François Léotard

1942 - 2023

Informations générales
  • Né le 26 mars 1942 à Cannes (Alpes-Maritimes - France)
  • Décédé le 25 avril 2023 à Fréjus (Var - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIe législature
Mandat
Du 3 avril 1978 au 22 mai 1981
Département
Var
Groupe
Union pour la démocratie française
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIIe législature
Mandat
Du 2 juillet 1981 au 1er avril 1986
Département
Var
Groupe
Union pour la démocratie française
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIIIe législature
Mandat
Du 2 avril 1986 au 2 avril 1986
Département
Var
Groupe
Union pour la démocratie française
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IXe législature
Mandat
Du 13 juin 1988 au 2 juillet 1992
Département
Var
Groupe
Union pour la démocratie française
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Xe législature
Mandat
Du 2 avril 1993 au 1er mai 1993
Département
Var
Groupe
Union pour la démocratie française et du centre
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Xe législature
Mandat
Du 7 septembre 1995 au 21 avril 1997
Département
Var
Groupe
Union pour la démocratie française et du centre
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
XIe législature
Mandat
Du 1er juin 1997 au 26 décembre 2001
Département
Var
Groupe
Union pour la démocratie française

Biographies

Biographie de la Ve République

Léotard (François)
Né le 26 mars 1942 à Cannes (Alpes-Maritimes)
Décédé le 25 avril 2023 à Fréjus (Var)

Député du Var de 1978 à 1986, de 1988 à 1993, puis de 1995 à 2001
Ministre de la Culture et de la communication du 20 mars 1986 au 10 mai 1988
Ministre d’Etat, ministre de la Défense du 30 mars 1993 au 11 mai 1995

Fils d’André Léotard, conseiller référendaire à la Cour des comptes et maire de Fréjus (1959-1971), et d’Antoinette Tomasi, et petit-fils d'Ange Tomasi (célèbre photographe corse), François Léotard grandit au sein d’une famille de sept enfants, dont le futur acteur Philippe Léotard. Il passe son enfance loin du Var où il ne se rend que pour les vacances estivales. Bien que son père, fin lettré et ancien monarchiste, épris de Barrès et Maurras, lui transmette la passion des mots, son parcours scolaire à Paris s’avère compliqué. Exclu d’un premier lycée pour avoir bousculé un enseignant, il fréquente au total pas moins de trois établissements, dont le lycée Charlemagne puis le lycée Marcelin-Berthelot à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne). Il passe son baccalauréat en 1961. Le jeune homme fait également du scoutisme, avant de songer un temps à une carrière ecclésiastique. Il entre ainsi, en octobre 1963, à l’âge de vingt-et-un ans, à l’abbaye bénédictine de la Pierre-Qui-Vire (Yonne). Novice sous le nom de « frère Honorat », il y demeure moins d’une année avant de finalement renoncer à cette trajectoire pour effectuer son service militaire au Liban au titre de la coopération (1964-1965). De retour en France, il reprend ses études et fait son droit à Paris. En cours de licence, il se présente à un concours de secrétaire de chancellerie. Reçu second, il est nommé vice-consul à Cracovie en 1968. Il refuse cependant ce poste et se laisse convaincre par son père de continuer ses études. Il intègre Sciences Po Paris puis l’Ecole nationale d’administration (ENA) en 1971 au sein de la promotion François Rabelais. Il y forge ses premières expériences militantes. Après avoir dans le passé (1961-1962) milité contre la guerre d'Algérie au sein du Parti socialiste unifié (PSU) dans la section de Vincennes, il adhère à la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et, avec quelques amis, crée un Centre d’études, de recherche et de formation en administration qui organise des séminaires pour apprendre aux cadres du privé à entrer en relation avec l’administration. Il crée ainsi la première section syndicale à l’ENA. Affecté à sa sortie de l’ENA comme administrateur de la ville de Paris (1973), il est chargé des problèmes de l’environnement auprès du directeur général de l’aménagement et de l’urbanisme.

