Maurice Bokanowski
1879 - 1928
Les carnets de guerre de Maurice Bokanowski, couvrant le premier conflit mondial, sont conservés aux Archives de l’Assemblée nationale, sous la cote 23 FP. Ils ont été donnés par la famille en octobre 2012. Ces documents, qui retracent le quotidien d’un député soldat pendant la Grande Guerre, sont librement communicables.
Né le 31 août 1879 au Havre (Seine-Maritime), mort le 2 septembre 1928 près de Toul (Meurthe-et-Moselle).
Député de la Seine de 1914 à 1928
Ministre de la Marine du 29 mars 1924 au 9 juin 1924.
Ministre du Commerce et de l'Industrie du 23 juillet 1926 au 2 septembre 1928.
Sixième enfant d'une famille qui en comptait sept, après avoir perdu de bonne heure son père, petit commerçant en nouveautés à Toulon, Maurice Bokanowski à sa sortie du lycée, fait de brillantes études à l'Ecole de commerce de Marseille, puis vient à Paris pour faire son droit en même temps qu'il suit les cours de chinois à l'Ecole nationale des Langues orientales vivantes.
Avocat à la Cour d'appel de Paris, il se marie en 1908, et se présente aux élections législatives des 24 avril et 8 mai 1910, comme radical-socialiste dans la troisième circonscription de Saint-Denis, contre le député sortant M. Meslier, socialiste. Il est battu, mais prend sa revanche à celles des 26 avril et 10 mai 1914, après avoir fait campagne pour le service militaire de trois ans, en triomphant au second tour de scrutin du candidat socialiste M. Bachelet par 10.644 voix, contre 8.349 à ce dernier, dans la quatrième circonscription de Saint-Denis.
Dès son arrivée à la Chambre des députés il s'inscrit au groupe radical-socialiste et est nommé à la Commission du commerce et de l'industrie et à celle d'assurance et de prévoyance sociales. Mais la guerre est déclarée.
Bien que dégagé, en qualité de député, de ses obligations militaires il se trouve sur le front d'Argonne en octobre 1914, comme sous-lieutenant d'infanterie. Affecté à l'Etat-major de la 42e division, il est cité comme un « modèle du devoir compris dans son sens le plus haut ». En 1916, il est nommé à l'Etat-major de l'armée d'Orient sous les ordres du général Sarrail et décoré de la Légion d'honneur. Après le torpillage du Provence sur lequel il rejoignait son poste, il est cité à l'ordre de l'armée et de la marine. En 1917 il est à l'Etat-major du corps d'armée du Général Hirschauer lorsque se déroule l'offensive de Champagne à laquelle il participe. Il revient alors à la Chambre. Nommé à la Commission de l'armée et à celle du budget, il déploie une activité considérable, s'intéressant non seulement aux questions économiques (il rapporte en particulier des projets de loi sur les chèques et les brevets d'invention) mais aux questions de défense nationale. C'est ainsi qu'au terme d'un débat relatif à l'affaire Bolo-Pacha et à celle du « Bonnet rouge », la Chambre des députés adoptera son ordre du jour qui faisait confiance au Gouvernement Painlevé « pour livrer aux rigueurs de la justice tout criminel de guerre coupable d'intelligence avec l'ennemi ou de propagande pouvant affaiblir la résistance de la Nation ». Il demande aussi à interpeller « sur l'action que le Gouvernement entend mener pour déjouer les manœuvres diplomatiques de l'Allemagne » ainsi que « sur l'utilisation de l'arme économique dans la lutte contre l'Allemagne ».
Le 16 novembre 1919, il est réélu dans la Seine, sur la liste d'Union républicaine et sociale de la banlieue, qui est élue tout entière. Il obtient personnellement 148 918 voix sur 285 719 votants.
