Paul Billat
1904 - 1996
Né le 24 avril 1904 à Paris 10e
Député de l'Isère de 1947 à 1958
Paul Billat est le fils d'un ferblantier savoyard venu travailler à Paris. A la mort de son père, alors qu'il n'a que huit ans, il est envoyé auprès de ses grands parents, artisans ruraux à Feissons-sur-Isère (Savoie). Il termine ses études primaires en 1916 avec le certificat d'études et commence alors à travailler dans les bureaux des usines de carbure de calcium de Notre-Dame-de-Briançon (1917-1922). Il se rend ensuite à Grenoble pour faire son apprentissage de confiseur, commence à se politiser, et participe notamment à la campagne contre la guerre du Rif avant d'adhérer à la Jeunesse communiste (octobre 1925), dont il devient secrétaire de cellule, puis au syndicat communiste, la C.G.T.U. Secrétaire régional de la Jeunesse communiste l'année suivante, il adhère alors au parti communiste, complète sa formation à l'école des cadres de la Jeunesse communiste et se présente aux élections municipales à Grenoble en 1927. Devenu permanent en 1928, Paul Billat a la responsabilité du journal communiste Le Travailleur alpin dont il est à la fois le directeur, le gérant, l'administrateur et le principal rédacteur. Ce métier de journaliste politique lui vaut plusieurs condamnations pour délits de presse. Il se voit infliger, en 1931, une peine de sept mois de prison et entre dans la clandestinité. Caché à Saint-Martin-d'Hères, près de Grenoble, il continue de diriger le journal sous un pseudonyme. Il fait ensuite un séjour à Paris puis à Moscou à l'Ecole léniniste internationale. L'élection de Paul Doumer lui permet d'être amnistié et de revenir à Grenoble comme secrétaire régional du parti communiste en 1933. Candidat aux élections cantonales en 1934 et 1935 ainsi qu'aux législatives de 1936, il ne recueille, lors de ces dernières, que 750 voix et doit se désister en faveur du candidat socialiste. Parallèlement il détient d'importantes responsabilités syndicales : secrétaire du syndicat C.G.T.U. de l'alimentation de Grenoble puis du syndicat C.G.T. réunifié, il est également délégué aux congrès de son parti à Villeurbanne (janvier 1936) et à Arles (décembre 1937). En revanche, à la suite d'une conférence régionale présidée par Maurice Thorez, il n'est plus que secrétaire régional adjoint du P.C.F. à partir de décembre 1938.
En août 1939, Paul Billat rédige le tract « la Vérité aux Français » à propos du pacte germano-soviétique, ce qui motive l'arrestation des principaux dirigeants communistes de la région. Exempté de service armé, il parvient aussi à échapper aux poursuites de la police et réorganise son parti dans la clandestinité à l'automne 1939. En revanche, en février 1940, il est reconnu apte au service, et versé dans la 9e compagnie spéciale de travailleurs. Fait prisonnier en juin 1940 au camp d'aviation de la Jarme, il est interné à Surgères avant d'être démobilisé le 15 juillet à Juillac (Corrèze). Il n'a qu'un court répit pour regagner l'Isère, retrouver du travail et reprendre l'action clandestine. En effet, le 30 novembre 1940, il est interné avec d'autres militants au Fort-Barraux (Isère), puis à Saint-Sulpice la Pointe (Tarn) (à partir d'octobre 1941) d'où il parvient à s'évader grâce à une permission de sortie accordée pour rendre visite à l'une de ses filles gravement malade. Sa base d'action clandestine est établie dans le Ver-cors à Malleval où il organise avec d'autres camarades un maquis F.T.P. La direction du parti communiste décide de l'envoyer en septembre 1943 dans la région méditerranéenne où il est moins connu. Il fait partie de l'état-major F.T.P. de cette zone puis, en 1944, est le commissaire aux effectifs des F.T.P. du Limousin. Pendant la période de la libération du territoire, Paul Billat est successivement officier d'état-major F.F. I attaché à la Ve région militaire jusqu'au 10 août 1944, puis à la XIIe région. Il est démobilisé en mai 1945 avec l'équivalent du grade de lieutenant-colonel, la croix de guerre 1939-1945, la médaille de la Résistance, la croix du combattant volontaire de la Résistance et la médaille de la déportation et de l'internement.