François Léotard adhère, en 1974, à la Fédération nationale des Républicains indépendants (FNRI) d’obédience giscardienne et entame parallèlement une prometteuse carrière dans la haute fonction publique comme directeur de cabinet du préfet de la Dordogne (16 septembre 1974 – 25 août 1975), avant d’être nommé sous-préfet hors cadre à la direction générale de l’administration (25 août 1975 – février 1976), puis chargé de mission auprès du chef du service de l’information et des relations publiques au ministère de l’Intérieur, et enfin de réintégrer le corps des administrateurs de la ville de Paris. Repéré par Michel Poniatowski, ministre de l’Intérieur, pour son habile médiation en Dordogne entre le mouvement gaulliste de l’Union des démocrates pour la République (UDR) et la FNRI, François Léotard apparaît alors comme « le modèle du haut fonctionnaire, formé au service de l’Etat et à la gestion de collectivités, mais sans passions particulières », selon les termes de Pierre-Eric Mounier-Kuhn.

Le décès de son père, au début de l’année 1975, réactive cependant un passé douloureux lié à la catastrophe du barrage de Malpasset survenue en 1959 (et ses 423 victimes) et le pousse à reprendre le flambeau familial à Fréjus. Son père, mis en cause comme maire de Fréjus et ordonnateur unique pour la répartition des fonds issus des nombreux dons financiers, avait subi une véritable cabale (qui n’avait nullement épargné le clan familial). Insultes et manifestations devant son domicile étaient devenues fréquentes. Mis en ballottage au premier tour des élections municipales de 1971, son père avait finalement décidé de se retirer de la vie politique locale. Son fils voit donc dans les élections municipales de mars 1977 une occasion à saisir pour obtenir « vengeance » ; terme qu’il emploie et cautionne publiquement (Émission Tout le monde en parle, entretien du 9 février 2002).

Quittant la capitale pour retrouver ses terres varoises, l’homme se rend sur le terrain et occupe les colonnes de Nice Matin. Le 20 mars 1977, il ravît la mairie à Léon Héritier, colonel à la retraite, le « tombeur » de son père en 1971. Entré en politique, le jeune François Léotard participe également à la stratégie présidentielle de rééquilibrage des forces entre l’UDR, devenue Rassemblement pour la République (RPR) et les Républicains indépendants, transformés en Parti républicain (PR) dans cette même ville au mois de mai 1977. Membre du bureau politique du PR (juillet 1977), le nouveau maire de Fréjus rencontre à cette occasion, par l’intermédiaire de Michel Poniatowski, le président Valéry Giscard d’Estaing. Il obtient, l’année suivante, l’investiture officielle de la majorité dans la 2e circonscription du Var pour les élections législatives.

Se présentant comme l’enfant du pays, « issu d’une famille d’agriculteurs varois depuis plusieurs générations » et « suffisamment disponible », François Léotard, « seul candidat investi officiellement par la Majorité » (document électoral du 1er tour, 12 mars 1978) entend avant tout se débarrasser du député sortant, Mario Bénard, candidat RPR dissident. Il choisit donc comme suppléante Angèle Sorba, conseillère générale et ancienne adjointe gaulliste de Mario Bénard à la mairie d’Hyères (mairie perdue par ce dernier en 1977). De même, une semaine avant le premier tour, le candidat Léotard bénéficie de la venue du chef de l’Etat à Fréjus. L’homme entend également contrer les ambitions portées par les « tenants du Programme commun ». Arrivé en tête au soir du premier tour avec 28,38% des suffrages exprimés, devant son rival RPR (24,39%) et les candidats socialiste (Jean-René Etienne, 20,92%) et communiste (Georges Caton), François Léotard rallie aisément les forces de droite (après le retrait de son rival RPR) pour affronter un adversaire socialiste renforcé par le retrait communiste. Défendant une « une société de liberté et de justice qui avance sans brutalité, mais sûrement et sans promesses démagogiques, sur le chemin du progrès social » (document électoral du second tour, 19 mars 1978), le candidat de la majorité se présente comme le seul rempart face à « un projet révolutionnaire ». Récoltant 57,99% des suffrages exprimés au soir du second tour, il est confortablement élu, avec une avance de seize points sur son rival socialiste. Membre du bureau de la fédération du Var de l’Union pour la démocratie française (UDF) (septembre 1978), du comité directeur de la Fédération nationale des Clubs Perspectives et Réalités (octobre 1978), puis conseiller général, élu au premier tour, du canton de Fréjus (18 mars 1979), François Léotard consolide son ancrage local.

