Paul, Armand Challemel-Lacour

1827 - 1896

Informations générales
  • Né le 19 mai 1827 à Avranches (Manche - France)
  • Décédé le 26 octobre 1896 à Paris (Seine - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Assemblée Nationale
Législature
Mandat
Du 7 janvier 1872 au 7 mars 1876
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Union républicaine

Mandats au Sénat ou à la Chambre des pairs

Sénateur
du 30 janvier 1876 au 5 janvier 1885
Sénateur
du 6 janvier 1885 au 6 janvier 1894
Sénateur
du 7 janvier 1894 au 26 octobre 1896

Biographies

Représentant à l'Assemblée nationale de 1872 à 1875, membre du Sénat et ministre, né à Avranches (Manche), le 19 mai 1827, il fit de brillantes études au lycée Saint-Louis, entra à l'Ecole normale supérieure, et fut reçu le premier (1849) au concours de l'agrégation de philosophie. La facilité et l'agrément de son élocution l'avaient déjà rendu presque célèbre parmi ses camarades.

Il débuta dans l'enseignement comme professeur de philosophie au lycée de Pau. En 1851, lors du coup d'Etat, il était professeur au lycée de Limoges. L'ardeur de ses opinions républicaines le fit arrêter et emprisonner pendant quelques mois : il dut ensuite quitter la France et se réfugier en Belgique, où il fit avec succès des conférences à Bruxelles et à Anvers. De là, il passa en Allemagne, où il eut plusieurs entrevues avec le philosophe Schopenhauer, et en Italie ; puis il se fixa en Suisse, et exerça au Polytechnicum de Zurich, jusqu'à l'amnistie de 1859, les fonctions de professeur de littérature française. Rentré en France, il donna des articles de critique littéraire, philosophique et artistique au Temps, nouvellement fondé, à la Revue Nationale, à la Revue des cours littéraires, à la Revue moderne, qu'il dirigea : il fut aussi un des collaborateurs les plus assidus de la Revue des Deux Mondes ; il en devint même le gérant. En 1868, il fonda, avec Gambetta, la Revue politique, et encourut, comme directeur de cette publication, une condamnation à propos de la souscription Baudin.

Nommé préfet du Rhône après le 4 septembre 1870, il conserva, pendant toute la durée de la guerre, une situation à laquelle ses occupations précédentes ne l'avaient peut être pas suffisamment préparé, et que les circonstances rendaient exceptionnellement délicate. Son autorité fut combattue, d'un côté par la municipalité lyonnaise qui revendiquait l'autonomie, de l'autre par les « anciens partis » qui accusaient le préfet de manquer d'énergie en présence du « comité de salut public. » Démissionnaire en février 1871, il fut remplacé par M. Valentin, ancien préfet du Bas-Rhin, et fut un des fondateurs du journal la République Française.


L'année suivante, il accepta le mandat impératif que lui offraient les électeurs républicains radicaux des Bouches-du-Rhône, et fut élu (7 janvier 1872) représentant de ce département par 47 934 voix (81 766 votants, 149 508 inscrits) ; il remplaçait Gambetta, qui avait opté pour la Seine.

M. Challemel-Lacour se fit inscrire au groupe de l'Union républicaine. C'est dans la discussion des marchés conclus par la ville de Lyon (30 janvier 1873), discussion ou son administration fut très vivement attaquée, que se révéla le talent oratoire de M. Challemel, talent calme, ferme, froid et pénétrant. « C'est un lutteur puissant, disait un biographe, qui porte à ses adversaires, dans un langage toujours littéraire et élégant, de rudes coups. » Un représentant de la droite, M. de Carayon Latour (V. ce nom) eut ce jour-là, avec M. Challemel, une vive altercation. L'interpellation que le député des Bouches-du-Rhône adressa au ministre de l'intérieur, M. de Broglie, sur l'application de la loi des maires (mars 1874), le discours qu'il prononça sur le projet de loi relatif à la « liberté de l'enseignement supérieur » en réponse à l'évêque d'Orléans (décembre 1874), enfin ses protestations (1875) contre le régime de l'état de siège, fortifièrent sa situation politique et accrurent sa réputation. M. Challemel-Lacour avait voté, dans la législature :

- le 3 février 1872, pour le retour de l'Assemblée à Paris ;
- le 24 mai 1873, contre l'acceptation de la démission de Thiers :
- le 24 juin, contre l'arrêté interdisant les enterrements civils :
- les 19-20 novembre, contre le septennat ;
- le 20 janvier 1874, contre la loi des maires ;
- le 30 janvier 1875, pour l'amendement Wallon ;
- le 11 février, pour l'amendement Pascal Duprat ;
- le 25 février, pour l'ensemble des lois constitutionnelles.

