Pierre Laval
1883 - 1945
Né le 28 juin 1883 à Chateldon (Puy-de-Dôme).
Député de la Seine de 1914 à 1919 et de 1924 à 1927.
Sénateur de la Seine de 1927 à 1936. Sénateur du Puy-de-Dôme de 1936 à 1944.
Ministre des Travaux publics du 17 avril au 29 octobre 1925. Sous-secrétaire d'Etat à la Présidence du Conseil du 28 novembre 1925 au 9 mars 1926.
Ministre de la Justice du 9 mars au 19 juillet 1926. Ministre du Travail et de la Prévoyance sociale du 2 mars au 13 décembre 1930.
Président du Conseil et Ministre de l'Intérieur du 27 janvier 1931 au 14 janvier 1932. Président du Conseil et Ministre des Affaires étrangères du 14 janvier au 20 février 1932 et du 7 juin 1935 au 24 janvier 1936. Ministre du Travail et de la Prévoyance sociale du 20 février au 3 juin 1932.
Ministre des Colonies du 9 février au 8 novembre 1934.
Ministre des Affaires étrangères du 13 octobre 1934 au 7 juin 1935.
Ministre d'Etat, Vice-président du Conseil du 23 juin au 12 juillet 1940.
Henri Pourrat, le talentueux écrivain à qui nul détail de son pays natal n'a échappé, et qui fait aimer tout ce qu'il décrit, parle ainsi de Châteldon : « Des basses croupes vignobles aux sommets de granit remontent des côtes assez abruptes couvertes de bois, crevées de roches, burinées de ravins à torrents furieux. Sous les contreforts, parfois, deux ruisseaux se joignent. Châteldon est bâti sur l'un de ces confluents, à la pointe du promontoire. Son Châtel, au plus haut, domine d'entre les arbres les beffrois, les tours, les maisons... voici le logis du notaire, celui du chanoine... On dirait d'un bourg fait pour les comédies et proverbes... Fantasio pourrait venir... »
L'histoire de Châteldon se confond avec celle de la Basse-Auvergne, qui s'étendait au-delà de Cusset, dans l'Allier et englobait Vichy.
C'est dans le bourg féodal de Châteldon, remplaçant certainement une antique cité gauloise, que Pierre Laval naquit le 28 juin 1883, benjamin d'une famille qui comptait trois garçons et une fille. La maison était une modeste demeure : hôtellerie, avec toujours cinq chevaux à l'écurie, complétée par un petit café. Dans une pièce voisine était la boucherie où son père officiait. Les Laval assuraient aussi le courrier de Châteldon, reliant la ville à Puy-Guillaume par la voiture et faisaient le service de la diligence de Châteldon … Vichy. Le père Laval était dur à la peine, rustique, et sa femme fine et plaisante. De teint basané, les yeux comme des diamants noirs, très brune, un nez avantageux, une lourde lippe, elle était souple et indolente, une Maugrabine reparaissant parmi ces Auvergnats, qui ne pouvait renier son origine, ni son fils préféré à qui elle donna ses traits et une partie de ses qualités. Pierre était, de plus, réservé, réfléchi, prudent et, parmi ses caractéristiques, il en est une qu'il porta jusqu'au paroxysme - il lui dut non seulement son ascension mais la courbe de son destin - la persévérance. A l'école communale, il est toujours premier. Il lit beaucoup, mais des ouvrages complétant ce qu'on lui enseigne dans ses classes. Pierre est hanté par l'aventure. Voyager est dans le sang des Auvergnats et s'ils vont s'établir au loin c'est qu'ils espèrent y trouver de meilleurs moyens de gagner leur vie, mais lui pense à commander, mais lui pense à diriger... Il reviendra à Châteldon pour y prendre femme, il reviendra à Châteldon pour y prendre le premier rang. Lorsqu'il eut obtenu son certificat d'études, son père décida de lui confier le courrier avec Puy-Guillaume et la conduite de la diligence. Pierre exécute son travail ponctuellement, restant obligeant, poli, souriant. Pourtant il a son idée : il veut être bachelier... et il travaille tout seul sur son siège, « il cale les rênes sous son derrière et il potasse les bouquins » et le cheval complice marche droit. Les notables de Châteldon ayant décidé son père, Pierre vient à Paris, il est externe au lycée Saint-Louis pendant un an, habitant rue Guénégaud, chez un petit fonctionnaire de la Monnaie.
