Daniel Wilson
1840 - 1919
Député de 1869 à 1870, représentant en 1871, député de 1876 à 1889, né à Paris le 6 mars 1840, fils de Daniel Wilson, né à Glasgow (Ecosse) en 1789, et d'Antoinette-Henriette Casenave, fille du conventionnel Casenave, et petite fille, par sa mère, de Ducastel, qui fut député en 1791, il fit ses études à Paris, où son père était venu s'établir en 1820, et où il avait créé et organisé l'éclairage au gaz, M. Wilson père pagna dans cette entreprise une fortune considérable, et acheta le château de Chenonceaux, où son fils s'occupa d'agriculture et de sport, tout en menant à Paris la vie d'un fils de famille.
Les élections législatives du 24 mai 1869 le firent entrer dans la vie politique. Candidat indépendant dans la 3e circonscription d'Indre-et-Loire (Loches), il fut élu député au second tour, par 19 020 voix sur 26 681 votants et 33 801 inscrits, contre 7 478 à M. Duval, candidat officiel. Il prit place à gauche, fut élu secrétaire du corps législatif, signa l'interpellation des 116, prit part à plusieurs discussions, et vota contre la guerre contre la Prusse. Pendant la campagne, il commanda un bataillon de mobiles d'Indre-et-Loire.
Il fut élu, le 8 février 1871, représentant de ce département à l'Assemblée nationale, le 6e et dernier, par 31 302 voix (73 000 votants, 96 790 inscrits). Il s'inscrivit au centre gauche et à la gauche républicaine, assista aux réunions Feray et Saint-Marc-Girardin, montra dans son éclectisme une certaine indépendance, soutint la politique de Thiers, tout en combattant à la tribune ses idées en matière d'impôts nouveaux, et vota pour la paix, contre l'abrogation des lois d'exil, contre la pétition des évêques, pour le pouvoir constituant, contre le service de trois ans, contre la démission de Thiers, contre le septennat, contre le ministère de Broglie, pour l'amendement Wallon, pour les lois constitutionnelles ; il s'abstint sur l'admission à titre définitif des princes d'Orléans dans l'armée.
Conseiller municipal de Loches, conseiller général d'Indre-et-Loire depuis 1871, il fut réélu, le 20 février 1876, député de l'arrondissement de Loches par 8 274 voix (15 683 votants, 18 219 inscrits), contre 7 334 à M. Schneider. Il s'assit à la gauche républicaine, devint secrétaire de ce groupe, fit partie de la commission du budget, dénonça (mars 1877), dans une discussion relative aux chemins de fer, les abus du monopole des grandes compagnies, et fut un des 363 adversaires du cabinet du 16 mai.
Réélu, le 14 octobre 1877, par 8 457 voix (16 416 votants, 18 901 inscrits) contre 7 916 à M. Duval, il reprit sa place à gauche, fut rapporteur du budget du ministère des Finances, puis rapporteur général du budget, et accepta, dans le ministère Freycinet (29 décembre 1879) le poste de sous-secrétaire d'Etat aux finances. Il le conserva dans le ministère Ferry (23 septembre 1880), et, en cette qualité, parla (juin 1881) contre la suppression de l'impôt sur le papier.
Réélu député, le 21 août 1881, par 11 099 voix (13 033 votants, 19 000 inscrits), il épousa, le 22 octobre suivant, Mlle Alice Grévy, fille unique du président de la République, quitta le sous-secrétariat des Finances à la chute du cabinet Ferry (14 novembre 1881), parla (décembre suivant) contre le budget, soutint (juin 1882) le projet de protectorat sur la Tunisie présenté par le gouvernement, se montra (juillet 1883) un des adversaires les plus ardents des conventions avec les grandes compagnies de chemin de fer, et, propriétaire du journal la Petite France de Tours, commença (septembre 1883) à faire profiter ce journal des renseignements que pouvaient lui fournir sa situation de gendre du président de la République et sa résidence à l'Elysée, et à mêler le nom de M. Jules Grévy aux intrigues ministérielles qu'il entendait favoriser. Les insinuations de la Petite France, qui publiait souvent les documents officiels avant le Journal officiel, ne furent pas étrangères à la réception des moins courtoises qui fut faite au roi d'Espagne, Alphonse XII, lors de sa visite à Paris, et la presse émit à l'envi quelques doutes sur la correction de l'attitude politique du gendre dit premier magistrat du pays. A la Chambre, M. Wilson attaqua le budget (novembre 1884), défendit (janvier 1885) la construction par l'Etat des lignes de chemin de fer.
