Jules Grosjean

Représentant en 1871, né à Paris le 10 décembre 1830, fut nommé, le 4 septembre 1870, préfet du département du Haut-Rhin. Il concourut à la belle défense de Belfort, et fut élu, le 8 février 1871, par son département, représentant à l'Assemblée nationale, le 3e sur 11, avec 55 371 voix (64 128 votants, 123 622 inscrits).

Il se rendit à Bordeaux, protesta avec ses amis et collègues des départements de l'Est contre les préliminaires de paix, et, dans la séance du 1er mars 1871, après que l'Assemblée à la majorité de 546 voix contre 107 eut déclaré ratifier ces préliminaires et « autoriser le chef du pouvoir exécutif et le ministre des Affaires étrangères à échanger les ratifications », demanda la parole « pour un fait personnel » et s'exprima ainsi :

« Messieurs, je suis chargé par tous mes collègues des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, présents à Bordeaux, de déposer sur le bureau, après en avoir donné lecture, la déclaration suivante :

« Les représentants de l'Alsace et de la Lorraine ont déposé, avant toute négociation de paix sur le bureau de l'Assemblée nationale, une déclaration affirmant de la manière la plus formelle, au nom de ces provinces, leur volonté et leur droit de rester françaises. Livrés, au mépris de toute justice et par un odieux abus de la force, à la domination de l'étranger, nous avons un dernier devoir à remplir. Nous déclarons encore une fois nul et non avenu un pacte qui dispose de nous sans notre consentement. (Très bien ! Très bien !) La revendication de nos droits reste à jamais ouverte à tous et à chacun dans la forme et dans la mesure que notre conscience nous dictera.

« Au moment de quitter cette enceinte où notre dignité ne nous permet plus de siéger, et malgré l'amertume de notre douleur, la pensée suprême que nous trouvons au fond de nos cœurs est une pensée de reconnaissance pour ceux qui pendant six mois n'ont pas cessé de nous défendre, et d'inaltérable attachement à la patrie dont nous sommes violemment arrachés. (Marques d'émotion et applaudissements.) Nous vous suivrons de nos vœux et nous attendrons, avec une confiance entière dans l'avenir, que la France régénérée reprenne le cours de sa grande destinée. Vos frères d'Alsace et de Lorraine, séparés en ce moment de la famille commune, conserveront à la France absente de leurs foyers une affection filiale, jusqu'au jour où elle viendra y reprendre sa place. (Nouveaux applaudissements.)

« Bordeaux, le 1er mars 1871.

« Signé : L. Chauffour, E. Teutsch, P. André, Ostermann, Schneegans, E. Keller, Kablé, Melsheim, Boell, Titot, Albrecht, Alfred Kœchlin, V. Rehm, A. Scheurer-Kestner, A. Saglio, Humbert, Kuss, Rencker, Deschange, Bœrsch, A. Tachard, Th. Noblot, Dornès, Ed. Bamberger, Bardon, Léon Gambetta, Frédéric Hartmann, Jules Grosjean. »