L'ample tragédie que fut l'affaire Dreyfus, où s'affrontaient les droits de l'homme et la raison d'Etat, avait divisé la France en deux camps. Elle marqua l'avènement d'une nouvelle force politique organisée: le socialisme. Pierre Laval, en son village, avait éprouvé les répercussions de l'affaire. En Auvergne, le radicalisme devenait socialisme. Le candidat philosophe avait écouté les harangues passionnées de ceux qui prétendaient réformer le parti des honnêtes gens et des avocats du droit bafoué..
La première partie du bachot, il la passe à Bordeaux. La seconde à Moulins. Changer de climat ne doit guère lui déplaire car nous le retrouverons à Lyon, à la Faculté des sciences, où il prépare la licence d'histoire naturelle. Pour arriver à ses fins, le plus rude, le plus décevant des travaux manuels, Pierre l'eût exercé avec courage. Il fut simplement surveillant d'internat, ce qui n'est pas mieux peut-être. C'est le Petit Chose, à la mèche à la fois timide et rebelle « avec je ne sais quoi de discret, de confus dans la façon qu'il a de tenir toujours un de ses poignets dans l'autre main ».
Dans le lycée où il se trouve, il y a parmi les professeurs : Mario Roustan et Edouard Herriot et ces grands maîtres, le petit « pion », dans l'avenir, en fera ses ministres.
Pierre Laval va ensuite - toujours comme surveillant d'internat - à Saint-Étienne, et c'est là qu'il découvrira sa vocation. Le jeune étudiant qui travaille seul et court pour ses inscriptions continue à se passionner pour la politique. Il est ému par la voix claironnante du grand tribun Jaurès. L'un de ses camarades l'ayant entraîné à la section du parti socialiste, il s'y fait inscrire en 1903. Il suit les réunions, prend la parole et s'avère, non pas comme un lyrique, mais un démonstratif, une intelligence claire.
Alors il n'était pas facile de grouper les éléments socialistes qui tenaient à leur autonomie, à la pureté de la doctrine et se traitaient volontiers de Turc-à-More. Le plus important était le comité central révolutionnaire, le vieux parti blanquiste qui tenait Paris et toute sa banlieue, une grande partie du Centre et se propageait jusqu'au Var. Il était patriote et avait gardé l'esprit de la Commune. C'est à la section blanquiste que Pierre Laval s'inscrivit. Cela permet de comprendre son évolution. Il se formera aux parlotes vivantes - les dialogues des générations futures - et il comprendra que pour rendre service aux amis, aux camarades, aux travailleurs, il doit s'initier au droit, d'autant plus que le juriste jouit dans les milieux populaires d'un prestige auquel l'intellectuel ne peut prétendre.
Libéré du service militaire, il retourne aux facultés, toujours maître d'études, à Dijon d'abord, où il a Germain Martin comme professeur au moment où il passe la licence en droit.
Il a 25 ans alors, et l'un des événements les plus importants de sa vie va avoir lieu. Il se marie. Il adore sa femme qui est la sœur du député Claussat, fils du maire de Châteldon, lequel porte moustache et barbe à la Napoléon III et, plein de bonté, est vénéré de tous. Sans conteste, vient de se lier un ménage exemplaire dont le fruit - une fille, Josée - sera le bien le plus précieux de Laval. Le mariage précède le départ pour la grande aventure, l'installation à Paris, toute petite, toute modeste. Pierre Laval s'inscrit au barreau et plaide, comme tous les jeunes avocats, pour l'assistance judiciaire. Il est successivement secrétaire chez Me Chesnay et chez Ernest Lafont, et rapide sera sa réussite.
Ernest Lafont, ancien ministre, hirsute, négligé, excessif - au demeurant plein de cœur - plaide surtout pour les syndicats mais ses effets et ses sévérités ont moins d'efficacité que la méthode en demi-teinte convaincante de son collaborateur. On finit par en « causer » dans les syndicats et Laval a bientôt parmi eux une importante clientèle, jusqu'à devenir le défenseur de la C.G.T. après la retentissante affaire Manès.