Inscrit au sein du groupe UDF, le député du Var siège à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (6 avril 1978), avant de rejoindre deux ans plus tard celle des affaires étrangères (1er novembre 1980). Il préside également la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi adopté par le Sénat réglementant la publicité extérieure et les enseignes (8 novembre 1978). Par le biais du système des « interventions », l’élu entend rester en phase avec les attentes de ses administrés : « J’en ai fait des milliers par an […] Mais tout cela est public et n’a rien d’illégal. On est des Latins, mais quand même, prudents et pas bêtes ! » (Propos repris par Le Monde, 21 janvier 1986). Les enjeux locaux restent ainsi au cœur de son action parlementaire ; qu’il s’agisse de la pollution pétrolière en Méditerranée (18 avril 1978), des incendies de forêt (il participe à cet égard à une commission d’enquête, 20 décembre 1979), de la violence dans le Var (21 mai 1980) ou encore de l’immigration clandestine (12 novembre 1980). Parti à la conquête du PR, et de plus en plus proche de Valéry Giscard d’Estaing – ce dernier l’invite à plusieurs reprises au fort de Brégançon, ou encore à Marly–, le député du Var intègre son état-major (pour les relations avec les élus) en mars 1981 en vue de l’élection présidentielle.

Candidat à sa propre succession lors des législatives de juin 1981, il est triomphalement réélu avec 53,84% des suffrages exprimés face aux candidats socialiste (Patrick Glo, le maire de Cogolin) et communiste (le journaliste Rolland Martinez). Il devient le seul député varois d’opposition (les trois autres circonscriptions étant désormais détenues par les socialistes). Fort de ce succès et impatient de renouveler les structures du PR, il se lance aux côtés de fidèles compagnons (Alain Madelin, Gérard Longuet, Pascal Clément, Roger Chinaud) à la conquête du PR. Il presse à cet égard le secrétaire général, Jacques Blanc, représentant de la vieille garde, de céder la place. Secrétaire général adjoint aux affaires internationales (octobre 1981), il s’impose (avec l’aval de Valéry Giscard d’Estaing) face à Charles Millon (député de l’Ain, jugé trop proche de Raymond Barre) comme le nouveau secrétaire général du PR (septembre 1982), puis comme vice-président de l’UDF (septembre 1983). L’homme de terrain conforte son assise locale avec sa réélection à la mairie de Fréjus (mars 1983), puis au conseil général du Var (10 mars 1985) ; sans oublier la présidence de l’Association des maires du Var qu’il assure dès octobre 1985. Tenté de jouer la carte de la jeunesse et du franc-parler lors des élections européennes de 1984, redoutant toutefois un possible échec personnel aux lourdes conséquences pour son parti, il renonce à constituer sa propre liste. Se positionnant au-dessus des luttes de factions au sein de l’UDF et se rapprochant du barrisme, il songe dorénavant à fonder une « maison des Libéraux » et regroupe autour de lui « la bande à Léo » (surnom donné au groupe politique réuni autour de François Léotard au sein du PR). À Gérard Longuet reviennent l’organisation et les finances ; à Alain Madelin (qui accède au poste de numéro deux du parti au printemps 1985) les débats d’idées, et à lui-même la lumière des médias. L’homme dévoile sa volonté de remplacer le « libéralisme avancé » de l’époque giscardienne par un libéralisme nouveau, anti-étatique et anti-dirigiste, bien que ce dernier soit très minoritaire dans la culture politique française (L’Express, 14-20 juin 1985). L’esprit de ce nouveau libéralisme s’exprime lors du Conseil national de Pontoise, en octobre 1983, lorsque le député-maire de Fréjus évoque les « mille fleurs de la pensée libérale que nous voyons éclore autour de nous » et se réjouit « d’assister à une spectaculaire montée en puissance des thèmes libéraux dans notre pays ». Fasciné par le libéralisme reaganien, il entend incarner un virage idéologique et se présente comme « libéral-libertaire » (L’Express, 29 mars- 3 avril 1985, 21-27 juin 1985).

