Augustin Laurent
1896 - 1990
* : Un décret de juillet 1939 a prorogé jusqu'au 31 mai 1942 le mandat des députés élus en mai 1936
Né le 9 septembre 1896 à Wahagnies (Nord). Député du Nord de 1936 à 1942.
Né d'une famille de mineurs, Augustin Laurent s'engage à 18 ans, en 1914, et se bat sur le front pendant 46 mois. Il est décoré de la Croix de guerre. Après l'armistice, il devient secrétaire de mairie et prend une part active au mouvement socialiste dans le Nord. Il remporte son premier succès électoral en 1931, année de son entrée au Conseil général du Nord.
Aux élections générales de 1936, il est candidat du Front populaire dans la 6e circonscription de Lille. Il est élu au second tour par 11.980 voix contre 9.169 à son concurrent immédiat, sur 21.565 suffrages exprimés. A la Chambre, il s'inscrit au groupe socialiste S.F.I.O. Il fait partie de la commission de la législation civile et criminelle, de celle du travail, enfin de la commission d'assurance et de prévoyance sociales.
En 1938, il intervient dans la discussion du projet de loi tendant à l'institution de l'office national interprofessionnel du blé ; du projet de loi relatif à la propriété culturale ; du budget des Travaux publics. En 1939, il dépose une proposition de loi tendant à assujettir les ouvriers et employés des usines travaillant les produits de distillation de la houille à la caisse autonome des retraites des ouvriers mineurs et une proposition de loi tendant à la création d'un conseil de prud'hommes dans tous les chefs-lieux de canton.
En juillet 1940, il se solidarise avec les parlementaires qui refusent d'accorder les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.
Né le 9 septembre 1896 à Wahagnies (Nord)
Décédé le 1er octobre 1990 à Wasquehal (Nord)
Député du Nord de 1936 à 1942
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Nord)
Député du Nord de 1946 à 1951
Ministre des postes, télégraphes et téléphones du 10 septembre 1944 au 27 juin 1945
Ministre d'Etat du 16 décembre 1946 au 22 janvier 1947
(Voir première partie de la biographie dans le Dictionnaire des parlementaires français 1889-1940, p. 2155)
Absent de Vichy le jour du vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain, le 10 juillet 1940, Augustin Laurent manifeste aussitôt son opposition au nouveau régime, et entre parmi les premiers dans les rangs de la Résistance. Dès octobre 1940, il écrit des articles pour L'Homme libre, publication clandestine dirigée par son ami Jean Lebas, à laquelle succédera Quatrième République à la fin de l'année 1941. Courageux, discret et efficace, Augustin Laurent devient secrétaire à l'organisation dans le comité exécutif clandestin du Parti socialiste, dont il coordonne l'activité entre la zone d'occupation et la zone libre. Après avoir échappé d'extrême justesse à une arrestation, Augustin Laurent rejoint Lyon en 1942 ; il y siège au comité politique du mouvement Libération-Sud, et prend la tête du réseau France au combat. Augustin Laurent accomplit alors d'incessants allers-retours entre le Nord et le Lyonnais, assurant liaisons, transmissions d'ordres et renseignements, tout en participant à la rédaction, au tirage et à la diffusion de journaux clandestins.
Sollicité pour représenter le parti socialiste au sein du CNR, et encouragé dans cette voie par Léon Blum, Augustin Laurent décline la proposition, afin, dit-il, de mieux concentrer ses efforts sur l'organisation de la Résistance dans le Nord ; c'est à André Le Troquer qu'échoit alors cette responsabilité. En janvier 1944, Augustin Laurent s'établit définitivement à Lille ; il y dirige les activités du comité départemental de libération, changeant sans cesse de logement pour échapper aux recherches de la Gestapo.
Le jour de la libération de Lille, Augustin Laurent, entouré de quelques FFI, prend possession au nom de la République de l'Hôtel de la préfecture. Porté à la tête de la fédération socialiste du Nord, il reprend les rotatives du journal collaborationniste Le Réveil du Nord et créé Nord Matin, dont il assume jusqu'en 1979 la direction politique.
Son action dans la Résistance et son poids dans l'appareil socialiste lui valent d'être appelé par le général de Gaulle le 10 septembre 1944 pour prendre les fonctions de ministre des PTT du Gouvernement provisoire de la République française. Augustin Laurent présente sa démission le 27 juin 1945, invoquant les séquelles d'une opération chirurgicale, mais faisant peu mystère de son irritation croissante devant les orientations et les méthodes du général de Gaulle.