Il s'inscrit au groupe de l'Union républicaine et sociale. Nommé aux Commissions des finances et du commerce et de l'industrie, il ne tarde pas à se distinguer dans les fonctions de rapporteur général adjoint, puis de rapporteur général. Avec la suppression du budget extraordinaire et du budget des dépenses recouvrables, il fait triompher les principes d'une claire gestion budgétaire et d'un équilibre réel qui ne repose pas sur le vain espoir des réparations allemandes. S'il se déclare favorable à un large appel aux impôts indirects, il veut aussi améliorer l'assiette des impôts directs et doter l'administration de moyens de contrôle plus efficaces.
Le 29 mars 1924, Raymond Poincaré lui confie le portefeuille de la Marine qu'il détient jusqu'à ce que, le 1er juin, au lendemain des élections, le Cabinet soit contraint de démissionner.
Réélu comme républicain radical sur la liste du Cartel d'Union républicaine et sociale de la banlieue, aux élections générales du 11 mai 1924 par 101 600 voix sur 342 584 votants, Maurice Bokanowski s'inscrit au groupe de la gauche républicaine démocratique et reprend sa place dans les Commissions des finances et du commerce et de l'industrie. À plusieurs reprises il demande à interpeller le Gouvernement sur sa politique financière. Il se montre préoccupé à la fois de l'équilibre du budget et de l'amélioration de la condition sociale en particulier celle de la femme et de la famille. En 1925, lorsque le franc est menacé, tant par la crise de confiance intérieure que par des manœuvres extérieures, il entreprend dans tout le pays, avec l'appui de personnalités et des chambres de commerce une campagne de conférences où il prône la confiance dans le franc.
La crise se dénoue en 1926, avec le retour au pouvoir de Raymond Poincaré, qui confie à Maurice Bokanowski, avec le portefeuille du commerce et de l'industrie, la responsabilité des Postes et Télégraphes et de l'Aviation.
À la tête de ce ministère, Maurice Bokanowski s'attache à promouvoir une politique d'échanges équilibrés fondée sur une surveillance des prix et l'aide aux producteurs ; il prépare le tarif douanier qui doit se substituer au système des accords précaires et des tarifs provisoires et conclut avec l'Allemagne le premier traité de commerce d'après-guerre; il élabore le statut de la radiodiffusion et aborde la réorganisation générale de l'aéronautique française, alors en crise.
Réélu, comme républicain de gauche, au premier tour des élections générales du 22 avril 1928 (retour au scrutin d'arrondissement) dans la 5e circonscription de Saint-Denis, par 8.769 voix contre 4.387 à M. Houel, il va pouvoir poursuivre l'œuvre entreprise. Mais il est tué accidentellement, le 2 septembre 1928 dans l'avion qui devait le mener de Toul à un meeting d'aviation à Clermont-Ferrand. Il est cité à l'ordre de la nation par M. Laurent Eynac, Ministre de l'Air et inhumé aux frais de la nation, les Chambres, en vacances, n'ayant pu voter des obsèques nationales.
Son éloge funèbre fut prononcé à la rentrée du Parlement, le 6 novembre 1928, par le président de la Chambre Fernand Bouisson. Rendant hommage au défunt et à ses compagnons tombés avec lui sur le champ d'aviation, il retraça la brillante carrière du disparu. « À la veille même de sa mort, au Conseil de Cabinet qui se tient le 1er septembre à Sampigny, il développe devant ses collègues un plan (de réorganisation générale de l'aéronautique) dont les grandes lignes sont approuvées par tous. L'œuvre est conçue. Le destin de Bokanowski n'a pas permis qu'il la menât lui-même à son terme. C'est pour elle, du moins, qu'il disparaît. Et ce serait là un réconfort s'il s'en pouvait trouver dans cette tragédie, pour tous ceux vers lesquels notre pensée se reporte aujourd'hui ». Son fils, M. Michel Maurice-Bokanowski (1912-2005), a été député de la Seine de 1951 à 1963, puis sénateur des Hauts-de-Seine de 1968 à 1995, maire d'Asnières-sur-Seine de 1959 à 1994 et ministre dans les Cabinets Michel Debré et Georges Pompidou.