Quand les thèses n'étaient pas irrévocables, il offrait toujours un compromis. Il recourait à l'arbitrage, son bon sens faisait valoir les intérêts, les apaisait, « accordait les discordes ». Plus tard, il imposera largement cette méthode qui est une de ses originalités.
Dès lors, Laval pouvait faire des économies. Il n'y manqua pas et les accrut par d'heureuses opérations de bourse pour la raison que le sens psychologique peut être efficace en maints domaines. On a beaucoup reproché à Laval sa réussite sur le plan financier, sans doute parce qu'il était difficile de le surprendre sur le plan politique, sur le plan de la pensée. En fait, il n'était pas vulnérable là non plus. C'est par son astuce sans doute, mais non moins sûrement par son travail, qu'il put acquérir l'indépendance et l'aisance, comme par ailleurs il avait acquis sa place au soleil et en avait fait la premiére : il était devenu en effet le châtelain de Châteldon et possesseur du journal Le Moniteur du Puy-de-Dôme après avoir vendu le Lyon républicain, journaux qu'il dirigea d'ailleurs de main de maître.
Ce furent les petits syndicats, auxquels il ne marchandait pas son dévouement, qui l'imposèrent et réclamèrent sa candidature aux élections législatives à Boulogne, en 1911. Il échoua de peu mais conduisit sa campagne avec une telle fougue qu'il devint un des espoirs du parti.
La revanche, il devait la prendre aux élections de 1914 à Aubervilliers, circonscription de Saint-Denis, dont le maire était radical-socialiste. Il avait à vaincre deux concurrents redoutables : J.-L. Bonnet, président de la fédération radicale-socialiste de la Seine et Marcel Habert, l'ancien lieutenant de Déroulède.
Au premier tour, Laval arrive en tête avec 8.815 voix contre 6.486 à Habert et 2.978 à Bonnet. Au second tour : Laval 10.912 voix, Habert 8.586, Bonnet 5.
Laval n'abusa pas de la tribune, mais ses phrases brèves, chargées de sens, lui conféraient une qualité exceptionnelle : l'autorité. Le nouveau représentant du peuple est immédiatement à son aise dans son nouveau milieu.
La guerre éclate. Laval est réformé. Dans sa vaste circonscription, il aide à l'organisation des secours de chômage, rapatrie, organise, résoud les problèmes pressants qui abondent.
Les idées et les sentiments qui animaient les groupements socialistes avant l'unification, dont Jaurès fut l'âme, n'aboutirent pas à une fusion. L'unité avait besoin d'une mystique, elle crut la trouver dans la paix. La guerre brisa cette espérance, la guerre, précédée de l'assassinat de Jaurès dû au geste inexplicable de Villain. L'union sacrée, toutefois, se fit autour d'un cercueil, et c'est aux socialistes qu'on doit la mise en défense de Paris, et les socialistes unifiés confondirent leur activité avec celle de la Nation.
Trahis par la Sozial-démokratie qui suivait les Junkers dans l'espoir de conquérir le monde, ils lancèrent deux mots d'ordre : « partons pour la dernière des guerres et faisons la guerre qui tuera la guerre »... Mais en 1916 les militants commencèrent à faire leur examen de conscience, à se demander quel serait l'aboutissement de tant de sacrifices et le parti se divisa en partisans de la lutte à outrance et en minoritaires à la recherche d'une solution.
Pierre Laval fut des minoritaires. Aux élections du 16 novembre 1919 - c'était l'époque où l'on affichait le bolchevik avec le couteau entre les dents - au scrutin de liste, Laval fut inscrit le dernier sur la liste socialiste. Malgré une vigoureuse campagne, la liste d'union républicaine et sociale, chapeautée par Maurice Bokanowski, emporta tous les sièges. Laval ne se perdit pas en regrets superflus. Il retourna à son cabinet d'avocat et les dossiers considérables affluèrent chez lui. Il avait transporté ce cabinet du faubourg Saint-Martin à la villa Saïd, asile silencieux... allée bordée de petits hôtels qu'Anatole France rendit célèbre et qui offre, à deux pas de la bruyante avenue du Bois, le pépiement de ses oiseaux.
L'Auvergnat sagace avait réussi un de ses premiers bons placements.
Politiquement, il est seul. Il n'a pas voulu choisir entre les factions socialistes rivales. Il préfère rester lui-même, indépendant.
