Constant, Gaston, Pierre, Joseph Lecoeur
1923 - 2000
Né le 16 novembre 1923 à Grémonville (Seine-Maritime)
Décédé le 26 juillet 1992 à Châlon-sur-Saône (Saône-et-Loire)
Député de la Seine-Maritime de 1956 à 1958
Né le 16 novembre 1923 à Grémonville, en Haute-Normandie, Constant Lecœur devient agriculteur herbager. Marié, père de cinq enfants, élu maire de sa commune natale en mai 1953, il prend d'autres responsabilités locales : président de l'union agricole de Grémonville et de son foyer rural, administrateur des foyers ruraux de Seine Mantime. C'est en 1952, à l'occasion d'une partielle, qu'il se présente pour la première fois aux suffrages de ses concitoyens pour obtenir un mandat de député, sans y parvenir : avec moins de 5 % des suffrages exprimés, il ne passe pas le premier tour.
En 1956 en revanche, à trente-trois ans, Constant Lecœur est élu dans la 1re circonscription de Seine-Maritime, qui regroupe l'arrondissement de Rouen et l'ancien arrondissement de Neufchâtel. Il conduit la liste d'action pour un front républicain présentée par Entente Gauche indépendante - Jeune république. Les options politiques de cette liste sont claires : soutien à Pierre Mendès France « abattu par la majorité réactionnaire », critiques à l'encontre de ceux qui lui ont refusé la confiance en février 1955, notamment André Marie et Jean Lecanuet qui se présentent à la réélection dans la même circonscription, critiques très virulentes à l'égard de la politique d'Edgar Faure en Afrique du Nord, stigmatisation d'une droite qui ne sait représenter que les intérêts particuliers, ceux des « lobbies », double refus du laisser-faire libéral et du dirigisme bureaucratique, propositions sociales ambitieuses telles que le relèvement des salaires, l'interdiction du cumul des fermes, la simplification de la fiscalité et la promotion de l'enseignement public ; enfin l'extinction du colonialisme.
Grâce à un apparentement conclu avec la liste SFIO, Constant Lecœur, tête de la liste Jeune République, est élu, avec 9 % des voix seulement, alors que le MRP de Jean Lecanuet (10,3 %) et le CNI (9,8 %) n'ont aucun élu. La SFIO, avec 13,7 % des voix, remporte un siège, de même que les radicaux socialistes (12,9 %), les poujadistes (11,2 %) ; les communistes, avec 30,5 %, en obtiennent deux.
Novice à l'Assemblée nationale, apparenté aux radicaux socialistes, Constant Lecœur est nommé membre de la Commission des affaires économiques, de la Commission des boissons et de celle de l'agriculture ; il est aussi nommé membre du comité de contrôle du Fonds d'encouragement à la production textile. Il est vrai que sa circonscription est, à ce moment, durement touchée par le chômage des ouvrières du textile et que ce thème a été évoqué lors de la campagne.
Constant Lecœur, plein d'enthousiasme à ses débuts, dépose plusieurs propositions de loi et de résolution. D'entrée de jeu, il propose une loi visant à interdire le cumul des exploitations agricoles (27 janvier 1956), conformément à ses engagements électoraux. En matière agricole, ses propositions concernent aussi le prix du blé, la révision du cadastre, ou encore la réglementation du privilège des bouilleurs de cru. Fidele à sa promesse de campagne de promouvoir la culture et l'enseignement, il dépose le 23 février 1956, une proposition de résolution invitant le gouvernement à créer une commission chargée de préparer une solution durable aux problèmes scolaires ; il demande également l'institution d'un secrétariat d'État à la jeunesse (16 mai 1956). Et le 25 avril 1956, il dépose une proposition de loi tendant à maintenir l'exonération fiscale des associations culturelles d'éducation physique et sportive, de tourisme, de jeunesse et d'éducation des adultes habilitées par les ministères concernés à diffuser la culture.
Si son activité des premiers mois paraît débordante, en revanche, il n'intervient pas à la tribune avant le 9 mai 1956. Ce jour-là, l'Assemblée nationale l'autorise, sur sa demande, à servir en Algérie comme engagé volontaire. Il s'en explique deux ans plus tard, au cours de la séance dramatique du 27 mai 1958 : « Ce que j'exprime aujourd'hui, c'est l'opinion d'un jeune parlementaire déçu. Ma condition modeste et paysanne m'avait conduit à penser que les activités de parlementaires se plaçaient sous le signe de la morale. Je ne m'appesantirai pas sur la surprise que m'ont fait éprouver toutes les manœuvres et compromissions auxquelles j'ai assisté. Quand je dis « ma surprise », j'use d'un terme modéré, je pourrais dire « mon écœurement », car c'est bien de l'écœurement que j'ai éprouvé devant le chaos parlementaire, devant nos discussions inutiles, pour ne pas dire plus. [...] Ma première réaction a été de quitter cette assemblée et d'échapper à ce bourbier, le mot n'est pas trop dur. C'est une des raisons principales de mon départ en Algérie avec les rappelés de mai 1950. »
A son retour d'Algérie, en décembre 1956, le jeune député fait preuve d'une ardeur moins grande ; en revanche, il intervient fréquemment à la tribune, sur des sujets variés, touchant généralement des questions de politique générale. Ainsi il interpelle le gouvernement à plusieurs reprises sur l'Algérie, fort de son expérience et de ses observations. Favorable à la loi-cadre, il ne ménage pas ses critiques, par exemple, sur la responsabilité du gouvernement dans le bombardement de Sakhiet Sidi Youssef.
Constant Lecœur ne prend pas part au vote d'investiture du gouvernement de Guy Mollet le 31 janvier 1956, et n'accorde pas sa confiance au programme de Maurice Bourgès-Maunoury (12 juin 1957). Il s'oppose en vain à la ratification des traités instituant la Communauté économique européenne et la communauté européenne de l'énergie atomique le 9 juillet 1957 : il a exposé à la tribune les dangers de cette zone de libre échange dure pour les plus faibles, le risque de nivellement par le bas des normes sociales, et l'absence de complémentarité entre les économies des pays européens. Il s'abstient volontairement lors du vote de la confiance à Félix Gaillard (5 novembre 1957), et refuse les pouvoirs spéciaux en Algérie (12 novembre 1957). Lors de la crise qui emporte la Quatrième République, il soutient l'investiture de Pierre Pflimlin (13 mai 1958), vote en faveur de la révision de la Constitution (27 mai 1958) mais refuse la confiance au général de Gaulle (1er juin 1958) ainsi que les pleins pouvoirs le 2 juin 1958. En revanche, il lui accorde la révision constitutionnelle (scrutin des 1er et 2 juin 1958)
Candidat malheureux en 1958, non-candidat aux législatives suivantes, Constant Lecœur continue sous la cinquième République à exercer des mandats locaux.