Thomas, Alexandre, Marie de Saint-Georges dit Marie

1797 - 1870

Informations générales
  • Né le 15 février 1797 à Auxerre (Yonne - France)
  • Décédé le 28 avril 1870 à Paris (Seine - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Présidence(s)

Présidence de l'Assemblée nationale
du 29 juin 1848 au 19 juillet 1848

Mandat(s)

Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
VIe législature
Mandat
Du 9 juillet 1842 au 6 juillet 1846
Département
Seine
Groupe
Gauche dynastique
Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
VIIe législature
Mandat
Du 1er août 1846 au 24 février 1848
Département
Seine
Groupe
Gauche dynastique
Régime politique
Deuxième République
Législature
Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 23 avril 1848 au 26 mai 1849
Département
Seine
Groupe
Républicain modéré
Régime politique
Second Empire - Corps législatif
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 31 mai 1863 au 27 avril 1869
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Opposition

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Député de 1842 à 1848, membre du gouvernement provisoire, ministre, membre de la Commission exécutive, représentant en 1848, député de 1863 à 1869, né à Auxerre (Yonne) le 15 février 1795, mort à Paris le 28 avril 1870, fit de bonnes études au collège de sa ville natale, et vint étudier le droit à Paris.

Inscrit au barreau en 1819, il se distingua de bonne heure comme avocat et prit part aux luttes du parti libéral sous la Restauration. Plusieurs causes criminelles avaient mis en évidence le jeune stagiaire qui songea un instant à la carrière de l'enseignement du droit; mais ses opinions républicaines le firent échouer, dit-on, au concours pour une chaire de la faculté. Il se consacra tout entier à sa profession et réussit surtout dans les procès politiques. Défenseur des accusés de juin 1832, il plaida, l'année suivante, pour M. Cabet, député, poursuivi à cause de son livre sur la Révolution de 1830, et mérita par son talent les encouragements de Dupont (de l'Eure). Il assista aussi le complice de Fieschi, Pépin.

Le 9 juillet 1842, M. Marie, dont les opinions étaient celles de la gauche dynastique, se présenta avec succès dans le 5e arrondissement de Paris, où il fut élu député par 719 voix (1 138 votants, 1 357 inscrits), contre 349 à M. Adolphe Blanqui et 85 à M. Griolet. Il siégea dans les rangs de l'opposition, mais combattit par ses votes plus que par ses discours la politique ministérielle. « M. Marie, lit-on dans la Biographie des députés de 1842 à 1846, par deux journalistes, n'a pas trouvé l'occasion de développer à la tribune le beau talent dont il a donné tant de preuves ; mais il est homme à prendre un jour une revanche éclatante. »

Réélu, le 1er août 1846, par 547 voix (914 votants, 1 111 inscrits), contre 354 à M. Ad. Blanqui, il continua de s'associer aux opinions de la gauche, combattit les doctrinaires, déclara illégale, dans la séance du 24 février 1848, la régence proposée, et mit en avant la nomination d'un gouvernement provisoire, dont il devait faire lui-même partie, comme membre de la majorité modérée.

Dans la répartition des portefeuilles, M. Marie reçut celui des Travaux publics. Un de ses principaux actes fut d'organiser les ateliers nationaux, création faussement attribuée à Louis Blanc, et qui fut imaginée, au contraire, par les adversaires de ses théories pour faire avorter les manifestations socialistes.