En 1923, Aubervilliers se prépare aux élections municipales. Laval forme une liste et bat les communistes dans une de leurs citadelles. Aussitôt, le nouveau maire entreprend une besogne de nettoyage. Il fait abattre les taudis, bâtir des écoles, des patronages, nettoyer les rues. Aubervilliers se métamorphose et prend figure de ville propre et heureuse.
Ce succès préparait les élections de 1924 qui se firent, elles aussi, au scrutin de liste. Ces élections virent le triomphe du cartel et leurs conséquences devaient imposer le retour au pouvoir de Poincaré, qui empêcha à la fois la faillite du bloc national et celle du bloc des gauches, ce qui est peu banal. Le bloc national obtint cinq élus, le cartel cinq, Laval élu en tête, les communistes se voient attribuer neuf sièges.
Laval devait jouer un rôle capital dans la nouvelle législature qui sera, pour lui, l'apprentissage du pouvoir et de ses hautaines leçons. De 1924 à 1925, il se lie d'amitié avec Briand et Painlevé, deux rêveurs aux idées généreuses, utopiques parfois. Ce garçon qui a tant d'affinités avec eux, avec le bon sens en plus, les étonne et les conquiert. En 1925, Painlevé constituant un cabinet, réclame sa collaboration et lui confie les Travaux publics. Pour ses débuts dans la vie gouvernementale, Laval réussit d'emblée un coup d'audace en provoquant le retour de Caillaux, financier notoire, alors que l'état des finances est bien triste. Mais, dans le même temps, toutes les lignes de chemins de fer font assaut de catastrophes ; le ministre dont la position est délicate fait face avec brio.
Au ministère Painlevé, succède un ministère Briand. Celui-ci réclame aussi Laval, lequel, à sa demande, occupera un poste utile mais modeste : un sous-secrétariat à la présidence du Conseil. Cette sorte de rétrogradation constitue peut-être un précédent ; il faut y voir plutôt un mérite de plus du collaborateur sérieux, discret, intelligent, à la recherche de l'efficacité et qui, à l'encontre de beaucoup, ne conspire pas contre son président.
Briand tient de plus en plus à ce collaborateur au point qu'il va le prendre comme garde des Sceaux dans deux de ses ministères.
En janvier 1927, Laval qui a conservé des campagnes électorales un souvenir peu agréable se présente au Sénat. Il figure sur la liste de Billiet, Millerand, Strauss, Steeg, Deloncle. Il est le seul élu au premier tour. Il est le plus jeune sénateur et l'on assiste alors à ce phénomène singulier : le secrétaire d'âge du Sénat est un ancien garde des Sceaux qui, à ce titre, a déjà lu par deux fois à la tribune du Sénat la déclaration ministérielle et, fait rare dans les annales du barreau, il cesse de plaider après la chute du ministère dont il fait partie comme ministre de la Justice pour ne pas paraître devant les juges qu'il avait nommés.
André Tardieu prend le pouvoir en mars 1930 et Pierre Laval devient ministre du Travail, à un moment où - moins que jamais - ce poste puisse apparaître comme une sinécure : la mise en application des assurances sociales !
Tardieu renversé, c'est Laval que le Président de la République charge de constituer le ministère, mais il devra bientôt renoncer, les radicaux se refusant à lui apporter leur collaboration. Pourquoi ? Parce que le socialiste de jadis ayant continué tout « doucettement » son évolution vers la droite, est devenu plus que suspect à des hommes qui ont donné leur amour, une fois pour toutes, aux socialistes et aux communistes.
Président du Conseil, il le sera quelques mois plus tard en 1931. Il est aussi ministre de l'Intérieur mais, déjà, la politique étrangère le passionne. Il y a longtemps que Briand lui en a inculqué les premières notions, il y a longtemps qu'il a compris que la politique intérieure ne jouait qu'un rôle de second plan.
Renversé au Sénat, Laval entre pour la première fois au quai d'Orsay, au moment des élections de 1932. Encore une crise ministérielle et le voici de nouveau au Travail. Cette période de sa vie politique est assez terne ; elle n'est pas beaucoup plus brillante quand, en 1934, - après le 6 février - il devient ministre des Colonies du gouvernement Doumergue. Une chose l'amuse alors : c'est la chasse aux abus. Il déniche, il traque, il fait un métier de justice immanente qui aura pour résultat, à son départ de la rue Oudinot, une déflation de 46 % en Indochine, de 50 % dans les autres colonies.
