Nicolas Alfonsi
1936 - 2020
ALFONSI (Nicolas)
Né le 13 avril 1936 à Cargèse (Corse)
Décédé le 16 mars 2020 à Ajaccio (Corse-du-Sud)
Député de Corse puis de Corse-du-Sud de 1973 à 1978, et de 1981 à 1988
Nicolas Alfonsi est issu d’une vieille famille corse par ses deux parents. Éleveur de profession, son père, Jean Alfonsi, résistant, a été élu maire de Piana après la Libération en 1947, puis conseiller général radical du canton des Deux-Sevi en 1949. Ce canton, dont Cargèse est alors la principale commune, souffre d’un exode rural durable et massif. Piana, par exemple, comprend un peu plus de 500 habitants en 1962, contre 1 400 à la fin du XIXe siècle.
Nicolas Alfonsi, après avoir fréquenté le lycée d’Ajaccio, poursuit des études supérieures en métropole. Licencié en droit à la Faculté d’Aix-en-Provence, il s’installe à Paris, où il obtient successivement un diplôme de l’Institut d’études politiques en 1959, puis un diplôme d’études supérieures (DES) de droit public en 1960. Inscrit au barreau de Paris en 1963, il exerce comme avocat à la Cour d’Appel de Paris, tout en ne perdant jamais le lien avec son île natale.
En 1962, au décès de son père, le jeune avocat parisien âgé de 26 ans lui succède dans ses deux mandats locaux, maire de la petite commune de Piana puis, le 9 décembre 1962, conseiller général du canton. Celui-ci est renommé le canton des Deux-Sevi en 1973 après la fusion des cantons d’Evisa et de Piana. Régulièrement reconduit dans ces fonctions jusqu’en 2001, Nicolas Alfonsi prend très vite une responsabilité majeure dans l’assemblée départementale puisqu’il se voit désigner comme rapporteur général du budget de 1963 à 1973. Il siège successivement dans les rangs des élus du parti Radical-socialiste, puis de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) en 1967, enfin à partir de 1972, parmi les Radicaux de gauche. Il est alors membre du comité directeur de la fédération de Corse du Mouvement radical de gauche (MRG).
En mars 1973, Nicolas Alfonsi est candidat aux élections législatives, au nom de l’Union de la gauche socialiste et démocrate (UGSD), alliance des socialistes et radicaux de gauche, dans la première circonscription de Corse (Ajaccio-Calvi), avec, comme suppléant, le conseiller général d’Olmi-Cappella, Léon Argenti.
Durant sa campagne, Nicolas Alfonsi fustige le bilan des quinze dernières années du régime en déplorant « l’impossibilité pour ceux qui naissent dans cette île de continuer à y vivre ». Il revendique un « authentique pouvoir régional », sans céder au début de l'agitation politique qui touche la Corse avec l'émergence de revendications régionalistes. Il dénonce néanmoins « la disparition de tous les éléments qui constituaient notre originalité, la substitution du folklore aux traditions, l’installation d’un univers de fraudes, la perte de notre identité ». Faisant référence au programme commun de la gauche, sans en développer les mesures, il affirme que celui-ci doit donner à tous « la possibilité de s’épanouir librement ».
Au premier tour, près d’un quart des électeurs (24, 8 % des suffrages exprimés) se portent sur son nom, puis il est élu au second tour, avec 21 840 voix sur 41 472 (52,6 % des suffrages exprimés). Sa victoire sur le député sortant gaulliste Jean Bozzi (19 632 suffrages) est étroite mais ce dernier l’avait emporté lors des deux législatures précédentes sur un autre ténor des radicaux de gauche, le futur sénateur François Giaccobi. Alors que les gaullistes occupaient depuis 1968 les trois sièges de l’île, la victoire d’Alfonsi et le retour au Palais-Bourbon de Jean Zuccarelli, le maire de Bastia, dans la deuxième circonscription, bouleversent pour longtemps l’équilibre politique local au profit de la gauche radicale et des partisans du Programme commun.
Le nouveau député s’inscrit au groupe commun entre le Parti socialiste et le Parti radical de gauche et siège à la commission des lois constitutionnelle, de la législation et de l’administration générale de la République. En cours de législature, en avril 1977, il se voit élu au poste de secrétaire de l’Assemblée nationale. Après la deuxième crise pétrolière, il appartient aussi au bureau de l’intergroupe parlementaire de défense du Concorde.