Il reprend alors ses fonctions au sein de la fédération du parti communiste à Grenoble, où il est chargé de l'organisation. Elu conseiller municipal de Grenoble (1945-1947), il figure aux élections à la Première Constituante en dernière position sur la liste communiste dont seuls les deux premiers candidats sont élus. De même aux élections pour la Seconde Constituante, il fait partie de la liste communiste mais sans possibilité d'être élu (avant dernier sur 6). Promu à la troisième place aux élections législatives de 1946 derrière les deux députés sortants, il ne doit son entrée au Palais-Bourbon qu'à l'élection de Joanny Berlioz au Conseil de la République. Son élection est validée le 20 février 1947 et il est nommé membre de la commission des moyens de communication et de celles de la défense nationale, à partir de 1948, de la presse (juin 1949) et des finances (janvier 1950).
Parlementaire très actif, Paul Billat ne dépose pas moins de quarante rapports et propositions de loi en quatre ans. Ses travaux parlementaires portent essentiellement sur des mesures sociales catégorielles touchant l'agriculture ou les militaires du contingent. Au cours des débats, il intervient le 17 décembre 1948, puis de nouveau le 31 mars 1949, comme rapporteur du projet de loi portant intégration des militaires dans l'organisation générale de la Sécurité sociale en défendant les droits acquis antérieurs des personnels de l'armée. Egalement soucieux des intérêts de sa région, il critique, le 19 juillet 1949, les choix techniques faits pour l'émetteur radiophonique de la station Alpes-Grenoble. De même, le 9 décembre suivant, il s'inquiète de l'arrêt des travaux de construction des barrages de l'Isère et de la Savoie et de ses conséquences sur le sort des ouvriers des chantiers.
Ses trois autres interventions importantes de la législature portent sur des questions militaires. Le 27 octobre 1950, Paul Billat défend, au nom de ses collègues communistes, un amendement introduisant un certain nombre de cas de dispense du service militaire pour les soutiens de famille en dénonçant au passage la politique du ministère et de l'état-major dans ce domaine. Le 3 janvier 1951, il profite aussi de la présentation d'un amendement interdisant l'envoi du contingent en Indochine pour dénoncer la politique du gouvernement dont il souligne qu'elle suscite peu de départs volontaires même chez les officiers ou sous-officiers d'active. Le 21 mars suivant, la demande par le gouvernement du vote de douzièmes provisoires pour le budget de la défense nationale lui offre l'occasion d'une attaque en règle contre la politique économique et monétaire de la majorité. Selon Paul Billat, l'inflation menace en raison de la croissance de la circulation fiduciaire et de la montée des dépenses improductives d'armements liées à la guerre d'Indochine. Les travailleurs et les paysans sont les victimes de cette inflation, alors que dans le même temps, d'après les chiffres qu'il cite, les profits des banques ne cessent d'augmenter. Il conclut par une apostrophe où il dénonce le projet de loi électorale sur les apparentements : « Messieurs du Gouvernement, vous misez sur la guerre. Le peuple veut la paix. C'est là que réside le divorce entre lui et vous, aucune loi de truquage électoral ne pourra empêcher qu'il se consomme un jour ou l'autre ». Enfin le 17 mai 1951, il critique l'emploi de la gendarmerie à la lacération des affiches communistes hostiles à l'allongement du service militaire ou à l'envoi de soldats en Indochine.
Aux élections du 17 juin 1951, Paul Billat est le second sur la liste de son parti dans l'Isère. La liste recueille 85 524 voix (34,1 % des suffrages) et compte trois élus, la loi sur les apparentements n'ayant pu s'appliquer car la liste communiste a nettement distancé les listes apparentées de la majorité sortante. Pendant la législature, Paul Billat siège à la commission de l'agriculture, à celle du suffrage universel et, à partir de 1953, à celle de la défense nationale et dépose de nouveau un grand nombre de textes. En séance, dès le 18 août 1951, il est le porte-parole de son groupe pour expliquer pourquoi les communistes ne voteront pas un crédit supplémentaire à l'Assemblée nationale et à l'Assemblée de l'Union française. Il affirme qu'il est particulièrement injuste et contradictoire que le gouvernement repousse l'échelle mobile des salaires alors qu'il accorde une augmentation aux députés. Le 21 mars 1952, Paul Billat présente le contre-projet du groupe communiste consacré à la réforme des sursis, critiquant l'absence de garanties pour les étudiants qui auront échoué à la préparation militaire accélérée. Il élargit le débat au problème du manque de cadres de l'armée française lié au « cancer » de la guerre d'Indochine et appuie les revendications des étudiants de l'Université de Grenoble et des écoles normales supérieures en demandant le retour à la loi de 1928. Six jours plus tard, le 27 mars, il est chargé d'expliquer le vote de son groupe sur la réforme du règlement de l'Assemblée nationale qui vise, selon lui, à déposséder les représentants du peuple et notamment ceux de l'opposition de leur capacité de critique et de discussion publiques. Le 8 juillet suivant, il intervient pour défendre un contre-projet sur les permis de chasse. Contre l'avis de la Commission des finances, il y défend le maintien de deux permis différents, l'un national, l'autre départemental et moins onéreux, afin de permettre aux agriculteurs les moins aisés de pratiquer cette activité de loisir. C'est l'occasion pour lui de dénoncer les privilégiés de la fortune qui disposent de vastes réserves et de préconiser l'affectation d'une partie des fonds collectés par l'Etat à la création de réserves ouvertes à tous.
