Léopold Javal
1804 - 1872
Député au Corps législatif de 1857 à 1870, représentant en 1871, né à Mulhouse (Haut-Rhin) le 1er décembre 1804, mort à Paris le 28 mars 1872, d'une famille d'industriels israélites établis depuis longtemps en Alsace, il fut placé au collège de Nancy, et termina ses études au collège Saint-Louis à Paris.
Son père l'intéressa dans les Messageries Laffitte et Caillard, à la fondation desquelles il avait coopéré, et l'envoya passer une année à Londres chez un clergyman. M. Léopold Javal en profita pour étudier les mœurs et les institutions anglaises, et, bravant les rigueurs de la loi anglaise qui punissait de mort tout exportateur de machines, il réussit à introduire en France, dans la manufacture de toiles peintes que son père et son oncle avaient créée en 1819 à Saint-Denis, un système de cylindres gravés qui accomplissait mécaniquement le travail de l'impression sur étoffes : le jeune contrebandier fut sur le point d'être arrêté par la police anglaise, qu'une indiscrétion avait mise sur la piste.
Après s'être préparé quelque temps à l'Ecole polytechnique, M. L. Javal résolut de se consacrer aux affaires ; mais comme la vie sédentaire convenait mal à son activité, il entreprit en Algérie un voyage commercial, au cours duquel il obtint du général Clausel l'autorisation de suivre l'armée française, en qualité de volontaire, dans les gorges de l'Atlas. Après s'être distingué à Blidah et à Médéah, le « volontaire Javal » fut proposé par le général en chef pour la croix de la Légion d'honneur qui lui fut conférée le 16 mai 1831 ; le 24 décembre 1830, il avait été nommé sous-lieutenant à la suite dans « l'escadron de la cavalerie algérienne », qui devint plus tard le noyau du corps des spahis.
Mais les instances de sa famille ramenèrent M. Léopold Javal en France ; il s'y occupa de l'établissement dans Paris des premières voitures-omnibus (les Orléanaises et les Favorites furent créées avec le concours de la maison Javal). Il fut lié, sans partager les théories en honneur à Ménilmontant, avec les principaux adeptes de la nouvelle école Saint-Simonienne, et devenu, en 1835, le directeur exclusif de la maison de banque fondée par ses père et oncle, il prit une part très importante aux grandes affaires industrielles de l'époque. L'établissement des premières lignes de chemins de fer en Alsace, la direction d'exploitations rurales considérables, la création dans l'Yonne de l'importante ferme-école de Vauluisant, ancienne abbaye de Bénédictins où eurent lieu les premiers concours agricoles, furent l'objet de ses soins. Vers la même époque, il fonda sur les bords du bassin d'Arcachon une exploitation de 2,800 hectares ensemencés de pins maritimes et couverts de prairies artificielles. Les services rendus par lui à l'agriculture lui valurent de hautes récompenses aux diverses Expositions régionales, nationales et universelles.
Membre de la Société des Economistes, de la Société Ethnographique et d'un nombre d'autres institutions, il appartenait en outre, depuis 1841, au collège des notables israélites de Paris et, depuis 1853, au consistoire central, lorsqu'il aborda la vie publique. Déjà membre du conseil général de la Gironde, il se présenta dans la 2e circonscription de l'Yonne, le 22 juin 1857, comme candidat indépendant au Corps législatif, et fut élu député, après une lutte des plus vives, par 14,089 voix (23,231 votants, 36,116 inscrits), contre 11,029 voix au candidat officiel, M. Bertrand.
Progressiste et libre-échangiste, il ne tarda pas à se faire dans l'Assemblée une importante situation comme membre du tiers-parti libéral. Il vota contre la loi de sûreté générale, prit part, le 5 mai 1858, à la discussion du projet de loi relatif aux warrants et aux ventes publiques de marchandises en gros, et, le lendemain 6, à celle du projet sur les prêts à faire par le Crédit foncier. Il intervint très fréquemment dans les débats économiques, notamment sur les tarifs de douanes, blâma en plusieurs circonstances l'intervention, trop fréquente à son gré, du gouvernement dans les intérêts industriels et commerciaux, et adressa d'assez vives critiques au Crédit foncier, qu'il regardait comme trop enclin à s'éloigner du but de son institution.
Réélu député, le 1er juin 1863, par 16,895 voix (27,062 votants, 33,254 inscrits), contre 6,558 voix à M. Charton, et 3,321 à M. Billebaud du Chaffaud, M. Javal soutint énergiquement en 1864, contre MM. Thiers, Brame et Pouyer-Quertier, les doctrines du libre-échange, et comme ce dernier avait prophétisé la ruine prochaine de l'industrie française, il répliqua : « Quant à moi, je n'accepte pas la lettre funèbre que nous adresse M. Pouyer-Quartier; je ne prétends pas assister à l'enterrement de nos industries. Il n'y a à enterrer ici que des propositions contraires au bon sens, à la justice et à la vérité. » En 1865, il vota contre le projet de loi relatif aux chèques, et, le 30 mai de la même année, contribua à faire renvoyer à la commission un article du projet de loi relatif à la mise en liberté provisoire des détenus. En 1866, il réclama pour l'agriculture le dégrèvement des droits de mutation, la diminution du contingent militaire, le ralentissement des travaux stériles d'embellissement ; en 1867, il discuta longuement le projet de loi nouveau sur les sociétés commerciales. Dans l'ordre politique, il s'était prononcé pour la responsabilité ministérielle, contre l'expédition du Mexique, etc. Lors du débat soulevé par la loi militaire en 1868, il fut l'auteur de l'amendement qui rendait obligatoire pour tous le service dans la garde nationale mobile.
Réélu député au Corps législatif, le 24 mai 1869, par 19,277 voix (31,834 votants, 36,545 inscrits), contre 9,877 voix au baron Brincard et 2,592 à M. Billebaud, il signa, le 25 novembre, avec vingt-six de ses collègues, le manifeste dit de la gauche ; puis il combattit le plébiscite, et, à la veille du 4 septembre, fut un des signataires de la proposition de déchéance.
Lié avec Thiers et Ernest Picard, il se rallia, quoique sans enthousiasme, à la proclamation de la République, resta à Paris pendant le siège, défendit, au 31 octobre 1870, la cause du gouvernement de la Défense nationale, et adhéra à la politique suivie en 1871 par le chef du pouvoir exécutif.
Les élections du 8 février l'envoyèrent à l'Assemblée nationale comme représentant de l'Yonne, le 2e sur 7, avec 44,603 voix (61,853 votants, 113,657 inscrits). Il siégea au centre gauche, parmi les conservateurs républicains, et s'associa aux premiers votes de ce groupe politique; mais sa santé s'étant gravement altérée dès les premiers mois de 1872, il succomba, le 28 mars, à la rupture d'un anévrisme. Il était, depuis le 8 octobre 1871, conseiller général du canton de Villeneuve-l'Archevêque. Il avait été, le 24 janvier 1863, promu au grade d'officier de la Légion d'honneur.
Date de mise à jour: septembre 2016