Camille Laurens

1906 - 1979

Informations générales
  • Né le 12 août 1906 à Lacroix-barrez (Aveyron - France)
  • Décédé le 15 novembre 1979 à Paris (Paris - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Gouvernement provisoire de la République française
Législature
Ire Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 21 octobre 1945 au 20 décembre 1945
Département
Cantal
Régime politique
Gouvernement provisoire de la République française
Législature
2e Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 2 juin 1946 au 27 novembre 1946
Département
Cantal
Groupe
Républicain d'action paysanne et sociale
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 10 novembre 1946 au 4 juillet 1951
Département
Cantal
Groupe
Centre républicain d'union paysanne et sociale
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIe législature
Mandat
Du 17 juin 1951 au 1er décembre 1955
Département
Cantal
Groupe
Centre républicain d'action paysanne et sociale et des démocrates indépendants
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 2 janvier 1956 au 8 décembre 1958
Département
Cantal
Groupe
Indépendants et paysans d'action sociale

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1940 à 1958 (La documentation française)



Né le 12 août 1906 à Lacroix-Barrez (Aveyron)
Décédé le 15 novembre 1979 à Paris

Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Cantal)
Député du Cantal de 1946 à 1958
Secrétaire d'Etat à l'agriculture du 11 août au 21 novembre 1951
Ministre de l'agriculture du 21 novembre 1951 au 28 juin 1953

Camille Laurens a consacré toute sa carrière à la défense du monde agricole, à la fois localement et à travers son activité parlementaire et ses responsabilités de ministre de l'agriculture sous la IVe République ; il a aussi été l'un des principaux animateurs du courant politique des indépendants et paysans.

Cet agriculteur du Cantal est né le 12 août 1906 d'une famille paysanne du village de Lacroix-Barrez, dans l'Aveyron, commune dont son père était le maire. Après des études au collège de Sarlat et l'obtention de son baccalauréat, Camille Laurens devient agriculteur - exploitant et accepte des responsabilités locales : conseiller municipal de Lacroix-Barrez de 1935 à 1944, il est aussi un des animateurs du syndicalisme agricole du Cantal.

Mobilisé à partir du 28 août 1939, il prend part aux campagnes d'Allemagne et de Norvège et sera démobilisé le 10 novembre 1940. Sous l'occupation, Camille Laurens, de retour dans le Cantal, poursuit ses activités de défense du monde agricole, et assume des responsabilités au sein de la corporation paysanne ; il apporte aussi son soutien à certaines activités de la Résistance. Cette attitude ambivalente lui vaudra des critiques à la Libération et l'invalidation de son premier mandat de constituant.

En effet, l'élection de Camille Laurens, tête de la liste républicaine d'action paysanne et sociale, qui obtient pourtant un bon score le 21 octobre 1945 (plus du tiers des voix, devant les socialistes et les communistes), est invalidée le 20 décembre 1945. C'est le deuxième bureau qui, à l'Assemblée nationale, est chargé du contrôle des opérations électorales du Cantal et, s'il valide les autres élus le 7 novembre, en revanche il demande de réserver le cas de Camille Laurens, que l'Assemblée examine le 20 décembre 1945. La thèse du deuxième bureau est la suivante : un citoyen frappé d'indignité professionnelle ne pouvant pas représenter ses concitoyens dans les organismes de sa profession, ne saurait a fortiori les représenter à l'Assemblée nationale. Le deuxième bureau demande donc à la justice (la chambre civique a en effet été saisie du dossier de Camille Laurens par le comité départemental de Libération du Cantal) de se prononcer au plus vite pour que l'Assemblée nationale puisse ensuite statuer sur sa validation. Les faits tels qu'ils sont résumés par le deuxième bureau sont les suivants : Camille Laurens a été nommé, début 1942, syndic régional de la corporation paysanne, et s'est vu, par décret du 5 avril 1943, investi des fonctions de syndic national adjoint de la corporation paysanne ; il était également président adjoint du comité permanent du conseil national corporatif ; il aurait écrit des messages de propagande pour le maréchal et a reçu la francisque ; par arrêté en date du 28 juin 1945, le ministre de l'Agriculture a prononcé la déchéance professionnelle de M. Laurens pour cinq ans.

