Charles de Rémusat
1797 - 1875
Député de 1830 à 1848, représentant en 1848 et en 1849, ministre, représentant en 1873, né à Paris le 14 mars 1797, mort à Paris le 4 juin 1875, fils du comte de Rémusat chambellan de l'empereur, et de Jeanne Gravier de Vergennes, petit-fils de La Fayette par alliance et neveu de Casimir Perier, il étudia le droit à Paris et se fit recevoir avocat en 1819, puis s'occupa de politique et de jurisprudence, et publia plusieurs ouvrages spéciaux parmi lesquels : De la procédure par jurés en matière criminelle (1820), ouvrage traduit plus tard en espagnol. De 1820 à 1830, il collabora au Lycée français, aux Tablettes universelles, à la Revue encyclopédique, au Globe, au Courrier français, et fut, en 1830, un des signataires de la protestation des journalistes de Paris contre les ordonnances de Juillet.
Après avoir pris une part active aux luttes du parti libéral sous la Restauration, M. de Rémusat fut élu, le 28 octobre 1830, en remplacement de M. Vézian de Saint-André, démissionnaire, député du grand collège de la Haute-Garonne, par 192 voix (303 votants, 385 inscrits). Il se montra, dès le début, très opposé aux revendications du parti du « mouvement », et prit place dans les rangs des conservateurs.
Il soutint la politique de Casimir Perier, fut réélu le 5 juillet 1831, dans le 4e collège de la Haute-Garonne (Muret), par 216 voix (286 votants, 439 inscrits), contre 67 à M. de Paraza, vota pour les lois répressives sur l'état de siège, sur les crieurs publics, sur les associations (1834), les défendit à la tribune.
Il obtint encore sa réélection le 21 juin 1834, avec 218 voix (365 votants, 447 inscrits), contre 86 à M. de Paraza et 60 au maréchal Clauzel, et fut nommé sous-secrétaire d'Etat au ministère de l'intérieur. Il lui fallut alors solliciter une nouvelle investiture du mandat législatif, et il l'obtint, le 15 octobre 1836, par 282 voix, (308 votants). En 1837, il se rallia à la portion la plus modérée de l'opposition parlementaire; ayant été renvoyé à la Chambre, par 304 voix (316 votants, 534 inscrits), il s'associa, comma ses amis Thiers et Duvergier de Hauranne, à la politique du « tiers parti », vota avec le centre gauche.
Il fut réélu le 2 mars 1839, par 287 voix (417 votants), et reçut, dans le cabinet du 1er mars 1840, le portefeuille de l'Intérieur. Il le garda jusqu'au 28 octobre suivant sans marquer son passage au pouvoir par aucun acte important, si ce n'est par l'interdiction du Vautrin de Balzac, et par la proposition qu'il fut chargé de faire, au nom du gouvernement, de ramener de Sainte-Hélène les cendres de Napoléon Ier. « J'ai souvent interrogé M. de Rémusat, a écrit M. Duvergier de Hauranne, sur les actes de son ministère. Il n'en regrettait aucun à l'exception peut-être du discours qu'il prononça, le 11 mai 1840, pour annoncer a la Chambre le retour en France des cendres de Napoléon. » Les préoccupations relatives à la politique extérieure absorbaient alors l'attention publique.
Tombé du pouvoir avec Thiers, en octobre suivant, M. de Rémusat le suivit dans l'opposition contre le ministère Guizot, prit fréquemment la parole, et présenta un certain nombre de motions tendant à la réforme parlementaire et électorale, dont la principale fut celle qui visait les incompatibilités parlementaires à laquelle son nom est resté attaché, et qu'il reproduisit encore en 1843. Les discours qu'il prononça à ce sujet furent empreints d'une éloquence caustique et spirituelle.