Déjà membre de l'Assemblée consultative provisoire, Augustin Laurent se présente le 21 octobre 1945 aux élections pour la première Assemblée nationale constituante, à la tête de la liste SFIO dans la 2e circonscription du Nord. La liste recueille 124 360 voix sur 451 443 suffrages exprimés, et emporte trois des neuf sièges à pourvoir ; la liste du MRP conduite par Maurice Schumann obtient quatre sièges, et la liste communiste d'Arthur Ramette les deux derniers.
Augustin Laurent est nommé membre de la commission du travail et de la sécurité sociale et de la commission des affaires étrangères. Il est l'auteur de plusieurs textes, parmi lesquels deux rapports au nom de la commission du travail, déposés le 13 décembre 1945 et le 12 février 1946, dans lesquels il plaide avec force pour que soient enfin respectés la loi du 21 juin 1936 limitant à quarante heures par semaine la durée légale du travail et le décret du 27 octobre 1936 fixant le régime des heures supplémentaires : les nécessités de la reconstruction, assurément impérieuses, ne sauraient toutefois justifier que l'on s'affranchisse du principe d'une juste rémunération des heures de travail accomplies au-delà de l'horaire légal.
Avec ses collègues du groupe socialiste, le député du Nord vote les nationalisations et approuve, le 19 avril 1946, le projet de Constitution de la IVe République ; le texte est cependant rejeté par le référendum du 5 mai 1946, ce qui rend nécessaire la convocation d'une nouvelle Assemblée nationale constituante.
Les élections se tiennent le 2 juin 1946 ; Augustin Laurent conduit de nouveau la liste de la SFIO, qui consolide ses positions, avec 128 900 voix sur 457 801 suffrages exprimés, et retrouve ses trois élus.
Augustin Laurent est de nouveau nommé membre de la commission du travail et de la sécurité sociale. Il intervient à deux reprises à la tribune de l'Assemblée, le 18 et le 24 septembre 1946 ; déplorant l'incapacité du gouvernement à enrayer les mécanismes inflationnistes et à mettre un terme au marché noir, il se prononce en faveur d'une politique des prix souple mais vigilante : « je pense, moi, que la liberté est un meilleur moyen, qui n'est, sans doute, pas absolu. Je pense que cette liberté doit être contrôlée par l'Etat qui doit en sanctionner les excès ».
Augustin Laurent approuve le nouveau projet de Constitution, voté par l'Assemblée le 28 septembre 1946, et ratifié par référendum le 13 octobre. Il sollicite de nouveau le renouvellement de son mandat lors des élections législatives du 10 novembre. La liste socialiste perd un peu de terrain, avec 113 298 voix sur 453 725 suffrages exprimés ; ses trois députés sortants sont certes réélus, mais dix sièges étaient cette fois à pourvoir, contre neuf lors des consultations précédentes.
Augustin Laurent retrouve la commission du travail et de la sécurité sociale ; il siège aussi à la commission des boissons, et est appelé à figurer sur la liste des jurés de la Haute cour de justice. En décembre 1946, Léon Blum l'appelle dans son gouvernement, avec le titre de ministre d'Etat. Il y demeure quelques semaines, jusqu'à la mise en place officielle de la IVe République ; il déclinera par la suite plusieurs propositions de portefeuille ministériel, entendant se consacrer pleinement à ses mandats électifs et à ses responsabilités au sein du parti socialiste.
L'activité parlementaire d'Augustin Laurent témoigne de son intérêt pour les problèmes sociaux. Il dépose ainsi, le 18 mars 1947, une proposition de résolution destinée à modifier le régime des prestations familiales ; le 10 mars 1949, il est l'auteur d'une proposition de résolution destinée à augmenter le taux de l'assistance à domicile versée aux vieillards, infirmes et incurables ; le même jour, il dépose une autre proposition de loi visant à obtenir, pour les travailleurs indépendants les plus modestes, l'exonération des cotisations aux caisses d'allocations familiales.
