Louis Lépine

1846 - 1933

Informations générales
  • Né le 6 août 1846 à Lyon (Rhône - France)
  • Décédé le 9 novembre 1933 à Paris (Seine - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
Xe législature
Mandat
Du 20 juillet 1913 au 31 mai 1914
Département
Loire
Groupe
Gauche démocratique

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1889 à 1940 (Jean Jolly)

Né le 6 août 1846 à Lyon (Rhône), mort le 9 novembre 1933 à Paris (16e).

Député de la Loire de 1913 à 1914.

Louis Lépine appartenait à une famille de sept enfants, dont le père avait modestement commencé son existence avant de se faire, à la force du poignet, une situation enviée de comptable dans le milieu -des soyeux lyonnais. Sa mère, dont les parents étaient partis chercher fortune en Espagne, y naquit et connut dans la vieille cité universitaire de Sala-manque une enfance cultivée marquée en même temps par la protection d'un évêque de Leon ; rentrée -en France elle y vécut des jours difficiles avant son mariage.

Louis Lépine, pour qui cette mère avait de l'ambition, commença ses études à Lyon et les termina au lycée Louis-le-Grand à Paris ; un ami de ses parents lui conseilla de fréquenter les universités allemandes : en 1866 il était à Heidelberg, qu'il apprécia, alors que son séjour à Berlin en 1867 ne lui laissa qu'un souvenir médiocre. La rentrée de 1868 le trouve à la Faculté de droit de Paris où il consacre ses loisirs à l'économie politique La guerre de 1870 l'y surprend : il rentre aussitôt à Lyon pour s'engager dans les mobiles du Rhône; il va rejoindre les défenseurs de Belfort sous le commandement de Denfert-Rochereau. Il s'y conduira courageusement, sera blessé et en rapportera la médaille de 1870.

Rentré à Lyon, il y termine son droit et s'inscrit sans grande conviction au barreau. Les événements du 16 mai l'attirent vers la politique : secrétaire d'Andrieux, alors avocat à Lyon, il a l'occasion de rencontrer Gambetta chez son patron. Le mouvement préfectoral qui suivit le bouleversement du 16 mai lui donna l'idée de tâter de cette carrière ; il monte à Paris où la recommandation de Denfert-Rochereau lui ouvre les portes du ministère de l'Intérieur : le 30 décembre 1877 il est nommé sous-préfet de Lapalisse ; deux ans plus tard il est à Montbrison - où il se maria - puis à Langres en 1880, à Fontainebleau en 1881. En 1885 nouvelle promotion : il devient préfet de l'Indre ; au bout d'une année, on lui propose le secrétariat général de la Préfecture de Police.

Là, Lépine ajoute aux deux tâches traditionnelles du secrétaire général - l'administration et la direction de la force publique - une troisième : les rapports directs avec le conseil municipal de Paris, rapports qui étaient rompus depuis la fin de 1879. Lépine prend ses fonctions à l'aube du boulangisme : c'est lui qui le 8 juillet 1887 hisse Boulanger, partant pour rejoindre le 13e Corps à Clermont-Ferrand, sur une machine haut le pied à la gare de Lyon, et disperse à la Bastille les Parisiens frénétiques qui acclament depuis des heures le « brave général »; lui encore qui le 17 avril 1888 tient avec... 200 agents et un escadron le pont devant la Chambre, alors que la Concorde est noire de monde et que Boulanger vient prendre séance après son élection dans le Nord.

En 1891, il quitte ce poste pour occuper la préfecture de la Loire, où il eut à faire face avec bonheur à quelques grèves ouvrières. Deux ans plus tard il est nommé à Versailles le 3 juillet 1893; mais le 12 juillet, le- jour même de son installation, il apprend par la presse qu'il est appelé à la Préfecture de Police.

Lépine va rester près de vingt ans à la Préfecture de Police et la marquera de sa personnalité. Si Poubelle laissa un nom dans l'enlèvement des ordures ménagères, Lépine lui, créa pour la joie du bricoleur français le concours célèbre auquel il a laissé son nom ; il fut aussi l'inventeur du bâton blanc sans lequel on n'imagine plus aucun agent de police au monde et prescrivit la circulation à sens unique et selon le sens giratoire. Administrateur actif, avisé et ferme, il fut à l'origine de la réglementation nouvelle des Halles établissant l'institution des mandataires ; créateur de la brigade fluviale, il améliora les conditions de lutte contre le feu, faisant poser, entre autres, de nombreuses bornes d'appel sur la voie publique. Ce fut lui encore, qui distinguant dans ses bureaux Bertillon, permit la création du Service de l'identité judiciaire et, poussé par les circonstances, celle de la brigade des anarchistes.