Ses interventions publiques portent surtout sur la situation de la Corse, sur son statut, sur la montée de l’insécurité et du terrorisme nationaliste, avec notamment les événements d’Aléria en 1975 et sur de nombreux autres sujets, notamment à propos du projet de loi relatif à l'informatique et aux libertés (1977), auquel il s’oppose en séance et dans ses votes. Comme la majorité des députés de l’opposition, il vote contre l’essentiel des projets de loi présentés par le pouvoir, mais appuie les réformes sociétales du président Giscard d’Estaing comme le projet de loi Veil relatif à l'interruption volontaire de grossesse, en 1974. Dans de rares cas, il s’abstient, notamment sur le projet de loi Royer d'orientation du commerce et de l'artisanat en 1973.
Reconduit comme candidat du parti dans la première circonscription de Corse-du-Sud, après le rétablissement de deux départements dans l’île, pour les élections législatives des 12 et 19 mars 1978, il affronte au premier tour Jean Bozzi, candidat du Rassemblement pour la République (RPR), le conseiller général José Rossi pour l’Union pour la démocratie française-Parti républicain (UDF-PR) ainsi qu’Ange Simongiovanni pour le Centre national des indépendants et paysans (CNIP) et un candidat communiste Albert Ferracci. Dans un contexte de forte dispersion des voix à droite et au centre, Nicolas Alfonsi obtient 11 048 suffrages, derrière Jean Bozzi (12 161) et devant José Rossi (10 317), Albert Ferracci (6 160) et Ange Simongiovanni (1 663). Il est battu au deuxième tour par Jean Bozzi qui parvient à réunir 22 778 suffrages sur 44 546 (51,1 % des suffrages exprimés), contre 21 768 (48,8 %) à Nicolas Alfonsi, à l’issue d’une forte mobilisation des abstentionnistes (23,98% au deuxième tour contre 30,29% au premier). Jean Bozzi retrouve ainsi son mandat, perdu en 1973. Le scrutin, certes inversé, a été serré à chaque élection.
Au sein du MRG, au niveau national, Nicolas Alfonsi, représentant élu d’une fédération corse très puissante dans un modeste parti charnière, est désigné, en 1976, délégué auprès du président. Conservant ses mandats locaux de maire et conseiller général, auxquels il est systématiquement reconduit pendant plus de trois décennies, l’ancien député voit son influence nationale renforcée cette même année 1978, en obtenant le poste stratégique de secrétaire national chargé des questions électorales, le MRG étant un parti composé essentiellement d’élus. Il garde cette fonction jusqu’en juin 1983. Encore candidat sans succès aux élections sénatoriales le 28 septembre 1980, il reste fidèle à l’alliance avec le Parti socialiste en dépit de la rupture de l’Union de la gauche, dans laquelle le MRG et son président Robert Fabre ont joué un rôle certain. Pour sa part, il plaide, en 1980-1981, contre une candidature radicale de gauche à l’élection présidentielle et pour un soutien dès le premier tour à la candidature de François Mitterrand.
L’élection à la présidence de la République de François Mitterrand, suivie par la dissolution de l’Assemblée nationale par ce dernier, permet à Nicolas Alfonsi de regagner son siège de député, avec comme suppléant, Dominique Colonna, conseiller général et médecin.
Dans sa première profession de foi, il appelle les électeurs à donner « la majorité de sa politique » au président de la République et « les moyens nécessaires à son entreprise ». Concernant la Corse, il s'agit, selon lui, « par des mesures indispensables d'apaisement, de créer les conditions nécessaires ou rétablissement de la Paix Civile », sans pour autant se prononcer ouvertement pour l’amnistie. Favorable à la politique de décentralisation, il propose une « réforme régionale audacieuse » visant à « rendre à chacun la possibilité de mieux exercer ses responsabilités et d'assumer son plein épanouissement ».