M. de Rémusat siégea à la Chambre pendant toute la durée du règne de Louis-Philippe, ayant été successivement réélu, le 9 juillet 1842, par 302 voix (307 votants, 509 inscrits), puis, le 1er août 1846, par 382 voix (389 votants, 566 inscrits) ; il continua de combattre, avec une certaine modération, la politique doctrinaire, et s'occupa en même temps de philosophie. D'abord partisan de Condillac, il adopta par la suite l'éclectisme de Cousin ; ses articles dans la Revue des Deux-Mondes et dans la Revue française le firent entrer (1846) à l'Académie des sciences morales et politiques en remplacement de Jouffroy ; il venait de publier Abailard (1845), ouvrage remarquable par une brillante exposition des principes de la philosophie scolastique. Son rapport sur la Philosophie allemande et son ouvrage intitulé : Passé et Présent (1847) lui ouvrirent les portes de l'Académie française.
Au début de la révolution de 1848, M. de Rémusat se trouva désigné avec Thiers pour faire partie d'une combinaison ministérielle destinée à enrayer le mouvement républicain ; mais il était trop tard, et la nomination ne put paraître au Moniteur. Ce fut avec un vif regret que M. de Rémusat vit tomber la monarchie de 1830.
Elu par les conservateurs, représentant de la Haute-Garonne, à l'Assemblée constituante, le 23 avril 1848, le 10e sur 12, par 43 840 voix il alla siéger à droite, devint vice-président du comité de la guerre, membre du comité de Constitution, et, tout en jouant un rôle assez effacé, vota avec le parti conservateur,
- pour le rétablissement du cautionnement,
- pour les poursuites contre Louis Blanc et Caussidière,
- contre l'abolition de la peine de mort,
- contre l'amendement Grévy,
- contre l'abolition du remplacement militaire,
- contre la suppression de l'impôt du sel,
- pour la proposition Rateau,
- pour les crédits de l'expédition romaine.
Réélu, le 13 mai 1849, représentant de la Haute-Garonne à l'Assemblée législative, le 2e sur 10, par 62 413 voix, sur 94 485 votants et 139 605 inscrits, il persista dans la même ligne de conduite, fit partie du petit groupe des « burgraves » qui dirigea la majorité dans sa croisade contre les institutions républicaines, appuya la politique gouvernementale, et vota pour la loi Falloux-Parieu sur l'enseignement, pour la loi du 31 mai sur le suffrage universel. Il ne soutint pas la politique particulière de l'Elysée, dénonça, vers la fin de la législature, les vues ambitieuses du prince-président, et fut du nombre des députés qui se rallièrent à la proposition des questeurs (1851).
Lors du coup d'Etat du 2 décembre, il se joignit aux protestataires à la mairie du 10e arrondissement, fut conduit à Mazas, et en sortit le dernier, le dimanche suivant.
Expulsé momentanément de France par décret du 9 janvier 1852, il se retira à Fribourg ; mais, à la demande de M. Fould, fut autorisé à rentrer au mois d'août 1852.
Tant que dura l'Empire, il resta étranger aux affaires publiques et s'occupa exclusivement de travaux littéraires et philosophiques. Collaborateur assidu de la Revue des Deux-Mondes, il publia aussi un important ouvrage : De l'Angleterre au XVIIIe siècle, dans lequel il compare la révolution de 1789 à celle de 1688 et se prononce pour le système de la monarchie constitutionnelle. Un nouveau livre : Politique libérale ou Fragments pour servir à la défense de la Révolution française (1860), accusa des tendances libérales plus accentuées. Outre une remarquable étude sur Canning, sa vie et ses œuvres (1857), il donna encore, vers cette époque : Bacon, sa vie, son temps, sa philosophie (1857) ; Philosophie religieuse ; de la théologie religieuse en France et en Angleterre (1864) ; John Wesley et le méthodisme (1870), etc.
Le 4 juin 1863, il échoua comme candidat indépendant au Corps législatif dans la 2e circonscription de la Haute-Garonne, avec 9 488 voix contre 17 536 à l'élu officiel, M. de Campaigno.
