Frédéric Arnaud de l'Ariège
1819 - 1878
Représentant du peuple aux Assemblées constituante et législative de 1848-49, représentant à l'Assemblée nationale de 1871 et sénateur de 1876 à 1878, né à Saint-Girons (Ariège) le 8 avril 1819, mort à Versailles, le 30 mai 1878.
Avocat à Paris, il se fit une réputation sous Louis-Philippe, dans le parti démocratique, par l'ardeur de sentiments catholiques qu'il croyait conciliables avec ses opinions républicaines.
Après la Révolution de Février 1848, il sollicita, comme candidat républicain modéré à l'Assemblée constituante, les suffrages des électeurs de l'Ariège, dans une profession de foi où il se prononçait contre le communisme, et ajoutait: « Je veux les cultes libres et indépendants. Plus de servitudes pour l'église, qu'elles se déguisent sous le voile menteur des libertés gallicanes, ou qu'elles se posent sur le séduisant prétexte des droits de la nation. Je veux qu'un traitement, distribué par l'Etat comme une dette nationale, aux ministres de tous les cultes, soit pour eux une garantie de plus d'indépendance et de dignité. » Il réclamait la réduction du nombre des fonctions publiques, une répartition nouvelle des impôts, la révision de la législation forestière et l'abolition de l'impôt du sel. Il terminait par ces mots : « Après m'être religieusement interrogé devant Dieu, j'ose aspirer à l'insigne honneur de vous représenter à l'Assemblée nationale, sûr d'apporter à l'oeuvre commune, l'esprit de justice qui convient au législateur, le sentiment de fraternité qui fait le républicain. »
Il fut élu le 23 avril, le 4e sur 7, avec 29,515 voix sur 65,072 votants et 71,717 inscrits. Il siégea à gauche, et catholique démocrate, se déclara à la tribune contre l'expédition de Rome ; toutefois, il ne s'associa pas, lorsqu'elle fut proposée par Ledru Rollin, à la demande de mise en accusation du président et de ses ministres. Le Moniteur le porta comme absent lors des votes : sur les poursuites contre Louis Blanc et Caussidiére (26 août 1848), sur le droit au travail (2 novembre) et sur l'amnistie des transportés (2 mai 1849). Dans les autres questions, il vota le plus souvent avec la gauche, notamment contre le rétablissement de la contrainte par corps, pour l'abolition de la peine de mort, pour la suppression de l'impôt du sel, contre la proposition Rateau, et contre l'interdiction des clubs. Avec le parti modéré, il s'associa à la politique de Cavaignac et au vote (25 novembre 1848) de l'ordre du jour en son honneur.
Réélu à l'Assemblée législative le 13 mai 1849, le 2e sur 6, avec 22,161 voix sur 45 357 votants et 77,191 inscrits, il y combattit la politique de l'Elysée et, sans faire partie de la Montagne, la plupart du temps vota avec la gauche contre les lois restrictives des libertés et du suffrage universel, présentées par les ministres du Président.
Lors du coup d'Etat de Décembre 1851, Arnaud (de l'Ariège), prit part, avec Victor Hugo, Schoelcher, Madier de Montjau, et autres représentant de la gauche, aux tentatives de résistance qui marquèrent la première journée. Il accompagnait Victor Hugo sur le boulevard, lorsque, devant un régiment de cuirassiers qui défilait le sabre nu, tous deux poussèrent ce cri : À bas les traîtres ! « À voir Arnaud, a écrit Victor Hugo (Histoire d'un crime) avec son geste intrépide, sa belle tête pâle et calme, son regard ardent, sa barbe et ses longs cheveux châtains, on croyait voir la rayonnante et foudroyante figure d'un christ irrité. » Le succès du coup d'Etat rendit Arnaud (de l'Ariège) à la vie privée.
Sous l'Empire, il se tint à l'écart des affaires publiques et se contenta de publier divers ouvrages : L'Indépendance du pape et les droits des peuples (1860), la Papauté temporelle et la Nationalité italienne etc., où il continuait de poursuivre la solution de son problème favori, la réconciliation du catholicisme et de la démocratie moderne ; il s'y déclarait contre l'infaillibilité du pape et contre le pouvoir temporel. Son dernier ouvrage, la Révolution et l'Eglise, avait pour conclusion ces lignes caractéristiques: « Quand donc se trouvera-t-il un pape, tout pénétré de la foi vivante des temps apostoliques qui, par un acte d'autorité réparatrice, rompra avec ces traditions si contraires à l'esprit de l'Evangile, dégagera le pontife du monarque, délivrera Rome de la garde des armes temporelles, rendra à l'Italie sa capitale et au monde chrétien le centre vénéré de son unité religieuse ? De quelles bénédictions ne serait-il pas l'objet, lorsque, redevenu simplement et saintement le chef de l'Eglise, il ne ferait plus entendre que des paroles de paix et de liberté ! »
Candidat sans succès, aux élections du Corps législatif, le 22 juin 1857 et le 24 mai 1869, il réunit la dernière fois 7,308 voix contre 21,181 données au député officiel sortant M. Denat.
Arnaud de l'Ariège fut rendu à la vie publique par la Révolution du 4 Septembre. Nommé membre de la Commission provisoire chargée de remplacer le conseil d'Etat, puis élu le 4 novembre 1870, maire du 7e arrondissement de Paris, il fut, aux élections du 8 février 1871, porté candidat, dans le département de la Seine, à l'Assemblée nationale, à la fois par les républicains modérés et, par un certain nombre de conservateurs, auxquels ne déplaisaient pas ses opinions religieuses : il fut élu avec 79 955 voix sur 328 970 votants et 647 858 inscrits. (Il échouait à la même date dans l'Ariège avec 18 223 voix.) Il fit partie de la gauche républicaine et vota contre les préliminaires de paix.
Au moment de l'insurrection communaliste du 18 mars 1871, il fut comme député et maire de Paris l'interprète de ses collègues des autres arrondissements, qui étaient venus à Versailles pour demander à être entendus par l'Assemblée. Il déclara qu'il fallait « s'unir de coeur avec Paris et ne former avec lui qu'une âme nationale et républicaine ». Tumultueusement accueillie par la droite de l'Assemblée, cette intervention resta sans effet. M. Arnaud (de l'Ariège) s'abstint dans le vote sur les prières publiques, en disant « qu'il avait trop le respect de Dieu pour abaisser son nom dans des querelles de partis ». Il vota : pour l'abrogation des lois d'exil contre les Bourbons, contre la dissolution des gardes nationales, pour le retour de l'assemblée à Paris, pour les lois constitutionnelles, et contre la loi sur l'enseignement supérieur. Il fit, le 14 juin 1875, un discours contre les empiétements du parti clérical.
Candidat républicain aux élections sénatoriales du 30 janvier 1876, il fut élu par 208 voix sur 386 votants contre MM. de Saint-Paul (147 voix) et Aclocque (133). Il siégea à gauche, vota en Juin 1877, contre la dissolution réclamée par le gouvernement du 16 Mai, et s'associa, jusqu'à sa mort, à tous les votes des républicains de la Chambre haute.