Au bout de quatre années passées à la Préfecture, le poste de gouverneur général de l'Algérie lui fut offert en octobre 1897 ; il l'accepta et il eut tort. Jules Cambon, qui venait d'être nommé ambassadeur à Washington, lui laissait une situation délicate et l'antisémitisme qui se déchaînait - on était en pleine affaire Dreyfus - mit Lépine dans l'impossibilité d'appliquer le plan qu'il avait mûri. Au bout de huit mois, Brisson devait le rappeler et le remplacer par La-ferrière.

Après deux mois de pénitence, on lui offrit un poste de conseiller d'Etat dans lequel il fut installé le 15 octobre 1898. Le 4 juin 1899 - la révision du procès Dreyfus avait été décidée la veille- le coup de canne du baron Christiani, nationaliste notoire, écrasant aux courses d'Auteuil le haut de forme du Président Loubet ouvrait des jours troubles que le rappel de Waldeck-Rousseau apaisa. Une des premières exigences du président du Conseil fut de ramener Lépine à la Préfecture de Police : il y reprit possession de son bureau le 24 juin.

Lépine allait s'y maintenir pendant près de quatorze années et, continuant son œuvre d'administrateur, allait en même temps avoir à connaître de maintes affaires célèbres.

Petit, sec, la barbiche en pointe, sanglé dans sa redingote, on le voyait toujours au premier rang de son service d'ordre, casque de pompier en tête, ou juché sur sa bicyclette. Ce fut lui qui enleva, en septembre 1899, le « fort Chabrol » où l'agitateur nationaliste Guérin s'était retranché, soutenant un siège de trois semaines ; lui qui organisa les services de remplacement durant la grève des postiers de 1908 ; qui fit procéder à l'arrestation du financier escroc Rochette ; qui, payant de sa personne - il fut légèrement blessé - maîtrisa au métro Villiers une manifestation violente en faveur du révolutionnaire espagnol Ferrer ; lui qui vint enfin à bout de la tristement célèbre « bande à Bonnot ».

Le 28 mars 1913, la retraite vint et Lépine fut nommé préfet honoraire.

A tant fréquenter les coulisses du pouvoir comment ne pas résister à ses séductions ? La carrière d'Andrieux dont il avait été le secrétaire alors qu'il était tout jeune avocat stagiaire à Lyon, préfet de police comme lui, député et même sénateur éphémère, et dont l'amitié ne lui avait jamais fait défaut ne put que t'inciter encore à se lancer dans la politique. Le 13 juillet 1913 une élection partielle dans la Loire, département où il n'avait laissé que des souvenirs heureux, lui en fournit l'occasion dans la 1re circonscription de Montbrison. Il manqua de peu d'être élu au premier tour (8.138 voix sur 16.478 votants contre 7.936 à Pierre Robert) et enleva le siège au scrutin de ballottage avec 9.095 voix sur 18.113 votants contre 8.902 à Robert. A la Chambre, où la 10e législature s'achevait, Louis Lépine, inscrit à la gauche démocratique, n'eut le temps que d'intervenir à propos de la réduction du nombre des sous-préfets, question qu'il connaissait bien.

En 1914, il changea de circonscription, choisissant dans la Seine, la 1re de Sceaux ; mal lui en prît : largement en tête au premier tour, il fut battu au second par une coalition socialiste qui permit au peintre Paul Poncet de l'emporter par 10.580 voix sur 20.671 votants contre 9.582, Lorsque Lépine avait quitté ses fonctions de préfet de police, il avait précisé qu'il était toujours à la disposition de 1 Etat, si une situation exceptionnelle l'exigeait. La guerre de 1914 allait lui permettre de servir encore. Il fut en effet chargé de diverses missions : au Comité du secours national, comme président de la Fédération des ateliers du blessé ; il fut nommé inspecteur général des prisonniers de guerre et commissaire aux effectifs.

Il put après la guerre consacrer ses loisirs à la Compagnie du Canal de Suez dont il était administrateur depuis 1907, à l'Académie des sciences morales et politiques, qui l'avait élu comme membre libre le 16 mars 1912, au Conseil supérieur de l'Assistance publique, de la protection de l'enfance, des pupilles de la Nation, au Conseil de l'Ordre de la Légion d'honneur enfin - il était grand-croix - dont il devait devenir le doyen.

Il mourut après quelques jours de maladie le 9 novembre 1933 à l'âge de 87 ans.

Collaborateur de la Grande Encyclopédie et du Dictionnaire de l'Administration, il dirigea la publication d'un Répertoire de Police administrative et judiciaire et rédigea en 1928 ses Souvenirs. Une des principales salles de la Préfecture de Police porte son nom.