ses troupes d'assaut, telle que vient de la dénoncer le gouvernement de la Sarre ».
Le 9 mars 1933, il rappelle les progrès du fascisme en Italie, dénonce l'armement de la Hongrie par des usines italiennes au mépris du traité de Trianon ; il s'inquiète des entretiens de Mussolini avec Goering et interroge en ces termes Paul-Boncour, ministre des Affaires étrangères : « Jamais vous ne fûtes aussi assidu que vous l'êtes en ce moment à Genève. Poursuivez-vous donc l'illusion que c'est là que vous allez résoudre les problèmes et allez-vous y abriter la sécurité de votre pays ? La dure leçon du Japon n'a-t-elle pas suffi à ouvrir vos yeux Après ce qu'a fait Mussolini et devant ce que prépare Hitler, allez-vous persister dans votre rêve ? » Traité de « semeur de panique » par Marius Moutet, Ybarnegaray déclare : « Les événements nous départageront avec M. Moutet ».
L'impuissance des gouvernements successifs à résoudre les graves problèmes de l'heure amène des Français de plus en plus nombreux à se grouper au sein de mouvements d'anciens combattants, comme les « Croix de feu », ou de jeunes comme « les volontaires nationaux», mouvements d'où naîtra, en 1935, le P.S.F., le parti social français.
En 1924 Taittinger, député de Paris, fonde la ligue des « Jeunesses patriotes » qui cherche à « constituer une force organisée prête à s'opposer par tous les moyens aux entreprises du communisme ». Ybarnegaray en est l'un des vice-présidents. Constituées en groupes mobiles et en « centuries », les unités s'arment du manche de hache « quand c'est nécessaire ». Leurs effectifs se chiffreront à 90.000 pour toute la France. Le projet de constitution élaboré par la ligue des jeunesses patriotes prévoit l'élection du Président de la République au suffrage universel, le recours au referendum et la division de la France en provinces. Ce changement de constitution doit être « légal si possible » (déposition de M. Taittinger devant la commission d'enquête sur les événements du 6 février 1934).
L'affaire Stavisky soulève l'indignation de tous les partis.
Le 12 janvier 1934, Ybarnegaray interpelle le gouvernement sur l'escroquerie du conseil municipal de Bayonne. A la demande du président du Conseil, Camille Chautemps, sa proposition de créer une commission d'enquête est repoussée par 372 voix contre 209 et Le Temps écrit : « Ils ont négligé de tâter le pouls de l'opinion et cette négligence peut coûter cher au régime ».
La démission du cabinet Chautemps, les sanctions - insuffisantes - prises par le second ministère Daladier n'apaisent pas l'opinion publique. Le colonel de la Rocque demande aux Croix de feu de descendre dans la rue. Les camelots du Roy d'un côté, la C.G.T. de l'autre, mobilisent leurs adhérents dès le 5 février.
Le 6, la Chambre, après avoir entendu la déclaration d'investiture du gouvernement, passe à la discussion des interpellations de Dommange, Ybarnegaray, Franklin-Bouillon. Dans le tumulte, les communistes entonnent « l'Internationale », le centre et la droite la « Marseillaise ». Par 343 voix contre 237, le renvoi des interpellations est ordonné. Mais, place de la Concorde, les manifestants et le service d'ordre s'affrontent. Le sang coule.
Devant l'avènement du front populaire, les « Croix de feu », les « Franquistes », la « Ligue des contribuables » organisent, chaque dimanche, des manifestations de masse. Du 5 au 6 décembre 1935 a lieu à la Chambre un débat sur les « ligues ». Ybarnegaray demande, aux applaudissements de Thorez, le désarmement des ligues. Cependant, il proteste contre les décrets pris à la demande de Salengro, ministre de l'Intérieur, en application de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées. Des émeutes ont lieu dans les Ardennes, un adhérent du parti social français est tué à Clichy et Ybarnegaray interpelle le gouvernement le 23 mars 1937.
Il approuve, le 4 octobre 1938, les accords de Munich et demande au gouvernement d'accréditer un représentant diplomatique auprès du gouvernement nationaliste d'Espagne. Les républicains espagnols lui font peur et il s'inquiète des dangers que fait courir à la France sa « soudaine invasion par plus de 300.000 réfugiés et miliciens de l'Espagne gouvernementale ». Il reprend l'accusation, portée contre André Marty par d'anciens soldats des brigades internationales, de s'être conduit en assassin.
Le 9 janvier 1940, il proteste contre la présence des députés communistes en séance ; ceux-ci sont expulsés de la salle.
Devant la Chambre, réunie en comité secret le 19 avril 1940, il interpelle le gouvernement sur les conséquences à tirer de la récente agression de l'Allemagne contre la Norvège.
Ministre d'Etat dans le cabinet Paul Reynaud, Ybarnegaray termine sa carrière politique en devenant ministre des Anciens combattants et de la Famille française dans le cabinet du maréchal Pétain à qui il a voté les pleins pouvoirs le 10 juillet 1940.