Le 24 mars 1953, le député de l'Isère profite d'une interpellation sur l'affaire des enfants Finaly pour faire une attaque en règle de la politique de répression anticommuniste et anticégétiste du gouvernement et réclame que la loi s'applique à tous également afin que soient libérés les communistes emprisonnés pour délit d'opinion. A l'automne, Paul Billat se fait aussi l'avocat du mécontentement paysan. En prenant l'exemple de son département, il rappelle les positions de son parti en faveur d'une politique de pouvoir d'achat ouvrant de nouveaux débouchés aux petits et moyens paysans et réduisant le poids des taxes à la consommation. Il reprend des thèmes analogues le 30 juin 1954 à propos de la critique de la politique sucrière du gouvernement en évoquant la proposition de loi déposée par Waldeck-Rochet au nom du groupe communiste qui attache les droits de plantation non aux distilleries mais aux exploitations agricoles. Lors de la discussion budgétaire, le 19 mars 1955, il reprend tous ses arguments contre la politique agricole des gouvernements précédents ou actuel et en appelle à une action unie des paysans et des ouvriers pour imposer « une véritable politique de sauvegarde de notre agriculture et aussi de paix dans l'indépendance nationale ».
Aux élections du 2 janvier 1956, Paul Billat est de nouveau second sur la liste du parti communiste dans l'Isère qui rassemble 28,9 % des voix et compte trois élus tandis que la liste poujadiste en a deux et les listes socialiste et indépendant-paysan, un chacune. Dans la nouvelle Assemblée Paul Billat appartient, comme dans la précédente législature, à la Commission du suffrage universel et à celle de la défense nationale. Au titre de cette dernière, il rédige de nombreux rapports sur les questions soulevées par l'envoi du contingent en Algérie (franchise postale, allègement de service pour certaines catégories, sursitaires, régime des permissions, etc.). Ses principales interventions dans les débats sont également motivées par ces questions : dépôt d'amendements lors de la discussion du budget de la défense nationale, discussion d'interpellation sur la politique gouvernementale. Il n'oublie pas non plus les intérêts des agriculteurs. Le 29 mai 1956, par exemple, il intervient sur la protection des végétaux contre les émanations de certains établissements chimiques ou, le 5 mars 1957, sur les problèmes posés aux exploitations agricoles par la mobilisation de certaines classes d'âge, sur les difficultés des jeunes exploitants à obtenir des prêts pour se moderniser, sur la nécessité d'attribuer plus de carburant détaxé aux agriculteurs de montagne.
Mais le 22 décembre 1957, ce sont les événements d'Afrique du Nord qui suscitent son intervention. Il s'inquiète de la croissance des dépenses militaires et de l'aggravation de la situation qui contraste avec l'optimisme officiel. Il déplore que les seules économies opérées l'aient été sur la solde progressive des soldats mobilisés au-delà de la durée légale. Il conclut par un appel à une solution négociée à la guerre d'Algérie « dont la poursuite est néfaste aux intérêts du peuple français et du peuple algérien ». Ses dernières interventions de la législature en 1958 portent sur les mêmes problèmes. Il fait part à l'Assemblée, le 28 février, de l'émotion suscitée dans la population des Alpes par le projet d'implantation de rampes de lancement des fusées de l'O.T.A.N., dénonce l'absence de revalorisation des soldes versées au-delà de la durée légale du service militaire, met en cause la perte d'indépendance de l'armée française au sein de l'O.T.A. N, et prend la défense de ceux qui refusent de servir sous les ordres du général Speidel.
Avec son groupe, il refuse la confiance au général de Gaulle (1er juin 1958) et vote contre les pleins pouvoirs et la révision constitutionnelle (2 juin). Parallèlement à ses fonctions de député, Paul Billat a occupé pendant toute la IVe République diverses responsabilités au sein de son parti : il a été membre du bureau fédéral de l'Isère de 1945 à 1962, délégué au XIe congrès de Strasbourg (1947) et au XIVe du Havre en 1956.
Le changement de République met fin à la carrière parlementaire de Paul Billat même s'il continue de figurer, après 1958, dans plusieurs compétitions électorales.