Un positionnement idéologique que l’on retrouve au cœur de son action parlementaire. Siégeant à nouveau à la commission des affaires étrangères, François Léotard est nommé rapporteur du projet de loi autorisant l'approbation d'une convention franco-autrichienne d'assistance administrative mutuelle en matière de douane (24 septembre 1981). Il participe l’année suivante à la commission mixte paritaire constituée pour l'examen du projet de loi portant statut particulier de la Corse (29 janvier 1982). Il est également nommé rapporteur pour avis du projet de loi de finances pour 1985 pour les crédits de l’urbanisme, du logement et des transports (10 octobre 1984), ainsi que du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre la France et le Costa Rica sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (15 novembre 1984). Il plaide enfin pour un libéralisme politique : par ses interventions contre l'internement du dissident soviétique Andreï Sakharov (16 mai 1984), ou encore comme rapporteur du projet de loi autorisant la ratification du protocole n° 7 à la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (3 octobre 1985).

L’ascension politique de François Léotard passe également par l’opinion publique. Le député-maire de Fréjus multiplie à cet égard les interviews dans les médias. Son passage remarqué dans l’émission politique L’Heure de Vérité le propulse même en tête des sondages d’opinion, devant Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing. L’Express le qualifie alors de « jeune prince des sondages ». Membre d’une délégation française à l’ONU, en déplacement dans les camps de réfugiés du Sud-Est asiatique, en compagnie de l’épouse d’Andreï Sakharov à Moscou, au départ du marathon de New York, prenant le petit-déjeuner avec son épouse France dans sa ville de Fréjus, participant à Joinville-le-Pont au Conseil national du PR, ou encore en compagnie de Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac ou Raymond Barre, le jeune député varois entreprend un véritable marathon médiatique (Le Monde, 26-27 mai 1985).

Un pacte d’alliance entre l’état-major léotardien et le RPR de Jacques Chirac est signé à l’automne 1985 en vue de forcer la main du président Mitterrand en cas de victoire (prévisible) de la droite aux élections législatives de mars 1986. Une vague bleue dont profite pleinement François Léotard qui se représente pour un 3e mandat dans le Var. Les troupes de l’UDF se regroupent sur « Var 86 - Liste François Léotard d'opposition nationale ». Tête de liste et pivot d’une droite particulièrement bousculée lors des précédentes législatives (1981), le député sortant joue la carte sécuritaire prônant « la sécurité d’un avenir pour les jeunes, de la monnaie, de la défense nationale, dans la rue, d’une économie d’entreprise, des libertés » (document électoral, 16 mars 1986). Avec 33,54% des suffrages exprimés, la liste UDF distance largement ses adversaires socialistes (24,14%) et relègue au second plan le RPR (11,94%) distancé par le Frot national (FN) porté par Yann Piat (17,12%). Réélu député-maire de Fréjus et conseiller régional (UDF-PR) de Provence-Alpes-Côte d’Azur (16 mars 1986), François Léotard se prépare à un avenir ministériel. La composition du gouvernement Chirac respecte, à ce titre, scrupuleusement le pacte conclu quelques mois plus tôt, puisque l’interlocuteur principal du nouveau Premier ministre reste, pour le PR, le trio Léotard-Madelin-Longuet. Nommé ministre de la Culture et de la communication (20 mars 1986) comme successeur du socialiste Jack Lang, François Léotard se retrouve à la tête d’un ministère hautement politique quoique non régalien, au sein duquel il entend incarner « l’aiguillon libéral du gouvernement ».