Elu, le 23 avril 1848, représentant de la Seine à l'Assemblée constituante, le 6e sur 34, par 225,776 voix (267 888 votants, 399 191 inscrits), en même temps que de l'Yonne, le 1er sur 9, par 85 947 voix, M. Marie prit place dans les rangs de la majorité, où dominait le parti dit du National. Il eut pour successeur aux Travaux publics M. Trélat, fut nommé membre de la Commission exécutive par 702 suffrages, et tomba avec elle lors de l'insurrection de juin. Dans cet intervalle, il soutint (7 juin 1848) la loi sur les attroupements, qui fut adoptée par 478 voix contre 82, et déclara, à ce sujet, que « la République voulait toutes les libertés, mais, avant toutes les libertés, l'ordre public. » Il eut une grande part aux actes comme aux délibérations qui précédèrent immédiatement l'insurrection. Quand la dissolution des ateliers nationaux eut été décidée, ce fut lui qui reçut, à la Commission exécutive, les délégués ouvriers dont Pujol était l'orateur. Daniel Stern (Mme d'Agoult) a raconté en ces termes leur entrevue :
« Pujol, introduit devant M. Marie, l'aborde d'un ton hautain.
« Citoyen, dit-il, avant la révolution de février...
- Pardon, interrompt M. Marie, mais il me semble que vous remontez un peu haut ; souvenez-vous que je n'ai pas de temps à perdre.
- Votre temps n'est pas à vous, citoyen, il est au peuple, dont vous êtes le représentant...
- Citoyen Pujol, dit M. Marie, avec un geste de menace, nous vous connaissons depuis longtemps ; nous avons l'œil sur vous. Ce n'est pas la première fois que nous nous rencontrons ; vous avez parlementé avec moi, le 15 mai, après avoir, un des premiers, franchi la grille de Assemblée.
- Soit ! dit Pujol, mais sachez que du jour où je me suis voué à la défense des libertés du peuple, j'ai pris, vis-à-vis de moi-même, l'engagement de ne reculer devant aucune menace, vous me menacez donc inutilement. »
M. Marie, se tournant alors vers l'un des délégués qui accompagnaient Pujol :
« Je ne puis, dit-il, reconnaître un organe du peuple dans un homme qui a fait partie de l'insurrection du 15 mai ; parlez, vous, exposez vos griefs, je vous écoute.
- Nul ici ne parlera avant moi, dit Pujol, eu étendant le bras entre M. Marie et les délégués.
- Non, non! s'écrient-ils.
- Êtes-vous donc les esclaves de cet homme ? » reprend M. Marie avec indignation.
Un murmure prolongé accueille ce mot.
« Vous insultez les délégués du peuple, » s'écrie Pujol.
- Savez-vous, lui dit M. Marie en le prenant par le bras, que vous parlez à un membre du pouvoir exécutif ?
- Je le sais, dit Pujol en dégageant son bras, mais je sais aussi que vous me devez le respect, car si vous êtes membre du pouvoir exécutif, je suis, moi, délégué du peuple. »
En ce moment plusieurs officiers qui étaient dans la salle voisine, entendant ce bruit de voix, entrèrent et entourèrent les délégués en silence.
« Puisque vous ne voulez pas nous entendre, dit Pujol à M. Marie en les voyant entrer, nous nous retirons.
- Puisque vous voilà, parlez, dit M. Marie.
- Citoyen représentant, reprit Pujol avec beaucoup d'assurance, avant la révolution de février, le peuple des travailleurs subissait la funeste influence du capital. Pour se soustraire à l'exploitation de ses maîtres, il fit des barricades, et ne déposa les armes qu'après avoir proclamé la République démocratique et sociale, qui devait pour toujours l'arracher à la servitude. Aujourd'hui, les travailleurs s'aperçoivent qu'ils ont été indignement trompés ; c'est vous dire qu'ils sont prêts à faire tous les sacrifices, même celui de leur vie, pour le maintien de leurs libertés.
- Je vous comprends, dit M. Marie, eh bien, écoutez : si les ouvriers ne veulent pas partir pour la province, nous les y contraindrons par la force, par la force, entendez-vous ?
- Par la force, c'est bien, nous savons maintenant ce que nous voulions savoir.
- Et que vouliez-vous savoir ?
- Que la Commission exécutive n'a jamais voulu sincèrement l'organisation du travail. Adieu, citoyen. »

Le lendemain Paris se couvrait de barricades. Aussitôt après la victoire, l'Assemblée choisit M. Marie pour son président, en remplacement de M. Senart, appelé par le général Cavaignac au ministère de l'Intérieur. Bientôt après, M. Marie était appelé lui-même par le dictateur au ministère de la Justice (15 juillet), qu'il occupa jusqu'à l'élection présidentielle.

À la Constituante, il appuya les diverses demandes de poursuites contre Louis Blanc et Caussidière, et déclarant renoncer, suivant son expression (séance du 11 août), « à des idées plus chevaleresques que réelles », il se prononça :
- contre l'abolition de la peine de mort,
- contre l'amendement Grévy,
- contre le droit au travail, etc.

Il vota ensuite, tantôt avec la droite, tantôt avec la gauche,

- pour l'ordre du jour en l'honneur de Cavaignac,
- contre la proposition Rateau,
- contre l'interdiction des clubs,
- contre la mise en accusation du président et de ses ministres,
- contre l'abolition de l'impôt des boissons.

Au début, il se montra favorable à l'expédition romaine ; mais il désapprouva le siège de Rome. Dans les derniers mois de la session, il fit à la politique de Louis-Napoléon Bonaparte une opposition modérée.

Non réélu à la Législative, M. Marie reprit sa place au barreau de Paris : il fut plusieurs fois nommé membre du conseil de l'ordre, dont il avait été bâtonnier pendant les années 1841 et 1842.

Désigné, aux élections du 1er juin 1863, comme candidat de l'opposition au Corps législatif, dans la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône, il fut élu député par 6 570 voix (12 986 votants, 22 752 inscrits), contre 6 282 à M. Canaple, succès dû à la coalition des républicains modérés et des légitimistes.

De 1863 à 1869, M. Marie fit partie de la gauche de l'Assemblée ; mais l'état de sa santé ne lui permit que de prendre très rarement part aux discussions.

Aux élections du 24 mai 1869, il ne put obtenir le renouvellement de son mandat, et ne réunit, au premier tour de scrutin, que 4 526 voix sur 21 642 votants ; il se retira avant le ballottage et fut remplacé par un républicain radical, M. Esquiros.

D'une santé fortement ébranlée, Marie, qui brilla peu dans les assemblées parlementaires, plaida, pour ainsi dire, jusqu'au dernier jour, notamment pour l'éditeur des Mémoires du maréchal Marmont accusé de diffamation contre le prince Eugène. « A voir sa haute taille, a dit de lui M. Rousse, son geste énergique, cette tête antique, fine et dégagée, ces traits austères ; à entendre cette voix émue, fatiguée, solennelle, il semblait que ce fût un vieux Romain des beaux temps de Rome. Ce républicain était l'ami le plus fidèle de Berryer. Pendant quarante ans, ils ont vécu l'un près de l'autre, dans la même maison, et la simplicité de cette illustre demeure faisait honte au luxe moderne qu'affichaient tant de petites gens. »

M. Marie collabora à la Revue municipale, à l'Encyclopédie du droit, et à plusieurs journaux judiciaires.