Lors des élections sénatoriales du 30 janvier 1876, il fut élu sénateur des Bouches-du-Rhône par 95 voix sur 174 votants. Il suivit dans la Chambre haute la même ligne de conduite que précédemment, adhéra à la politique opportuniste, et se fit encore remarquer à la tribune, en juillet 1876, lors de la discussion de la loi sur la collation des grades, où il eut une fois de plus l'évêque d'Orléans pour adversaire ; il s'attacha à faire le procès du « catholicisme libéral », et s'efforça de montrer que cette doctrine avait été constamment désavouée et réprouvée par la cour de Rome. Deux procès également retentissants mais d'une issue toute différente, furent soutenus à quelque temps de là par M. Challemel-Lacour : le premier, contre les frères de la doctrine chrétienne de Caluire (Rhône), qui se plaignaient aux tribunaux de l'occupation militaire de leur établissement pendant la guerre de 1870, se termina après de longs débats à Lyon, devant la Cour de cassation et devant la Cour de Dijon, par la condamnation de l'ancien préfet du Rhône à de forts dommages-intérêts ; la seconde affaire naquit d'une plainte en diffamation intentée par M. Challemel-Lacour à la France nouvelle, organe légitimiste, qui l'avait désigné comme trichant au jeu dans les cercles : Gambetta vint plaider lui même pour M. Challemel, et obtint la condamnation de l'auteur de l'article ainsi que du gérant du journal (janvier 1879).

Le même mois, M. Challemel-Lacour fut nommé ambassadeur de France auprès de la République helvétique. En cette qualité, il eut, lorsqu'il prit possession de son poste à Berne, à notifier au président de la Confédération suisse l'élévation de M. Jules Grévy à la présidence de la République française. Puis, il fut promu ambassadeur de France à Londres le 11 juin 1880. Entre temps, M. Challemel-Lacour venait à Paris prendre part aux plus importants des votes de la majorité du Sénat ; il avait, par exemple, donné son suffrage à l'article 7.

Le 21 février 1882, il quitta définitivement son poste d'ambassadeur, ayant été désigné pour prendre le portefeuille des affaires étrangères dans le cabinet Jules Ferry. Il s'associa pleinement, comme ministre, à la responsabilité de l'expédition du Tonkin, et fut amené à défendre à la tribune du Sénat, l'attitude du gouvernement à l'égard de la Chine. Sa santé l'obligea de donner sa démission le 17 novembre 1883. Il reprit sa place sur les bancs de la gauche sénatoriale, et vota, notamment (1884) pour le rétablissement du divorce.

Il fut réélu sénateur des Bouches-du-Rhône, le 6 janvier 1885, par 234 voix sur 418 votants, contre 166 obtenues par M. Bouquet, radical intransigeant. Il continua de voter avec la gauche et de soutenir les ministères opportunistes. En décembre 1888, lorsque le Sénat fut saisi du budget de 1889, présenté par M. Peytral, ministre des finances, le parti modéré chargea M. Challemel-Lacour d'exposer, à l'encontre des projets de réforme introduits par M. Peytral dans son projet, la politique financière que ce parti entendait suivre. Le discours de M. Challemel eut un succès des plus vifs auprès de la majorité du Sénat, qui songea un instant à en demander l'affichage dans toutes les communes de France. Agrandissant le débat, l'orateur avait tenté l'apologie du l'opportunisme, et en face de ce qu'il appelait une politique « d'agitation et de stérilité » il en indiquait une autre, « pour laquelle, disait-il, j'ambitionnerais le nom de politique de simplification, de stabilité, de bon sens et de calme. Elle consisterait à répudier tous les programmes fastueux et fanfarons, à s'interdire les promesses même hasardées, car elles sont souvent décevantes ; elle consisterait à réduire la tâche au gouvernement, à la simplifier, à la concentrer sur un point unique : raffermir la République en pratiquant selon son esprit la Constitution de 1875, en s'imposant la tâche de rendre à nos finances leur ressort et leur vigueur, en tenant la main à l'exacte et complète exécution des lois par tout le monde, individus ou corps publics, en s'appliquant à former une administration exercée, équitable et fidèle, enfin en réclamant, si ceux qu'elle a entre les mains à l'heure qu'il est ne suffisent plus, les moyens de gouverner... »
Dans la dernière session, M. Challemel-Lacour a voté :
- pour le rétablissement du scrutin d'arrondissement (13 février 1889),
- pour le projet de loi Lisbonne restrictif de la liberté de la presse,
- pour la procédure à suivre devant le Sénat pour juger les attentats, contre la sûreté de l'Etat (affaire du général Boulanger).

