Roger de Peyrus de Vitton
1925 - 1980
VITTON de PEYRUIS (Roger, Marie, Joseph, Xavier de)
Né le 15 mars 1925 à Keryado (Morbihan)
Décédé le 1er juillet 1980 à Auray (Morbihan)
Député du Morbihan de 1968 à 1973
Roger de Vitton naît à Keryado, non loin de Lorient, en 1925. Il grandit dans une famille de très ancienne noblesse. Son père est le fondateur de la Coopérative agricole de la région de Lorient : celle-ci se distingue de l’Union coopérative lorientaise, qui est initiée par le socialiste Emmanuel Svob avant la première guerre mondiale. L’adolescence de Roger de Vitton est assombrie par la défaite française de juin 1940 et l’occupation allemande, qui se fait durement sentir dans la région de Lorient à partir de l’été 1940. Cet important port constitue en outre un objectif stratégique pour les forces alliées, dont les bombes rasent presque entièrement la ville entre 1942 et 1944.
Roger de Vitton reste fidèle à la tradition familiale, après la Libération, en travaillant comme exploitant agricole à Keryado, rattachée en 1947 à la commune de Lorient. C’est là qu’il se présente, aux élections municipales de 1959, sur la liste conduite par le MRP Louis Glotin. La défaite de l’équipe socialiste sortante permet à Roger de Vitton de devenir adjoint au maire de Lorient. Il est en charge du secteur de Keryado au sein de l’équipe municipale. Six ans plus tard, Roger de Vitton connaît en revanche un double échec électoral. La ville de Lorient se donne d’abord une nouvelle majorité, emmenée par le socialiste Yves Allainmat. Quelques mois plus tard, l’ancien adjoint au maire est en outre battu aux sénatoriales, qui voient la réélection des trois sortants, l’UNR Victor Golvan, le Républicain indépendant Marcel Lambert et le centriste Joseph Yvon. Roger de Vitton prend néanmoins la présidence de la coopérative agricole de la région de Lorient en 1965 et dirige un temps la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles.
A l’issue des événements de mai 1968, le général de Gaulle décide de dissoudre l’Assemblée nationale. La date des élections législatives est fixée aux 23 et 30 juin 1968. Roger de Vitton se présente dans la 5ème circonscription du Morbihan, où le ministre des armées Pierre Messmer a été battu en mars 1967. Proche des Républicains indépendants, dont la principale personnalité morbihannaise est alors Raymond Marcellin, l’exploitant agricole reçoit en outre l’investiture de l’Union pour la défense de la République (UDR). Sa profession de foi le présente comme un « Lorientais de vieille souche » que son expérience syndicale a convaincu de la nécessité de « profondes réformes sociales ». Il affiche son soutien à l’action conduite par de Gaulle dans les années 1960, mais reconnaît que « trop de mesures dont il avait souhaité une réalisation rapide dans l’ordre n’aient pas été prises à temps ». Il plaide notamment pour une réforme « par voie législative du régime de la sécurité sociale », « l’avancement de l’âge de la retraite » et une « augmentation très substantielle » des pensions. Ses documents électoraux développent un certain nombre de thèmes originaux. Il propose ainsi « une amnistie totale » en faveur des anciens partisans de l’Algérie française –elle devait être décidée en juillet 1968- et une modification des dispositions législatives encadrant l’expropriation. Il affirme sa préférence pour des « programmes importants de maisons individuelles » plutôt que pour des immeubles HLM pour répondre au problème du logement. La campagne électorale de Roger de Vitton se caractérise également par un anticommunisme prononcé. Le principal événement de ces élections législatives dans la 5ème circonscription du Morbihan est peut-être la candidature du général de Bollardière, investi par les centristes de « Progrès et démocratie moderne ». Ce compagnon de la Libération s’était illustré en protestant contre l’usage de la torture pendant la guerre d’Algérie. Roger de Vitton arrive nettement en tête du premier tour de scrutin avec 40,6% des suffrages exprimés. Il devance le député sortant Yves Allainmat (30,6%), le maire communiste de Lanester Jean Maurice (18,2%) et le général de Bollardière (9,7%). Roger de Vitton réalise son meilleur résultat (70,7%) dans le petit canton de Groix, qui comprend seulement les habitants de l’île éponyme. La circonscription compte en effet 4 cantons : ceux de Pont-Scorff et de Lorient-II correspondent aux premières implantations de la gauche socialiste dans le Morbihan au début du XXe siècle. La légère hausse de la participation (+1,2%) entre les deux tours et la qualité du report des voix centristes permettent à Roger de Vitton d’être élu député du Morbihan avec le soutien de 50,9% des électeurs le 30 juin 1968.