Survient le drame de Marseille, l'attentat contre Alexandre de Serbie, la mort de Barthou. Dans le quai d'Orsay solennellement endeuillé, Pierre Laval arrive, et pour y rester.
Pour lui commence une invraisemblable existence : il va à Rome voir Mussolini et une grande sympathie lie très vite deux hommes qui ne manquent pas de points communs. Puis c'est à Moscou qu'on l'attend et Staline qu'il doit voir. Il revient, il repart ! L'Italie a décidé d'annexer l'Ethiopie ! L'Angleterre s'y refuse énergiquement. Laval arrive à Genève. Il n'aime pas la Société des Nations, la méprise, ses diplomates sont trop polis pour être honnêtes. Tout s'acharne contre lui. Il va de l'un à l'autre, jouant les chiens de berger qui s'essoufflent à rassembler des moutons indociles ... Tout va s'arranger ... tout s'écroule, il n'y a plus qu'à recommencer ... et il recommence ... et il recommencera. Il s'est mis dans son crâne d'auvergnat une idée fixe : il veut la paix. Pour son pays d'abord et les autres ensuite. La guerre, il la hait, et il usera jusqu'à ses dernières forces, jusqu'aux dernières ressources de son intelligence et de son cœur pour qu'il n'y ait pas la guerre.
Tout cela il le fait sans fatigue apparente, avec bonne humeur, comme si c'était une vie normale. Le Petit Chose a grandi, il est devenu moins timide et moins étriqué, encore que ses costumes paraissent toujours « tirer sur leurs boutons ». Il arbore la constante et célèbre cravate blanche qui, sous la mèche et la moustache noires, fait «très dimanche »... Et il persiste, inlassable, non pas entêté mais têtu, convaincant parce que convaincu, obstiné parce que dévoué. Il dira lui-même : « c'est toujours lorsque j'accomplissais mon devoir, lorsque j'avais le sentiment de servir le mieux la France, que j'étais le plus discuté, le plus combattu ».
En dépit de ses deux licences, Laval est un autodidacte. Il a appartenu à l'Université, il lui doit peu. Il s'est fait seul. Chez lui, pas de théorie, mais des conclusions empiriques. Il est objectif, les opinions toutes faites ne lui agréent pas ; il lit un dossier calmement, cherche des précisions complémentaires et ne changera son point de vue que s'il a de bonnes raisons. Il saisit avec une stupéfiante rapidité l'importance d'un problème et ses répercussions probables. Grâce à ses voyages, Pierre Laval avait consolidé la paix en Europe. En juin 1935, sa tâche est extrêmement lourde et difficile : les méthodes normales de gouvernement s'avèrent inefficaces, il réclame et obtient les pleins pouvoirs et inaugure sa politique d'économie qui a pour but de rétablir l'équilibre entre les dépenses et les recettes, d'assainir les dépenses publiques et de ranimer la production, tout en abaissant les prix et le coût de la vie. D'autre part, avec son bon sens et son réalisme paysan, il s'efforce d'apaiser les querelles politiques. Ces sages dispositions ne tardent pas à porter leurs fruits : le budget pour 1935 est en équilibre, la production reprend, le prix de la vie baisse, la France respire et sa voix résonne déjà plus fort à l'étranger.
Le 28 décembre 1935, ce sera son dernier discours devant la Chambre des députés, discours de trois heures qu'il termina ainsi : « Messieurs, c'est toute l'orientation de la politique extérieure de la France qui est en jeu. Vous êtes les représentants du pays et ses mandataires responsables, choisissez. »
On connaît le choix : l'extrême gauche et la gauche unies obligent le président du Conseil à démissionner au moment même où le pays commence à se relever. Et puis, c'est le Front populaire. Le franc Laval est dévalué trois fois, le coût de la vie monte, la France s'abîme dans l'incohérence et arrive aux portes de la guerre, qu'on ne savait être encore les bords du gouffre. En juin 1940, comme en 1931 et en 1935, Pierre Laval qui est appelé pour assister le maréchal Pétain au gouvernement à l'heure dangereuse, Pierre Laval dira : « j'ai connu dans ma vie publique des moments difficiles où le sort de la France était en péril - c'est toujours à ces heures que j'arrive au pouvoir ».