On a de lui
- une traduction de l'Histoire de la philosophie, de Ritter (1861),
- Etude sur Guillaume de Humboldt (1864) ;
- œuvres de madame d'Epinay (1869), etc.


Né le 19 mai 1827 à Avranches (Manche), mort le 26 octobre 1896, à Paris.

Représentant des Bouches-du-Rhône à l'Assemblée Nationale de 1872 à 1876.
Sénateur des Bouches-du-Rhône de 1876 à 1896.
Ministre des Affaires étrangères du 21 février au 20 novembre 1883.
Président du Sénat de 1893 à 1896

(Voir première partie de la biographie dans ROBERT ET COUGNY, Dictionnaire des Parlementaires, t. II, p. 26.)

Le 10 janvier 1889, il est élu vice-président du Sénat et conservera ce siège jusqu'au 27 mars 1893.

Le 13 mars 1890, ses collègues le désignent comme président de la Haute Cour de justice, fonctions qui lui seront renouvelées jusqu'en 1893. Il est en même temps vice-président de la Commission générale des douanes. Pendant cette période, il participe à diverses discussions : sur le projet de loi ayant pour objet de rendre aux tribunaux correctionnels la connaissance des délits d'injures, d'outrages et de diffamation commis par la voie de la presse contre le Président de la République, les Ministres, les parlementaires et les fonctionnaires publics (1890), sur la proposition de loi relative au régime douanier des maïs et des riz (1891) et sur le projet de loi ayant pour objet la constitution des Universités (1892).

Le 27 mars 1893, il devient Président du Sénat, en remplacement de Jules Ferry décédé le 17 mars, et c'est avec le prestige qui s'attache à cette fonction, qu'il se représente à ses électeurs, au renouvellement du 7 janvier 1894. Il est réélu au premier tour de scrutin, par 264 voix sur 411 votants, et retrouve aussitôt son siège de président de la Haute Assemblée. En cette qualité, il prononce une émouvante allocution, le 25 juin 1894, sur le décès du Président Carnot, assassiné la veille à Lyon. Il préside le 27 juin, à Versailles la séance du congrès qui élira Casimir-Périer à la présidence de la République, en remplacement de Carnot. Le 5 novembre, il prononce l'éloge funèbre de l'Empereur Alexandre III de Russie, qui vient de mourir, et le 13 décembre, il associe le Sénat au deuil de la Chambre qui vient de perdre son président Auguste Burdeau. Il est réélu président du Sénat le 10 janvier 1895, et le 16 janvier annonce à ses collègues la démission de Casimir-Périer. Il préside le congrès du 17 janvier, à Versailles qui élit Félix Faure à la présidence de la République.

Il ne redemande pas le renouvellement de son mandat de président en janvier 1896, en raison de son état de santé, et ne reparaît plus à son banc de Sénateur. A la séance du 27 octobre 1896, le Président Emile Loubet annonçait son décès au Sénat. Il venait de mourir la veille à Paris, âgé de 69 ans. « Le Sénat et la République viennent de faire une grande perte, déclara-t-il. La tribune voit disparaître un de ses maîtres les plus éloquents et les plus écoutés ; la France un patriote éprouvé qui, dans les moments troublés et difficiles a rendu d'éminents services ; le parti républicain un serviteur passionné dont les sages conseils pouvaient être longtemps encore utiles au pays. »

Il avait été reçu, le 25 janvier 1894, à l'Académie française où il succédait à Renan. Le discours de remerciements qu'il prononça à cette occasion produisit quelques remous, car il jugea son prédécesseur avec une sévérité inhabituelle dans cette enceinte. J. Reinach, dans l'éloge qu'il fit de lui, dit que, parce qu'il était un philosophe politique, sa véritable place eut été, loin des difficultés de la lutte quotidienne, celle d'un conseiller des Gouverneurs de l'Etat, et d'un avertisseur de la démocratie.