Il s’inscrit au groupe des Républicains indépendants et siège à la Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale. L’arsenal de Lorient emploie alors des milliers de travailleurs et le député du Morbihan accorde une attention particulière aux problèmes de la Marine nationale sous la 4ème législature. Le 8 octobre 1970, il participe à la discussion du projet de loi de programme relative aux équipements militaires pour 1974-1975. Il juge « regrettable que le budget réservé à la marine nationale jusqu’en 1975 ne semble pas correspondre aux missions imparties à la France ». Roger de Vitton dénonce une vision stratégique qui consisterait à réduire la marine à des forces côtières, à l’heure où des nations européennes comme l’Allemagne et l’Italie déploient d’importants efforts budgétaires pour développer leurs marines nationales. Un an plus tard, c’est sur la nécessité d’une augmentation du prix du lait –qui reste alors un prix administré- qu’il attire l’attention du gouvernement. Il estime « anormal que le lait soit payé moins cher que l’eau minérale » et réclame une hausse de 10 centimes par litre de lait. Cette décision permettrait selon lui de revaloriser une condition paysanne qui a été très durement éprouvée au cours des années 1960, notamment par le plan de stabilisation de 1963 (séance du 16 novembre 1971). Les deux autres interventions de Roger de Vitton concernent des rectificatifs qu’il souhaite apporter à la manière dont ses votes sont apparus au tableau d’affichage. A l’automne 1971, il s’associe à plusieurs de ses collègues, dont Michel Poniatowski, pour déposer une proposition de loi tendant à accorder aux officiers de réserve radiés des cadres une promotion au grade supérieur à titre honoraire. L’exposé des motifs de ce texte dénonce en particulier un arrêté du 22 mai 1967, qui « en raison du besoin de rajeunissement des cadres, aboutit à la radiation des cadres, dans un délai très court de plusieurs milliers de réservistes ».
Roger de Vitton soutient la politique des gouvernements Couve de Murville, Chaban-Delmas et Messmer entre 1968 et 1972. Il approuve la loi d’orientation sur l’enseignement supérieur (10 octobre 1968) comme la loi « anti-casseurs » (4 juin 1970). Il s’exprime en faveur de la réforme du service national (10 juin 1970), de la création des régions (27 avril 1972) et de la déclaration de politique générale du gouvernement Chaban-Delmas (24 mai 1972).
Candidat au renouvellement de son mandat parlementaire en mars 1973, Roger de Vitton affronte à nouveau Yves Allainmat, qui a été réélu maire de Lorient en 1971. La croissance démographique qui a permis à la 5ème circonscription de passer de 66047 inscrits en 1968 à 71107 en 1973 semble jouer en défaveur du candidat modéré, qui s’appuie sur les milieux agricoles. Le 4 mars 1973, il rassemble 34,8% des suffrages exprimés et 20 voix de moins seulement qu’Yves Allainmat, investi par la FGDS. Les réserves de voix du candidat de la gauche modérée le mettent toutefois en position favorable pour l’emporter au second tour. Une semaine plus tard, Yves Allainmat succède à Roger de Vitton comme représentant de la 5ème circonscription du Morbihan à l’Assemblée nationale.
L’ancien député décède sept ans plus tard, à l’âge de 55 ans. Il était chevalier du Mérite agricole.