Porté aux élections du 4 octobre 1885, sur la liste opportuniste d'Indre-et-Loire, il fut élu, le 3e sur 5, par 40 018 voix (77 527 votants, 98 850 inscrits). Il parla (février 1886) sur l'interpellation Thévonet relative aux tarifs de chemins de fer, fut rapporteur (mars) du projet d'emprunt de 900 millions, rapporteur du budget de 1887 qu'il défendit, et vota l'expulsion des princes.
En septembre 1887, les perquisitions ordonnées par la justice dans l'affaire Caffarel-Limouzin amenèrent chez Mme Limouzin la découverte de lettres de M. Wilson ; quelques journaux, l'Intransigeant, la Lanterne, le XIXe siècle, Paris, prirent l'affaire en main, et accusèrent quotidiennement M. Wilson d'avoir trafiqué de la Légion d'honneur, d'avoir installé à l'Elysée une agence d'affaires véreuses, d'avoir usé de son crédit pour faire accorder des grâces, des remises ou des réductions de droits dus à l'Etat, d'avoir imposé à un grand nombre de fonctionnaires des actions ou des abonnements de la Petite France, d'avoir pris part à des contrats de fournitures pour le compte de l'Etat, etc. Le jour de la rentrée des Chambres. M. Cunéo d'Ornano demanda la nomination d'une commission chargée de faire une enquête « sur les faits de trafic de fonctions publiques et de décorations signalés par la presse ». Malgré l'opposition du ministère, déclarant l'enquête inutile puisque la justice était saisie, l'urgence fut votée par 338 voix contre 130. On pensa que M. Wilson s'empresserait de quitter l'Elysée, où une enquête présentait de délicates difficultés ; il n'en fut rien, et M. Wilson fut soutenu en cette circonstance par son beau-père, qui ne trouvait dans les faits reprochés à son gendre, fussent-ils vrais, aucune culpabilité pénale. M. Rouvier, président du conseil, s'efforça de couvrir le président de la République « qui n'était, dit-il, à l'égard des ministres, qu'un solliciteur comme un autre », et posa la question de cabinet pour obtenir le rejet de l'enquête ; une proposition de M. Colfavru sauva pour un moment la situation en faisant étendre l'enquête « à tous les faits touchant l'administration, qui paraîtraient de nature à mériter un blâme ou une répression ». Ainsi étendue et atténuée, l'enquête fut acceptée par le cabinet et votée par 463 voix contre 84. Mais, le 9 novembre, à l'audience de la 10e chambre du tribunal correctionnel de la Seine, l'avocat de Mme Limouzin constata que deux lettres de M. Wilson à sa cliente avaient été distraites du dossier, pendant que ce dossier était outre les mains du préfet de police, et avaient été remplacées par deux autres.
Cet incident surexcita l'opinion publique ; dès le lendemain, M. de Douville-Maillefeu et M. Piou demandèrent simultanément, à la tribune de la Chambre, si les faits révélés la veille à l'audience de la 10e chambre étaient poursuivis. Après quelques tergiversations, M. Mazeau, garde des sceaux, fut obligé d'ordonner au procureur général de poursuivre. Le préfet de police, M. Gragnon, ayant refusé de donner sa démission, fut remplacé, et, le 17, la Chambre accorda, à l'unanimité moins une voix, l'autorisation de poursuites déposée contre M. Wilson. On sait (Voy. GRÉVY) la crise politique qui s'ensuivit, et qui amena la démission forcée du président de la République. M. Wilson ne quitta l'Elysée qu'à la dernière extrémité, et se retira dans l'hôtel particulier de son beau-père. Le 13 décembre, un arrêt de la chambre des mises en accusation décida qu'il n'y avait lieu de poursuivre MM. Gragnon et Wilson pour détournement et substitution de lettres dans le dossier Limouzin, « attendu que si de telles pratiques doivent être hautement réprouvées, elles ne tombent sous l'application d'aucune disposition de la loi pénale. »
En janvier 1888, une nouvelle information judiciaire fut ordonnée contre M. Wilson à propos d'une affaire de décoration découverte depuis l'arrêt précédent. Le juge d'instruction chargé d'informer, M. Vigneau, fut révoqué au cours de l'enquête, pour avoir employé à la recherche de la vérité des moyens peu dignes de la justice, mais l'affaire suivit son cours, et, le 1er mars 1888, M. Wilson fut condamné par le tribunal correctionnel à deux ans de prison et 3 000 francs d'amende, pour complicité dans la vente de la croix de la Légion d'honneur. L'affaire fut portée à la cour d'appel, qui réforma le jugement le 26 mars, et renvoya M. Wilson et autres des fins de la plainte. Tout en tenant les faits pour prouvés, le nouvel arrêt déclara qu'ils ne tombaient sous le coup d'aucune disposition répressive.