Il est l'artisan de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui ouvre le paysage audiovisuel français à la concurrence avec notamment la privatisation de TF1, attribuée à Bouygues, et la libéralisation du secteur des réseaux câblés et de la téléphonie mobile, avec l'entrée de deux opérateurs, Itineris et SFR. Il institue également une Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL) qui pose les bases du futur Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui sera fondé en 1989. Le ministre tente également d'encourager les initiatives locales en matière culturelle et de stimuler le mécénat et les fondations par la loi votée le 21 juillet 1987. Le budget de son ministère est cependant restreint par la rigueur gouvernementale, ainsi que par l'allocation de 40 % des crédits d'intervention pour l’année 1986 par son prédécesseur, les promesses de subventions à 4 000 associations et autres commandes à honorer (à l’instar de l'Opéra Bastille qui grève un quart du budget). Sa politique de rationalisation des dépenses n’est pas non plus sans mettre en lumière certaines contradictions. En témoigne l'affaire des colonnes de Buren qui impose au ministre, en ces temps de cohabitation, de concilier la poursuite des grands travaux lancés par François Mitterrand (et plébiscités par le milieu de la culture) et les attentes d’un électorat conservateur fortement opposé à ce « premier exemple de cohabitation culturelle » selon le mot d’Alain Peyrefitte. Le ministre choisit de poursuivre le projet.

Chef de file de la nouvelle génération centriste et excellent communicant, François Léotard n’oublie nullement de forger une nécessaire crédibilité pour atteindre à terme le sommet de l’Etat. Sa tournée de dix jours aux Etats-Unis à l’automne 1986 en offre un parfait exemple. Enchaînant entretiens avec ses homologues américains et interviews sur les principaux networks (dont la chaîne NBC), le ministre est reçu à la Maison-Blanche par le président Ronald Reagan. Parfaitement conscient du mauvais souvenir laissé par son prédécesseur (Jack Lang) qui avait dénoncé l’impérialisme culturel américain, il entend proposer « une vision offensive, et non défensive du monde extérieur » (Le Monde, 31 octobre 1986) ; encourageant au passage l’implantation du parc Eurodisney aux abords de Paris (inauguré six ans plus tard). Une nouvelle fois, il s’évertue à concilier libéralisme économique et volontarisme politique.

L’entente politique entre le PR et le RPR connaît toutefois ses premières limites lors des vastes mobilisations lycéennes et étudiantes contre le projet de loi Devaquet (qui prévoit notamment l’instauration d’une forme de sélection à l’entrée de l’Université). Les manifestations conduisent à la mort d’un jeune homme, Malik Oussékine, victime de violences policières, et contraignent alors le gouvernement à retirer son projet. La séquence a surtout pointé les dissensions entre les centristes qui poussent un Jacques Chirac hésitant à tenir tête à la rue, et le PR qui juge une telle stratégie politiquement suicidaire. Le ministre de la Culture et ses principaux lieutenants opposent ainsi deux droites : la première, libérale-libertaire, en phase avec la jeunesse et les mutations de la société, la seconde, conservatrice et autoritaire (incarnée par Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur). Deux camps qui ne vont pas tarder à s’accuser mutuellement d’être responsables des difficultés du gouvernement dans l’opinion publique. Les tensions s’intensifient avec les ambitions présidentielles à peine dissimulées d’un François Léotard qui recueille, dans divers sondages, 32 % de d’opinions positives, juste derrière Raymond Barre (36 %) et très loin devant Valéry Giscard d’Estaing (10 %). Le divorce avec le RPR semble acté lorsque, dans une interview accordée à l’hebdomadaire Le Point (1-7 juin 1987), le ministre de la Culture se déclare disponible pour l’élection présidentielle de 1988 : « Si j’y vais en 1988, c’est pour gagner ». Le ministre y cache de moins en moins son irritation envers les « moines soldats du RPR » qui « ont un goût du pouvoir sans partage ». Si l’épisode n’entraîne pas le départ des ministres PR du gouvernement, il n’en marque pas moins une indéniable rupture dans l’alliance forgée deux ans plus tôt entre les léotardiens et Jacques Chirac. De même, la conversation à laquelle se prête François Léotard dans son ouvrage A mots découverts (paru à l’automne 1987) n’épargne pas l’héritage giscardien ; qu’il s’agisse du côté « prédateur » de l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing – qui possède « une très grande capacité, quand il veut tuer quelqu’un, à toucher au bon endroit » – ou du piège d’une « fidélité personnelle » aveugle et désuète, fréquemment invoquée par « une vieille garde de grognards ». Si Jacques Chirac semble épargné par les critiques, la politique du gouvernement (à laquelle le ministre participe) l’est beaucoup moins. Le secrétaire général du PR met ainsi en garde contre les risques d’une politique trop exclusivement gestionnaire, voire comptable : « On ne peut pas se contenter […] de proposer à un peuple des kilomètres d’autoroute et des places de prisons. On ne peut pas envisager de n’être au bout du compte qu’un territoire avec 55 millions de solitaires ».