Réélu député apparenté socialiste de la première circonscription de Corse du Sud le 21 juin 1981, avec 22 641 suffrages (52,7 % des suffrages exprimés) sur 42 896, contre 20 255 pour José Rossi, il retrouve les bancs de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
L’activité de Nicolas Alfonsi à l’Assemblée s’avère moins visible durant ses deux derniers mandats au Palais-Bourbon que lors de son mandat précédent. Entre 1981 et 1986, il fait deux interventions à la tribune sur des projets de loi et se concentre sur le travail en commission et surtout sur ses autres fonctions. Conformément aux pratiques de l’époque, Nicolas Alfonsi, déjà député, maire et conseiller général, cumule en effet dans les années 80 de nombreux autres mandats. Tout d’abord, bénéficiant de la démission de plusieurs parlementaires européens (entrés dans le gouvernement de Pierre Mauroy), il devient député à l’Assemblée de Strasbourg de juillet 1981 à 1984 (il avait été placé en 32e position sur la liste PS-MRG aux élections européennes de 1979). Les premières élections régionales, en août 1982, lui permettent par ailleurs de siéger dans la toute nouvelle Assemblée régionale corse. L’année suivante, il en devient l’un des vice-présidents et occupe cette fonction jusqu’en 1996. L’élu insulaire siège par ailleurs dans des établissements publics majeurs au plan régional : déjà président depuis 1976 du conseil des rivages de Corse et administrateur du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres depuis 1978, il préside, à partir de 1984, le conseil des rivages corses qui se réunit annuellement pour étudier et valider de nouveaux périmètres d'intervention proposés par le Conservatoire du littoral.
Les parlementaires de la VIIIe législature, en 1986-1988, étant élus au scrutin proportionnel, la Corse-du-Sud conserve deux sièges. Nicolas Alfonsi se représente comme tête de liste MRG-PS « pour une majorité de progrès », contre l’union RPR-UDF conduite par Jean-Paul de Rocca-Serra et José Rossi. Ils sont appuyés par les bonapartistes et, de fait, par le Front national (FN) qui, cas unique en France, retire sa candidate. Nicolas Alfonsi défend de son côté le bilan de la majorité de 1981 et du président de la République, François Mitterrand. Il propose de poursuivre « le redressement entamé » et de préserver les acquis des réformes et les libertés instituées depuis 1981. Il en appelle à « tous ceux qui demeurent attachés aux valeurs républicaines de liberté et de tolérance, de dialogue et de solidarité » face à « une opposition de plus en plus conservatrice, qui se distingue de moins en moins nettement de l’extrême droite et qui risque de s’allier à elle ». Sa liste obtenant 27,5% des suffrages exprimés et un siège : Nicolas Alfonsi est réélu député. Il s’apparente au groupe socialiste et siège de nouveau à la commission des lois.
A la tribune, Nicolas Alfonsi intervient à plusieurs reprises sur les questions de terrorisme et sur ce qu’il nomme « la conciliation de l'unité nationale et de la liberté de la presse ». Il s’oppose encore à l'institution d'une Cour d'assises spéciale. Mais l’essentiel de son action politique se concentre sur la Corse.
Après la nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale par François Mitterrand, Nicolas Alfonsi est cette fois battu par José Rossi en juin 1988, aux élections législatives consécutives à la dissolution. Cet échec ne met pas fin à sa longue carrière politique, qui se poursuit encore durant plus d’un quart de siècle. Régulièrement réélu maire de Piana – fonction qu’il exerce jusqu’en 2001 – et représentant du canton des Deux-Sevi jusqu’en 2015, il retrouve la vice-présidence du conseil général de Corse-du-Sud de 2001 à 2015, puis siège comme sénateur de la Corse-du-Sud du 2 décembre 2001 au 30 septembre 2014 au sein du groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE).
Membre de la commission des affaires culturelles, il rejoint celle des lois de 2002 à 2014, devenant l’un de ses vice-présidents à compter de 2008. Membre de la commission des affaires européennes de 2011 à 2014, le juriste participe également aux travaux de l’Office parlementaire d’évaluation de la législation entre 2004 et 2009. De 2010 à 2014, il fait partie du comité de déontologie parlementaire du Sénat. Les questions judiciaires sont au cœur de ses activités au Palais du Luxembourg. Il s’attache aussi à défendre sa vision de son territoire, la Corse, s’opposant à toute réforme institutionnelle majeure le concernant. La réforme des retraites, l’enseignement supérieur ou encore le mariage des couples de même sexe, auquel il s’oppose, retiennent également son attention. Les dernières lois qu’il approuve en 2014 sont celle interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et celle défendant l’égalité réelle entre les hommes et les femmes.
Il choisit de ne pas se représenter aux élections sénatoriales de septembre 2014. Six ans plus tard, à 83 ans, il est emporté par l’épidémie de Covid-19. Il était chevalier de la Légion d’honneur.