Dans les derniers temps de l'Empire, M. de Rémusat prit part au mouvement de revendication des institutions libérales, et fonda à Toulouse un journal, le Progrès libéral, dont l'opposition fut très accentuée
Lorsque, après la guerre de 1870, M. Thiers fut nommé chef du pouvoir exécutif, il voulut envoyer M. de Rémusat comme ambassadeur à Vienne, mais celui-ci refusa ce poste, préférant rester à Paris. Dévoué aux vues politiques du président, il accepta de lui, le 2 août 1871, bien qu'il ne fût pas député, le portefeuille des Affaires étrangères, en remplacement de Jules Favre. Sa tâche la plus laborieuse consista à traiter avec le gouvernement de Berlin au sujet des charges qu'imposaient l'occupation et l'évacuation graduelle du territoire. Il dut en outre dénoncer les traités de commerce avec la Belgique et l'Angleterre, négocier avec la Chine au sujet du massacre de Tien-Tsin, etc. Il combattit, à propos des relations de la France avec l'Italie, les idées ultramontaines sur le pouvoir temporel du pape, et, dans sa réponse à l'interpellation du Temple (13 février 1873), il exposa les vues du gouvernement sur ce sujet.
Rallié à la République conservatrice, M. de Rémusat fut désigné, en mars 1873, par les plus modérés des maires de Paris, comme candidat de la nuance centre-gauche pour l'élection qui devait avoir lieu à Paris le 27 avril : les radicaux lui opposèrent M. D. Barodet, ancien maire de Lyon. « Uni par cinquante ans d'amitié avec M. le président de la République, écrivait M. de Rémusat dans sa profession de foi du 13 avril, j'ai adopté avec conviction, j'ai soutenu avec fidélité la politique qu'il a exposée tant de fois dans ses discours et ses messages, celle qui a établi la paix au dehors, réparé les forces de l'Etat par la restauration des finances et de l'armée, fait de la République un gouvernement stable et rassurant, et avant tout rendu possible et prochaine la libération du territoire... » Le 27 avril 1873, M. de Rémusat n'obtint que 135 028 voix contre 180 045 à M. Barodet, élu.
Ce fut M. de Rémusat qui écrivit l'exposé des motifs du projet de Constitution qui fut présenté à la Chambre le 19 mai 1873. Cinq jours plus tard, le 24 mai, M. Thiers était renversé du pouvoir : M. de Rémusat se démit alors du portefeuille des Affaires étrangères et rentra dans la vie privée.
Mais, le 12 octobre suivant, une élection partielle ayant eu lieu pour l'Assemblée nationale dans la Haute-Garonne, en remplacement de M. d'Auberjon décédé, il fut élu représentant de ce département par 71 042 voix (103 215 votants, 139 726 inscrits), contre 31 396 à M. Niel, conservateur. Il combattit le gouvernement du 24 mai, fut membre et président de la commission chargée d'examiner le projet de loi tendant à proroger pour dix ans les pouvoirs du maréchal de Mac-Mahon, se prononça contre ce projet le 19 novembre, et ne cessa jusqu'à la fin de la législature de s'associer aux votes du centre gauche. Il contribua, le 16 mai 1874, à la chute du ministère de Broglie, appuya la proposition Périer demandant l'organisation républicaine des pouvoirs publics, et la proposition Malleville tendant à la dissolution, et adopta l'ensemble des lois constitutionnelles (25 février 1875).
Il mourut quatre mois après.
Outre les ouvrages déjà cités, on doit à M. de Rémusat un exposé de la doctrine de Lord Herbert de Cherbury (1874) et une étude sur Casimir Perier, son oncle, le célèbre ministre de Louis-Philippe.
Chevalier de la Légion d'honneur (27 août 1840), décoré de la croix de Juillet.
Date de mise à jour: février 2014