L’homme renonce néanmoins à se présenter lors des présidentielles de 1988 et apporte un soutien mesuré à la candidature de Raymond Barre. Se représentant aux législatives anticipées qui suivent la réélection de François Mitterrand dans son fief de Fréjus (devenu la 5e circonscription du Var), l’homme de terrain quadrille la circonscription, arpente les marchés et multiplie les meetings. Loin de rebondir sur les affrontements idéologiques opposant la droite et la gauche, le député sortant mise avant tout sur sa fidélité à ses engagements et sa connaissance du terrain. Recueillant 45,9% des suffrages exprimés au soir du premier tour, le 5 juin 1988, la stratégie semble payante. Il distance de vingt points son principal challenger (25,92%), le professeur de philosophie socialiste Pierre-Yves Collombat (lui-même talonné par un FN en pleine expansion qui obtient 20,66% des voix). Cependant, François Léotard s’est toujours ouvertement opposé à toute forme d’alliance avec le FN. Bien qu’un accord soit conclu entre le FN et l’UDF – en échange du retrait d’un candidat de droite dans la circonscription d’Hyères (face à la candidate frontiste Yann Piat), le FN varois retire tous ses candidats qualifiés pour le second tour – son challenger Jean-Marie Le Chevallier, ancien giscardien devenu directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen, refuse de se retirer (situation qui répond en réalité bien plus à ses relations tendues avec nombre de cadres toulonnais du FN, ainsi qu’avec certaines figures nationales du parti). Sans surprise, François Léotard sort victorieux de cette triangulaire en recueillant 52% des suffrages exprimés.

Elu président du PR (novembre 1988), il renforce l’axe PR-RPR et se prépare d’ores et déjà aux prochaines législatives : « Le PR doit être le noyau dur d’une alternance libérale qui viendra en 1993, au plus tard je l’espère » (Le Figaro, 28 novembre 1988). Dénonçant « le social-immobilisme » du gouvernement Rocard, le député du Var affirme la volonté du PR d’être « l’artisan d’un rassemblement et d’un renouveau des différents courants politiques de l’opposition » débouchant sur la « grande force d’alternance pluraliste et ouverte que l’opinion attend ». Un double défi se pose donc : réformer l’UDF d’une part, dépasser la simple alliance RPR-UDF et s’ouvrir vers de nouvelles structures d’autre part (Bulletin quotidien, 18 octobre 1989). A charge pour le président du PR de ménager Valéry Giscard d’Estaing en plaçant les relations avec le président de l’UDF sous le signe de la complémentarité. Dans cette optique, il propose Gérard Longuet (virtuel numéro deux) au secrétariat général et entend jouer la carte de la rénovation avec Charles Millon. Alain Madelin (officiel numéro deux), mais soupçonné par les anti-giscardiens de jouer le président de l’UDF contre le président du PR, est pour sa part chargé des rapports avec les autres partis, du débat d’idées et de la présentation des états généraux de l’opposition. Une nouvelle séquence politique allait débuter : « l’offensive des rénovateurs ».

Tenté dans un premier temps de rejoindre le groupe des rénovateurs mené par François Bayrou, Bernard Bosson et Michel Noir dans leur projet de constituer une liste européenne « rénovatrice », afin de renouveler la classe politique à droite et d'« enterrer » politiquement Chirac et Giscard d'Estaing, François Léotard déroute ses partisans en changeant brusquement de cap. À la suite d'une rencontre avec l'ancien président de la République, le 6 avril 1989, il rejoint en troisième position la liste d'union RPR-UDF, qui arrive en tête des suffrages et devient député européen (20 juin 1989). Il démissionne toutefois conformément à la loi sur le cumul des mandats. Ce retournement de stratégie s’avère mal compris et laisse ses proches dubitatifs. De plus, échouant à l’automne 1989 à obtenir la présidence du groupe UDF de l’Assemblée nationale (abandonnée par Jean-Claude Gaudin, élu au Sénat, et ravie par Charles Millon), il lance, avec Michel Noir et Michèle Barzach, le mouvement Force unie (5 juin 1990). Celui-ci entend rajeunir la droite, l’unifier et mettre fin à toute forme de collusion locale avec l’extrême droite.

