Edouard Lebas
1897 - 1975
LEBAS (Edouard, Augustin)
Né le 18 novembre 1897 à Octeville (Manche)
Décédé le 4 juillet 1975 à Barneville-Carteret (Manche)
Député de la Manche de 1958 à 1962
Edouard Lebas voit le jour à la fin du XIXème siècle dans la Manche, où son père est propriétaire terrien et éleveur de chevaux. Ses études secondaires le conduisent à fréquenter les lycées de Cherbourg puis de Saint-Brieuc. Il intègre les classes préparatoires au lycée Lakanal à Sceaux, dont l’internat accueille alors nombre de boursiers provinciaux. La guerre bouleverse cependant ce parcours : mobilisé le 3 novembre 1917, Edouard Lebas n’est rendu à la vie civile que deux ans plus tard. Devenu maître d’internat au lycée Lakanal, il fréquente également la faculté des lettres de Paris et réussit l’agrégation d’histoire et de géographie. Sa carrière de professeur se déroule en Normandie pour l’essentiel : au lycée Malherbe à Caen de 1925 à 1928, puis comme censeur des études au lycée de Cherbourg jusqu’en 1932. Affecté à Angers en 1932, il retrouve Caen en 1933 et y enseigne pendant douze ans.
La défaite de son pays et l’occupation par les troupes allemandes d’une partie puis de la totalité du territoire apparaissent inacceptables à Edouard Lebas. Il s’engage dans la Résistance du Calvados. Son action lui vaut d’être porté sur les listes de nouveaux préfets préparées dans la clandestinité par Michel Debré et Emile Laffon : l’objectif est d’assurer l’autorité d’une administration française dès les premières heures de la Libération et de remplacer les fonctionnaires trop compromis. Edouard Lebas est officiellement nommé préfet de la Manche le 11 juillet 1944. Un arrêté du Commissaire régional François Coulet l’installe dans ses fonctions le lendemain. Dès le 13 juillet 1944, l’ancien professeur d’histoire fait afficher la proclamation suivante dans le Cotentin libéré : « Au nom du Gouvernement provisoire de la France, au nom du général de Gaulle, je prends le pouvoir dans le département de la Manche ». Les destructions subies y sont si importantes qu’Edouard Lebas gagne le surnom de « préfet des ruines ». La préfecture, sise à Saint-Lô jusqu’au débarquement allié, doit être déplacée à Cherbourg puis à Coutances, dans les locaux de l’école normale de jeunes filles. Ce n’est qu’en septembre 1953 que les services en sont rétablis à Saint-Lô.
Même s’il entend assurer la transition politique avec Vichy sans heurt ni désordre, Edouard Lebas reste profondément marqué par les idéaux et le projet de la Résistance. Il appelle ainsi les Manchois à « vaincre leur égoïsme », à « s’aider les uns les autres » et à « punir les gros profiteurs » de la pénurie alimentaire, afin que « partout règnent la justice, la solidarité et la bonté » dans ses vœux du 1er janvier 1945. Il accueille le général de Gaulle à deux reprises dans la Manche libérée, les 20 août 1944 et 10 juin 1945. Edouard Lebas est fait chevalier de la Légion d’honneur le 1er janvier 1946. Il intègre définitivement le corps préfectoral au printemps 1946. Préfet de l’Orne de mai à juillet, il est à nouveau nommé Préfet de la Manche à l’été 1946. Il exerce cette responsabilité pendant six ans et organise la reconstruction dans son département natal. En octobre 1952, Edouard Lebas quitte la préfectorale pour devenir Inspecteur général de l’administration. Placé sous l’autorité directe du ministre de l’Intérieur, il exerce une activité de contrôle et non plus d’autorité. Le service de l’Inspection générale de l’Administration est dirigé sous la IVème République par le Compagnon de la Libération Jacques Brunschwig-Bordier.
Aux élections législatives de 1958, Édouard Lebas est candidat sous l’étiquette Centre républicain, dans la troisième circonscription de la Manche, qui regroupe plusieurs cantons de l’ouest du département autour de Coutances et Granville. Avec 11 745 voix et 27,88% des suffrages exprimés, il est en tête, devançant d’un peu moins de 1 000 voix le candidat du MRP, ancien député et conseiller général, Étienne Fauvel, ainsi que plus largement le maire de Coutances, Marcel Hélie. Au second tour, il est élu avec 20 170 voix et 48,08% des suffrages exprimés, et un peu plus de 500 voix d’avance sur Étienne Fauvel, à l’occasion d’une triangulaire, en raison du maintien du candidat communiste.
Non inscrit, Édouard Lebas siège à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Il est en est le rapporteur pour avis sur les crédits prévus pour le théâtre au sein du budget des affaires culturelles, pour les projets de loi de finances pour 1961 et pour 1962. Il défend ainsi en séance publique, les 5 novembre 1960 et 29 octobre 1961, une conception ambitieuse et exigeante des actions en faveur du théâtre et de l’opéra, et dénonce l’insuffisance des moyens alloués.
Il devient membre, à sa création, en novembre 1960, du Conseil supérieur de la réunion des théâtres lyriques nationaux.
Ses autres rares interventions concernent l’organisation des travaux de l’Assemblée nationale, sur lesquels il est particulièrement vigilant, et, en novembre 1959, la retraite des anciens combattants, qui pâtit alors de la rigueur budgétaire.
Partisan de l’Algérie française, Édouard Lebas s’abstient notamment lors du vote du 2 janvier 1960 sur les pouvoirs spéciaux, à la suite de la « semaine des barricades » à Alger, ainsi que sur la demande de levée d’immunité parlementaire de Pierre Lagaillarde, le 7 décembre suivant, et lors du vote sur l'approbation du programme du Gouvernement de Georges Pompidou, le 27 avril 1960. Il rejoint clairement l’opposition au Général de Gaulle en votant contre la levée de l’immunité parlementaire de Georges Bidault, le 5 juillet 1962, puis en votant la motion de censure du 4 octobre 1962, la seule à avoir été adoptée sous la Ve République, et à laquelle le chef de l’État réagit par la dissolution de l’Assemblée nationale.
Candidat à sa réélection, Édouard Lebas est cependant battu, aux élections législatives de novembre 1962, par Henri Baudoin, candidat soutenu par les gaullistes, qui triomphe dès le premier tour avec près de 69% des suffrages exprimés. Il ne recueille en effet que 17% des suffrages. Il n’était pas partisan du « oui » au référendum sur l’élection du président de la République au suffrage universel direct.
Après une dernière tentative aux élections législatives de mars 1967, dans la 15e circonscription de Paris, où il est nettement battu dès le premier tour, Édouard Lebas se retire de la vie politique et se consacre à l’écriture. Il aura publié notamment le champ de bataille de la Libération en 1946, puis ultérieurement Monsieur de la Cordillère en 1971 et les Fossoyeurs du soir en 1973. Il meurt le 4 juillet 1975 et est inhumé au cimetière de Carteret.
Membre de la société des gens de lettres et de la société des auteurs dramatiques, il était chevalier de la légion d’honneur et du mérite agricole, officier des palmes académiques et titulaire de la croix du combattant et de la croix du combattant volontaire de la Résistance. Il était également commandeur du Ouissam alaouite, et la Medal of Freedom lui avait été décernée. Il était marié à Jeanne Sanson et le couple avait quatre enfants.