Dans le débat qui suit la présentation des conclusions modérées du deuxième bureau, la question a porté non pas sur la régularité de l'élection, non contestée, mais sur l'opportunité d'admettre Camille Laurens comme constituant dans une chambre formée pour l'essentiel d'anciens résistants. Celui-ci, arguant de la légèreté des pièces à conviction et du non-fondé de la condamnation du 28 juin, se défend en faisant valoir l'aide apportée à la Résistance, les condamnations en diffamation qu'il a obtenues contre le Cantal Libre, et en expliquant qu'il s'est cantonné à défendre et faire vivre le syndicalisme agricole pendant la guerre sans se mêler de politique ou d'idéologie. Il conclut en rappelant qu'à aucun moment il n'a été condamné pour action de collaboration, et qu'il a obtenu des électeurs qui le connaissent une très large confiance (30 182 voix sur 88 083 suffrages exprimés).

A la suite de l'intervention de l'Abbé Pierre, qui demande un examen plus approfondi et impartial du dossier afin d'établir la vérité et de montrer l'exemple à la France en matière de justice, mais qui fait aussi voter une motion refusant la possibilité de siéger à l'Assemblée nationale aux hommes qui ont reçu la francisque, le débat se déplace sur cette seconde question générale. Paul Ramadier fait finalement voter le renvoi de la motion en commission, et le vote sur l'annulation de l'élection de Camille Laurens peut avoir lieu : par 252 voix contre 4, son élection est annulée.

C'est Henri Joannon, second sur la liste de Camille Laurens, qui devient député du Cantal, son élection étant validée le 7 février 1946. Quatre mois plus tard, le 2 juin, lors de l'élection de la seconde Assemblée nationale Constituante, Camille Laurens se présente à nouveau aux suffrages de ses concitoyens qui lui renouvellent sans ambiguïté leur confiance : avec 33 186 des 91 239 suffrages exprimés, la liste républicaine d'action paysanne et sociale dont il est tête de liste l'emporte nettement et peut se prévaloir de 36,4 % des voix, alors que son score d'octobre 1945 était de 34,2 %. Cette élection est validée dès le 13 juin 1946 et Camille Laurens devient membre de la commission des affaires économiques, des douanes et des conventions commerciales. La question de sa conduite durant l'Occupation est définitivement réglée. Il intervient à plusieurs reprises à la tribune sur des sujets économiques, notamment sur les accords de Washington et la convention avec l'Import-Export Bank (1er août 1946), se faisant l'interprète de la défiance du syndicalisme agricole à l'égard du libéralisme de ces accords, ainsi que sur l'organisation du ravitaillement et le droit d'acquisition prioritaire de l'Etat sur les denrées alimentaires (1er octobre 1946). Il se prononce contre le second projet de constitution soumis au vote de la Constituante le 28 septembre.

Le 10 novembre 1946, il sollicite à nouveau les électeurs du Cantal et la liste républicaine d'action paysanne et sociale sur laquelle il figure en tête maintient son score, avec plus de 36 % des suffrages exprimés. Camille Laurens retrouve donc les bancs de l'Assemblée nationale, et siège dans une seule commission, celle de l'agriculture, conformément à l'orientation de sa carrière.