Fin tacticien, le député, en quête de lumière médiatique, n’hésite pas à s’élever au-dessus des factions. Il soutient ainsi la politique étrangère de François Mitterrand au lendemain de la chute du mur de Berlin puis, quelques années plus tard, se prononce en faveur du Traité de Maastricht (bien qu’il reste prudemment en dehors de la campagne).

L’irrésistible ascension du député-maire vacille toutefois lorsque la municipalité de Fréjus est accusée, en juin 1990, d’avoir favorisé des intérêts privés, sous couvert d’utilité publique, dans l’aménagement d’un port de plaisance, retardé par l’intervention du tribunal administratif. Si l’élu dénonce une pure calomnie orchestrée en sous-main par le Front national, le scandale l’empêche de solliciter le renouvellement de son mandat à la présidence du PR lors du Conseil national du 24 novembre 1990. Inculpé d’ingérence, de trafic d’influence et de corruption, il démissionne deux ans plus tard de tous ses mandats électifs, ainsi que de la présidence d’honneur du PR (29 juin 1992). Si l’homme se maintient à distance de la scène politique, il reste combatif. Dans son ouvrage Place de la République (Robert Laffont), il revient sur le « grotesque » des accusations portées contre lui et s’en prend aux journalistes qui forment, selon lui, « le troupeau docile des bonnes âmes et des plumes mal rémunérées ». Il plaide enfin pour un renforcement « systématique » des « droits de la personne dans les procédures judiciaires » (Le Figaro, 19 novembre 1992). Le 29 décembre 1992, il épouse en secondes noces Isabelle Duret dont il aura deux enfants. Ayant obtenu un non-lieu sur le plan judiciaire, en raison de la prescription des faits, François Léotard retrouve ses fonctions de maire de Fréjus, le 8 février 1993, et se représente dans la foulée lors des élections législatives.

Triomphalement réélu dans la 5e circonscription du Var (avec 67,73% des voix au second tour) face au candidat FN Sylvain Ferrua, le député-maire fait un fracassant retour politique et se voit appeler, quelques jours plus tard, au sein du gouvernement Balladur, comme ministre de la Défense. Il supervise des opérations militaires majeures, notamment en ex-Yougoslavie, et s'attache à moderniser les forces armées françaises. Le ministre est toutefois rattrapé en 1994 par une nouvelle affaire et se voit mis en cause par Jean-Pierre Thomas, ex-trésorier du PR, dans l’enquête sur le financement du parti. L’affaire sera finalement classée sans suite. Demeuré membre du conseil d’orientation du PR, il paye surtout, l’année suivante, son mauvais choix pour la présidentielle après s’être rangé aux côtés du Premier ministre Edouard Balladur. Bien qu’il réussisse à s’emparer en 1996 de la présidence de l’UDF, tenue par son président fondateur Valéry Giscard d’Estaing, il affronte son ancien collègue et ami, Alain Madelin, resté pour sa part fidèle au chiraquisme. Ce dernier, nouveau président du PR, s’empresse de le rebaptiser Démocratie libérale.

Une page se tourne donc. A nouveau président du PR (3 juin 1995), François Léotard fait son retour au Palais-Bourbon (20 septembre 1995) à l’occasion d’une élection partielle et siège dorénavant au sein de la commission des Finances, de l’économie générale et du Plan. Le député n’a nullement perdu son panache. En témoignent ses interventions lors des débats sur politique de défense de la France présentée par Charles Millon, ministre de la Défense (20 mars 1996) et ancien camarade de lutte.

