François, Louis Bravay
1817 - 1874
- Informations générales
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- Né le 25 novembre 1817 à Pont-saint-esprit (Gard - France)
- Décédé le 7 décembre 1874 à Paris (Seine - France)
1817 - 1874
Député au Corps législatif de 1863 à 1869, né à Pont-Saint-Esprit (Gard), le 25 novembre 1817, mort à Paris, le 6 décembre 1874, il vint habiter la capitale en 1842, à la suite de revers de fortune éprouvés par sa famille: il fut d'abord employé dans le commerce des vins, puis il courut les aventures en Egypte, et se fixa à Alexandrie où une maison de commission, fondée par lui, ne tarda pas à prospérer.
En 1848, il défendit le consulat de France contre une émeute, représenta plusieurs fois les intérêts de la colonie française et devint le protégé et le confident de Saïd Pacha. Après avoir amassé une fortune de plusieurs millions, il revint en France, se fit nommer conseiller général du Gard pour le canton de Pont-Saint-Esprit, et, le 1er juin 1863, fut, pour la Première fois, élu député au Corps législatif, dans la 3e circonscription du Gard, par 13,116 voix (22,402 votants, 32,338 Inscrits), contre 8,840 à M. Chabanon, député sortant. M. Bravay s'était alors présenté comme candidat indépendant.
Son élection fut annulée comme entachée de faits de corruption. Il se représenta au nouveau scrutin qui eut lieu le 17 janvier 1864, et obtint encore la majorité (17,130 voix), contre MM. Boyer (4,811) et Brun (2,375). Les opérations électorales de la 2e circonscription du Gard donnèrent lieu alors à un débat assez vif dans la séance du Corps législatif du 19 février 1864. Au nom du 4e bureau, M. Chevandier de Valdrôme, rapporteur, exposa que des faits d'une gravité exceptionnelle avaient été relevés : une introduction frauduleuse de bulletins avait eu lieu à Nîmes; on signalait dans plusieurs communes mainte irrégularité dans la supputation des émargements et dans l'admission au vote; à Salazac, l'urne avait été enlevée et détruite dans la nuit du 17 au 18 janvier. De plus, on rappelait qu'une fête avait été donnée dans le pays, le 26 mai 1863, au nom d'une société qui n'était pas encore constituée, pour inaugurer l'exécution immédiate de travaux qu'une approbation régulière n'avait pas encore autorisés ; la fête du Pont du Gard avait déjà motivé l'annulation de la première élection; elle servit encore une fois d'argument au rapporteur qui conclut à une nouvelle invalidation. M. Geoffroy de Villeneuve, puis M. Nogent Saint Laurens, tentèrent en vain de venir au secours de M. Bravay; le rapporteur insista, et M. Eugène Pelletan vint dévoiler, à son tour, plus d'un piquant incident de l'élection du Gard: « Pour moi, dit-il, j'approuve le rapport de notre honorable collègue, M. Chevandier; mais qu'il me permette de le lui dire, il y a un absent que je veux restituer à la discussion, car par sa présence il pourra éclairer le débat. Cet absent, c'est le préfet du Gard. La deuxième élection est solidaire de la première; vous ne pouvez bien la juger qu'en vous reportant au scrutin du 1er juin dernier. Que s'est-il passé alors? Le gouvernement avait maintenu la candidature officielle de l'honorable M. Chabanon, votre ancien collègue. Mais M. le préfet du Gard couvait au fond du coeur une autre candidature, c'était la candidature de M. Bravay, et, dans l'intérêt de son protégé, il avait modifié la circonscription électorale d'Uzès; il en avait détaché la partie la plus intéressée à la création du canal des eaux du Midi. Et ainsi le département du Gard donnait ce singulier spectacle d'un candidat agréé par le gouvernement et d'un candidat agréable au préfet. Cette candidature à deux têtes, l'une officielle, l'autre officieuse, l'une patente, l'autre occulte, ressemblait en quelque sorte à ce qu'on appelait autrefois une reine de la main droite et une reine de la main gauche; toute l'étiquette était pour la reine en titre, mais toute la réalité était pour Mme de Pompadour (Rires et interruptions diverses).