Au cours de cette première législature, il dépose quelques rapports et propositions, sur des questions techniques intéressant l'agriculture, mais surtout il intervient fréquemment à la tribune pour défendre les exploitations agricoles françaises les moins favorisées. Ainsi le 6 mars 1947, il critique le Plan Monnet « qui se soucie à juste titre de la modernisation de notre équipement et des progrès techniques, mais ne paraît pas avoir réservé une place suffisante aux problèmes humains » : il met en garde le pays contre la tentation d'une industrialisation accélérée aux dépens de la paysannerie. Le 22 décembre 1947, il défend son amendement visant à exonérer les petits agriculteurs du prélèvement exceptionnel de lutte contre l'inflation, mais cet amendement est rejeté. Concernant le temps de travail dans l'agriculture, Camille Laurens approuve d'abord le projet de loi de réglementation du temps de travail, avant de changer d'avis afin de ne pas handicaper les petites exploitations : « il est toujours grave et dangereux, en matière agricole, d'appliquer uniformément et de généraliser les dispositions d'une loi telle que celle qui nous est soumise, aussi bien dans les régions de culture industrialisée que dans les départements d'exploitations à structure familiale ou de polyculture » (2 mars 1948).

Camille Laurens vote la confiance à Léon Blum le 17 décembre 1946, et s'abstient sur la question de confiance de Paul Ramadier le 4 mai 1947, le jour où le Président du Conseil se sépare de ses ministres communistes. Il se prononce contre le projet de loi sur le statut de l'Algérie (27 août 1947) mais est favorable au plan Marshall (juillet 1948), et à la constitution du Conseil de l'Europe le 9 juillet 1949. Il accepte la ratification du pacte Atlantique quelques jours plus tard, et vote enfin pour le système des apparentements qui, le 7 mai 1951, modifie la loi électorale en faveur des partis de la Troisième force.

De fait, cette loi profite largement à la liste de Camille Laurens dans le Cantal le 17 juin 1951 : elle a conclu un vaste apparentement avec les listes radicale-socialiste, MRP, UDSR et RGR, et cet apparentement remporte la majorité absolue des suffrages exprimés (45 492 sur 83 230), de sorte que les indépendants paysans de Camille Laurens, dont le score est nettement en baisse (31,7 %), obtiennent cependant les trois sièges à pourvoir au lieu d'un, ses quatre alliés, aux scores faibles, n'obtenant rien.

De retour à l'Assemblée, Camille Laurens en vient peu à peu à s'imposer parmi les figures importantes de la mouvance indépendante : élu en 1950 président du groupe indépendant d'action paysanne et sociale, il adhère en 1953 au groupe des indépendants et paysans. Il devient membre du comité directeur du Centre national des indépendants (CNI) et, à la fin de la législature, président du groupe parlementaire du CNI.

Il a l'occasion de mettre en pratique ses idées avec plus de poids au cours des années 1951-1953 : il est en effet nommé secrétaire d'Etat à l'agriculture du cabinet Pleven, du 11 août au 21 novembre 1951, puis ministre de l'agriculture dans ce même cabinet et au sein des gouvernements Faure, Pinay et Mayer, sans discontinuer du 21 novembre 1951 au 28 juin 1953. C'est à ce titre qu'il intervient à l'Assemblée, déposant et défendant les projets de loi du gouvernement et répondant aux questions et interpellations des députés. Parmi les projets de loi importants qu'il dépose figurent la protection du titre d'oenologue (12 avril 1952), la codification des textes de loi concernant l'agriculture (2 décembre 1952), l'aide financière aux agriculteurs victimes de calamités agricoles (5 février 1953), ou encore la création du Fonds de modernisation agricole (12 mars 1953). A la tribune, il défend activement la politique du gouvernement en matière agricole, en tentant d'écarter les nombreux amendements qui infléchissent ses projets de loi ou présentent un caractère trop particulier.