A nouveau vice-président de l’Association des maires de France, chargé de la sécurité (17 janvier 1996), il se représente l’année suivante lors des législatives survenues au lendemain de la dissolution décidée par le président de la République Jacques Chirac. Triomphalement réélu au second tour face au candidat FN Jean-Pierre Risgalla (avec 62,71% des suffrages exprimés), et de retour à la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale (14 juin 1997), le député voit pourtant le ciel à nouveau s’obscurcir. Les journalistes Jean-Michel Verne et André Rougeot l’accusent (avec Jean-Claude Gaudin) dans leur enquête L'Affaire Yann Piat, des assassins au cœur du pouvoir, d'être les commanditaires de l'assassinat de la députée UDF Yann Piat. Même si les auteurs seront par la suite condamnés pour diffamation et le livre retiré de la vente par Flammarion (mars 1998), l’épisode fait resurgir sur la place publique les différentes affaires qui le concernaient.

Il démissionne quelques mois plus tard de la mairie de Fréjus (septembre 1997), officiellement pour se consacrer aux élections régionales, officieusement à cause d'une nouvelle mise en cause pour de faux tampons préfectoraux qui auraient servi à valider une délibération de son conseil municipal. Une famille de Fréjus l’accuse de l’avoir mise sur écoute, après avoir déposé plainte contre X « pour prise illégale d’intérêts » dans une affaire immobilière qui les opposait. Une nouvelle instruction est ouverte et un non-lieu est finalement prononcé le 20 décembre 1999.

La situation se tend encore avec les élections régionales de mars 1998. Briguant la succession de Jean-Claude Gaudin à la présidence de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, face à Jean-Marie Le Pen, tête de liste FN dans les Alpes-Maritimes, et contre l'ancien garde des Sceaux et maire d'Arles Michel Vauzelle, tête de liste socialiste dans les Bouches-du-Rhône, François Léotard refuse tout accord avec le Front national, permettant ainsi à Michel Vauzelle d'être élu président avec une majorité relative. Il exclut de l'UDF les présidents de région désignés avec les voix des élus Front national. La rupture avec Alain Madelin est officialisée. Ce dernier décide la scission. Démocratie libérale devient un parti autonome. Face aux divisions internes, François Léotard démissionne de son poste de président de l'UDF, auquel accède François Bayrou, mais demeure à l'UDF en créant le Pôle républicain, indépendant et libéral (PRIL). Le même Alain Madelin se porte partie civile dans le dossier de blanchiment qui vaut sa mise en examen à François Léotard (août 1998).

Le député se fait de plus en plus discret au sein de l’hémicycle et démissionne de l'Assemblée nationale le 26 décembre 2001. En 2003, il fonde avec d'autres personnalités politiques européennes de premier rang l'organisation Medbridge, qui a pour objectif de promouvoir les échanges, le dialogue et la compréhension mutuelle entre l'Europe et le Proche-Orient.

Ses déboires judiciaires se poursuivent. Le 16 février 2004, François Léotard est condamné à dix mois de prison avec sursis pour financement illicite de parti politique et blanchiment d'argent, dans le cadre d'un prêt de cinq millions de francs accordé au Parti républicain par une banque italienne, le Fondo. Retiré de la vie publique, il se consacre désormais à l'écriture d’essais et de romans. Soutien de Nicolas Sarkozy au second tour de l'élection présidentielle de 2007, sa déception lui inspire un réquisitoire sévère sur la première année du chef de l'Etat (Ça va mal finir, Grasset, 2008).

En 2014, la commission d'instruction de la Cour de justice de la République (CJR) est saisie de l'enquête visant l'ex-Premier ministre Edouard Balladur et son ancien ministre de la Défense, dans le volet financier de l'affaire Karachi ; affaire portant sur un éventuel financement occulte de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995. D'importants contrats d'armement conclus en 1991 par la Direction des constructions navales – les contrats de sous-marins Agosta avec le Pakistan et de frégates Sawari II avec l'Arabie saoudite –, auraient donné lieu à des rétrocommissions. Les investigations qui visent les deux hommes portent sur d'éventuels faits d'abus de biens sociaux, de complicité et de recel. François Léotard est condamné à deux ans de prison avec sursis (mars 2021).

Agé de 81 ans, il décède le 25 avril 2023, à Fréjus. L’ancien président Nicolas Sarkozy salue « l’une des figures les plus brillantes de sa génération », quand le président Emmanuel Macron revient sur la perte pour la nation « d’un esprit libre, d’un homme de livres et d'engagement ». Il était chevalier de l’ordre du Mérite.