Le rôle de M. Wilson était terminé, et le député d'Indre-et-Loire s'abstint pour un temps de paraître à la Chambre. Le 26 novembre 1888, il vint inopinément s'asseoir à son siége de député. Le vide se fit aussitôt autour de lui ; sur la proposition de MM. Mesureur et Millerand, la séance fut suspendue pendant une heure, et M. Wilson ne reparut plus au Palais Bourbon.
Né le 6 mars 1840 à Paris,
mort le 13 février 1919 à Loches (Indre-et-Loire).
Député d'Indre-et-Loire au Corps législatif de 1869 à 1870.
Représentant d'Indre-et-Loire de 1871 à 1876.
Député d'Indre-et-Loire de 1876 à 1889 et de 1893 à 1902
Sous-secrétaire d'Etat aux Finances du 29 décembre 1879 au 14 novembre 1881.
(Voir première partie de la biographie dans ROBERT ET COUGNY, Dictionnaire des Parlementaires, t. V, p. 562.)
Après la tempête soulevée par le scandale des décorations en 1887, Daniel Wilson laissa les passions s'éteindre en semblant renoncer à la politique et attendit cinq ans pour renouer avec celle-ci. En 1892, en effet, il entre au conseil municipal de Loches, dont il devient maire (ce qui provoque la fureur vertueuse du député de Loches, Edouard Muller, qui interpelle le gouvernement à ce sujet) et est élu, pour le canton de Montrésor, au Conseil général.
Au renouvellement de 1893, il se présente dans la circonscription de Loches et est confortablement élu avec 9 505 voix sur 17 269 votants, contre 7 398 au député sortant de rallié Muller. Malgré ces chiffres qui semblent indiscutables, Maurice Lasserre, au nom de la morale publique, arrache, le 26 février 1894, une invalidation, discutable, de l'élection de Loches. Le 6 mai suivant Daniel Wilson est réélu, avec 166 voix de moins que la première fois, par 9 337 suffrages sur 17 274 votants contre 7 609 à Maurice Raoul-Duval. Une seconde fois on tente d'obtenir l'invalidation avec un acharnement où la mauvaise foi n'a d'égale que la partialité - des deux côtés d'ailleurs - mais la Chambre ne peut, quelque dépit qu'en aient au fond beaucoup de ses membres, qu'admettre Wilson à siéger le 10 mars 1896, soit 21 mois après sa réélection ! Cette situation ambiguë ne l'empêcha pas d'appartenir au 10e bureau ni de siéger lors de la session extraordinaire de 1895 à la commission des pétitions. Ce fut d'ailleurs la seule activité qu'il eut au cours de cette législature et de la suivante.
Il fut en effet réélu en 1898 au scrutin de ballottage par 9 046 voix sur 17 912 votants contre 8 708 à Maurice Raoul-Duval, qui était arrivé en tête au premier tour. Renouvelant ses manœuvres de 1894, Raoul-Duval tenta de contester l'élection, mais sans trouver le moindre écho à la Chambre cette fois-ci.
Lassé de la politique, Daniel Wilson ne se représenta pas aux élections de 1902, laissant son siège à un autre radical Alphonse Chautemps, frère d'Emile Chautemps et oncle de Camille, futur président du Conseil.
Désormais, Daniel Wilson consacra sa retraite à l'imprimerie Arrault à Tours et à ses journaux, ainsi qu'à la gestion de sa fortune et à la culture des violettes dans sa propriété des Montains à Loches. C'est là qu'il mourut le 13 février 1919, à l'âge de 79 ans.