Comme il a tout fait pour éviter le désastre, il pourra prétendre avec tristesse après l'armistice: « je porte sur les épaules le fardeau des fautes des autres et je m'efforce, bien que ce fardeau soit lourd, de le bien porter pour que la France n'en soit pas trop meurtrie ».
A Bordeaux, à côté du maréchal, il rétablira l'ordre. Il aide le parlement à mourir sans qu'une goutte de sang soit versée. Dans son message à l'Assemblée Nationale, en juillet 1940, il précisera : « Partir, c'était vouer ce qui restait de la France à l'invasion totale. On ne sauve pas la France en quittant son sol... ».
Ensuite il y eut le vote du 10 juillet... « J'ai parlé, je suis allé très loin dans mes propos - aussi loin qu'on peut aller - et pour que vous me compreniez bien, j'accepte, pour ma personne, de courir tous les risques pourvu que je puisse faire courir à la France sa chance. »
Né le 28 juin 1883 à Chateldon (Puy de-Dôme)
Décédé le 15 octobre 1945 à Fresnes (Seine)
Député de la Seine de 1914 à 1919 et de 1924 à 1927
Sénateur de la Seine de 1927 à 1936
Sénateur du Puy-de-Dôme de 1936 à 1944
Ministre des travaux publics du 17 avril au 29 octobre 1925
Sous-secrétaire d'Etat à la Présidence du Conseil du 28 novembre 1925 au 9 mars 1926
Ministre de la justice du 9 mars au 19 juillet 1926
Ministre du travail et de la prévoyance sociale du 2 mars au 13 décembre 1930
Président du Conseil et ministre de l'intérieur du 27 janvier 1931 au 14 janvier 1932
Président du Conseil et ministre des affaires étrangères du 14 janvier au 20 février 1932 et du 7 juin 1935 au 24 janvier 1936
Ministre du travail et de la prévoyance sociale du 20 février au 3 juin 1932
Ministre des colonies du 9 février au 8 novembre 1934
Ministre des affaires étrangères du 13 octobre 1934 au 7 juin 1935
Ministre d'Etat, Vice-président du Conseil du 23 juin au 12 juillet 1940
Chef du gouvernement, ministre-secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, à l'intérieur et à l'information du 18 avril 1942 au 20 août 1944
(Voir première partie de la biographie dans le Dictionnaire des parlementaires français 1889-1940, Tome VI, p. 2161, 2162, 2163, 2164, 2165)
Vice-président du Conseil, Pierre Laval persuade le maréchal Pétain de se faire voter les pouvoirs constituants le 10 juillet 1940.
Habile manoeuvrier, il occupe une place prépondérante dans le gouvernement de Vichy et prépare la rencontre du 24 octobre à Montoire entre le maréchal Pétain et Hitler. Irrité par son attitude, Pétain l'assigne à résidence à Chateldon en décembre 1940.
Le 18 avril 1942, sur l'insistance des autorités allemandes, Pierre Laval est rappelé au pouvoir avec le titre de Chef du gouvernement, ministre-secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, à l'Intérieur et à l'Information. Il met en œuvre la politique de l'occupant contre les juifs et donne le feu vert à la déportation des enfants juifs. Après la mise en place du STO, il crée la milice française qu'il préside mais dont le contrôle lui échappe bientôt au profit de Joseph Darnand. Après le débarquement du 6 juin 1944, il demande en vain à Herriot de convoquer l'Assemblée nationale qui n'a pas siégé depuis l'armistice de 1940.
Le 17 août 1944, il est arrêté par la Gestapo avec le reste du gouvernement et emmené à Sigmaringen au sud de l'Allemagne. En mai 1945, il se réfugie en Espagne d'où il est expulsé puis rapatrié en France. Le 1er août 1945, il est incarcéré à la prison de Fresnes. A l'issue d'un procès devant la Haute cour de justice (4-9 octobre 1945), il est condamné à mort.
Après avoir tenté de se suicider, Pierre Laval est fusillé le 15 octobre 1945 à la prison de Fresnes.