« ... Or, pendant que l'infortuné M. Chabanon (Hilarité) promenait mélancoliquement sa candidature officielle honoraire de commune en commune, et ne trouvait partout sur son passage que des maires distraits et des gardes champêtres indifférents... (Nouvelle hilarité), M. Bravay trouvait partout, au contraire, l'accueil empressé et le sourire complaisant de toute la hiérarchie champêtre. On voyait dans sa candidature la figure vivante du canal (On rit).
« Mais voici qu'au milieu de la campagne électorale, un ingénieur indiscret. vient déclarer que la Compagnie des eaux du Midi n'est pas sérieuse, que le capital n'est pas réalisé et que, le projet n'est pas réalisable. C'était le coup de mort Porté à la candidature de M. Bravay... Alors que fit-on? On voulut répondre à une critique par une manifestation, et on alla en grande pompe au Pont du Gard inaugurer solennellement un canal qui n'était pas autorisé, au nom d'une Compagnie qui n'était pas formée, sur un terrain qui n'était pas acheté...»
Enfin M. Bravay eut la parole. Il entreprit avec une émotion très vive sa défense personnelle, parla des « envieux », des « ennemis », que lui avait faits sa fortune, - un succès, dit-il, ne s'obtient pas impunément,- et il termina par ces paroles : - Comment me suis-je présenté? Comme un. homme du gouvernement... En 1846, j'ai vu, en Egypte, le drapeau français traîné dans la boue. et personne n'a demandé satisfaction. En 1848, j'ai entendu de loin les cris de joie de la République, et j'ai vu que les populations du Levant en avaient peur. Est venue la présidence, et aussitôt j'ai vu les figures souriantes et heureuses. Enfin est arrivé l'Empire et quand j'ai vu le drapeau de la France élevé si haut, j'ai été fier d'être Français. »
A la majorité de 108 voix contre 80, l'élection de M. Bravay fut annulée. Pour la troisième fois (29 mai 1864), cependant, il réussit à remporter, par 14,766 voix sur 21,217 votants et 33,038 inscrits, et fut élu contre M. Chabanon, qui ne réunit que 6,370 suffrages. M. Bravay fut définitivement admis à la session de 1865. Il vota avec la majorité dynastique. La même année, il avait acheté, au prix de 200 francs, le journal quotidien la Nation. Dans le courant de 1869, ses intérêts personnels le rappelèrent en Egypte; il donna alors sa démission de député.
M. Bravay était mort depuis 4 ans, lorsque M. Alphonse Daudet publia son roman le Nabab (1878), qui souleva dans la presse parisienne, au sujet des personnages mis en scène, les polémiques les plus vives. Le héros du roman, Janssoulet, n'était autre, assurait-on, que l'ancien député du Gard, et c'est ce que l'auteur a, du reste, implicitement reconnu dans la Déclaration qu'il joignit aux nouvelles éditions de son livre. Il a voulu, dit-il, remettre en lumière « un singulier épisode du Paris cosmopolite d'il y a quinze ans. » Il ajoute : « J'ai connu le vrai Nabab en 1864. J'occupais alors une position semi-officielle qui m'obligeait à mettre une grande réserve dans mes visites à ce fastueux et accueillant Levantin. Plus tard je fus lié avec un de ses frères, mais à ce moment-là le pauvre Nabab se débattait au loin dans des buissons d'épines cruelles et on ne le voyait plus à Paris que rarement... Pour se rendre compte du travail cristallisant qui transporte du réel à la fiction, de la vie au roman, les circonstances les plus simples, il suffirait d'ouvrir le Moniteur officiel de février 1864, et de comparer certaine séance du Corps législatif au tableau que j'en donne dans mon livre. »