Redevenu simple parlementaire fin juin 1953, il reprend son activité de député pendant les deux dernières années et demie de la seconde législature ; il fait en particulier adopter un amendement, le 20 juillet 1954, établissant l'autorité du ministère de l'Agriculture sur le comité national des appellations d'origine des fromages. Camille Laurens n'a pas pris part au vote de la loi Barangé-Marie sur l'école libre, le 21 septembre 1951, a été favorable au projet de Communauté européenne du charbon et de l'acier le 13 décembre 1951, a accordé son soutien à l'investiture d'Antoine Pinay le 6 mars 1952 et à celle de Joseph Laniel le 26 juin 1953. Il s'abstient lors du vote d'investiture de Pierre Mendès France le 17 juin 1954. Il ne prend pas part au vote sur le projet de Communauté européenne de défense (CED) le 30 août 1954. Le 12 octobre 1954, Camille Laurens vote en faveur des accords de Londres qui mettent un terme à l'occupation de l'Allemagne, mais il s'abstient lors du vote sur les accords de Paris le 29 décembre, qui permettent le réarmement de la RFA et son entrée dans l'OTAN. Il accorde sa confiance à Edgar Faure le 23 février 1955, et le soutient encore lors de la chute de son cabinet, le 29 novembre 1955.

Après la dissolution de l'Assemblée nationale par Edgar Faure, la liste d'union des indépendants conduite par Camille Laurens poursuit son érosion dans le Cantal : le 2 janvier 1956, avec 25,1 % des voix, seule la tête de liste est élue. Au cours de la troisième législature, Camille Laurens est vice-président du groupe des indépendants et paysans d'action sociale. Il siège aux commissions de l'agriculture, de la presse, des territoires d'outre-mer. Son activité est plus réduite : il dépose quelques propositions de résolution et quelques propositions de loi à caractère technique intéressant le monde agricole, concernant notamment les jeunes paysans appelés sous les drapeaux. Il prend souvent la parole pour défendre les exploitations agricoles, par exemple au cours du débat sur les règles d'expropriation lors de la construction de logements et d'équipements collectifs, en novembre 1956.

Camille Laurens s'abstient sur le vote de confiance au gouvernement Guy Mollet (31 janvier 1956), mais il soutient le programme de Maurice Bourgès-Maunoury (12 juin 1957). Il s'abstient lors du vote de ratification des traités instituant la Communauté économique européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique (9 juillet 1957), et vote les pouvoirs spéciaux en Algérie (12 novembre 1957). Lors de la crise qui emporte la IVe République, il s'oppose à l'investiture de Pierre Pflimlin (13 mai 1958), vote contre la révision de la Constitution (27 mai 1958) mais soutient l'investiture du général de Gaulle (1er juin 1958), de même qu'il accorde les pleins pouvoirs au gouvernement et vote la révision constitutionnelle le 2 juin 1958.

Sous la Ve République, Camille Laurens ne se représente qu'une seule fois, sans succès, en 1958 (il est battu par le candidat UNR) ; mais il conserve un rôle important au sein du mouvement des indépendants et paysans. Directeur politique du CNIP en 1961, élu en remplacement de Roger Duchet, il devient secrétaire général de cette formation jusqu'à sa mort en 1979. Aux élections présidentielles, il appuie la candidature de Jean Lecanuet en 1965, puis celle d'Alain Poher en 1969 au premier tour, laissant à ses amis la liberté de vote au second tour en raison du soutien des socialistes au président du Sénat. En 1974, il préserve l'autonomie du CNIP après les élections présidentielles, lors de la tentative de constitution d'une confédération entre les républicains indépendants « giscardiens » et le CNIP.

Membre du Conseil économique et social de 1959 à 1964, Camille Laurens a animé plusieurs organes de presse en tant que directeur : le journal France indépendante de 1958 à 1961, le Journal des Indépendants, organe du CNIP, de 1962 à 1979, enfin le Journal du Cantal.

Le jeudi 15 novembre 1979 au soir, Camille Laurens décède à Paris ; dans un communiqué commun, Antoine Pinay et Bertrand Motte, présidents d'honneur du CNIP, rendent hommage « à l'immense labeur assumé par le défunt au service d'un idéal politique dont il ne s'est jamais éloigné ». Camille Laurens, titulaire de la croix du combattant et de la médaille de Norvège, était chevalier de la Légion d'honneur, commandeur du mérite agricole, commandeur du mérite de l'ordre souverain de Malte, et commandeur de l'ordre de Léopold. Il était marié et père d'un enfant.