A l'Assemblée, Augustin Laurent incarne la tradition du socialisme guesdiste, dont le Nord fut l'une des premières terres d'élection. Intransigeants dans la défense des intérêts de la classe ouvrière, les héritiers de Jules Guesde professent aussi, depuis les luttes fratricides des années 20, un anti-communisme sans concession. Les prises de positions d'Augustin Laurent à l'égard des grandes grèves communistes de 1947-1948 témoignent de cette ambivalence. Intervenant le 3 décembre 1947 à la tribune de l'Assemblée, le député du Nord relativise l'ampleur des grèves dans sa ville de Lille, soulignant que la dernière manifestation communiste n'y a rassemblé que 2500 personnes : « cet échec prouve que les travailleurs de Lille ont compris le vrai mobile des grèves actuelles », conclut-il. Au député communiste Marcel Servin, qui l'interrompt alors pour lancer : « s'il vous entendait, que dirait Jules Guesde ? », Augustin Laurent intime de ne pas « profaner le nom de Jules Guesde » : « Jules Guesde vous avait dénoncés comme des diviseurs du prolétariat ». A Maurice Thorez, qui le traite de « rouffion », il rétorque : « Monsieur Thorez, on ne parle pas de rouffion quand on a déserté ! ».
Augustin Laurent précise sa position le 23 novembre 1948, en intervenant à la tribune de l'Assemblée à propos des grèves dans les Charbonnages du Nord. Il soutient les revendications des mineurs, jugeant « qu'il ne faut pas laisser dire que les mineurs gagnent trop et touchent des salaires trop élevés », mais reste solidaire du gouvernement Queuille : la grève générale des houillères aurait pu être évitée, juge-t-il, si l'on avait tenu compte « comme il convenait des résultats appréciables, sinon totalement satisfaisants, que constituaient les avantages consentis par le ministre de l'Industrie et du commerce agissant au nom du gouvernement ». Sa conclusion est plus tranchée : « la grève ne se serait pas produite si les syndicats avaient été dirigés par des syndicalistes authentiques au lieu de l'être par l'Agitprop, traduisez par des agitateurs professionnels du parti communiste ».
En 1946, Augustin Laurent est aussi élu président du conseil général du Nord. C'est d'ailleurs pour mieux se consacrer à l'action locale qu'il choisit de ne pas solliciter le renouvellement de son mandat lors des élections législatives du 17 juin 1951.
Après avoir été élu conseiller municipal de Lille en 1953, il en devient maire en 1955, la reprenant des mains des républicains sociaux ; il administre la ville avec une majorité de Troisième force (SFIO, MRP et Indépendants), et l'engage dans une politique urbaine qui se concrétise notamment par la rénovation du vieux quartier Saint-Sauveur - l'actuel quartier de la mairie.
Parlementaire, ministre, élu local, Augustin Laurent est aussi un homme de parti. Secrétaire depuis 1945 de la puissante fédération socialiste du Nord, il échoue en septembre 1946 contre Guy Mollet dans la lutte qui les oppose pour l'accession au poste de secrétaire général de la SFIO ; mais soucieux avant tout de l'unité du Parti, il soutient loyalement, par la suite, le député du Pas-de-Calais. Augustin Laurent n'est toutefois pas homme à renier ses convictions : favorable à la CED, il s'élève en 1952 contre ceux qui, dans son propre parti, s'acharnent à saborder le projet ; il s'oppose en 1956 à Guy Mollet lors de l'affaire de Suez, puis en 1965 à Gaston Defferre, dont il récuse, au nom de l'unité du groupe socialiste, le projet de « grande fédération ». Agé déjà de soixante-sept ans, Augustin Laurent se démet en 1963 de ses fonctions de secrétaire de la fédération du Nord ; quatre ans plus tard, il se retire des instances dirigeantes de la SFIO.
Hostile au cumul des mandats, Augustin Laurent abandonne en 1967 la présidence du conseil général du Nord à Albert Denvers, avant de prendre, deux ans plus tard, la présidence de la Communauté urbaine de Lille. Il quitte cette présidence en 1971, la confiant à Arthur Notebart ; de même, refusant « d'attendre que ses forces s'endorment sous le beffroi », il cède en 1973 son fauteuil de maire à son premier adjoint, Pierre Mauroy.
Désormais simple spectateur de la vie politique, Augustin Laurent reste passionné par l'évolution d'un parti dont il fut, plusieurs décennies durant, l'un des principaux animateurs. Il décède le 1er octobre 1990 à Wasquehal, dans le département du Nord ; Michel Rocard, alors Premier ministre, salue la mémoire de ce « militant fidèle, qui a parfaitement incarné les vertus du socialisme nordiste à travers les vicissitudes de l'Histoire ».