Alexandre Bolo
1918 - 1980
BOLO (Alexandre, Joseph)
Né le 22 mars 1918 à Nantes (Loire-Inférieure)
Décédé le 17 juillet 1980 à Paris
Député de la Loire-Atlantique de 1969 à 1980
Alexandre Bolo est issu par sa mère d’une lignée de commerçants nantais. Son père, Ferréol Bolo, originaire du Finistère, s’installe pour sa part dans l’ancienne capitale bretonne à la fin du XIXème siècle. Il y exerce ensuite comme expert comptable, préside un temps la Société des experts comptables français et siège au Conseil municipal de Nantes de 1929 à 1940. Né quelques mois avant la fin de la première guerre mondiale, Alexandre Bolo grandit au sein d’une famille de douze enfants. Il étudie au collège Saint-Stanislas, obtient la première partie de son baccalauréat, puis entre à l’Ecole supérieure de commerce de Nantes dont il sort diplômé. En 1935-1936, il participe aux activités des Volontaires nationaux en Loire-Inférieure : ce mouvement de jeunesse attaché aux Croix-de-Feu du colonel de La Rocque incarne pour certains un espoir de rupture avec le régime parlementaire. En 1937-1938, puis à nouveau en 1938-1939, Alexandre effectue une préparation militaire spéciale. Mobilisé le 16 septembre 1939, il est affecté au groupement spécial d’infanterie de la Deuxième Compagnie, puis est démobilisé après l’armistice signé à Rethondes à l’été 1940. Alexandre Bolo travaille comme fondé de pouvoirs chez un courtier en assurances maritimes depuis vingt mois lorsque lui parvient l’ordre de mobilisation au titre du Service du travail obligatoire (STO), le 31 décembre 1942. Dès le 21 janvier 1943, le jeune Nantais est rapatrié pour raison de santé. Du 22 mars 1943 au 1er juillet 1946, il travaille à l’Office interprofessionnel de la distribution à Nantes, qui a en charge la répartition des produits dans un contexte de pénurie.
A la Libération, dans une ville où les bombardements ont fait plus de 1500 morts et de 3000 blessés, les fonctions d’Alexandre Bolo l’amènent à côtoyer la détresse de nombre de ses concitoyens. Cette expérience le marque durablement. Directeur de la branche « matériaux » d’une grande entreprise nantaise de 1946 à 1949, il devient représentant en bâtiment et travaux publics à cette date. Un autre versant de ses activités a pour cadre le syndicalisme chrétien : catholique fervent, il s’implique au sein de la CFTC mais aussi de l’Association des parents d’élèves de l’enseignement libre dans la Loire-inférieure.
Nantes s’était donnée une majorité RPF aux élections municipales d’octobre 1947 : onze ans plus tard, beaucoup des habitants de la ville considèrent avec faveur le retour du général de Gaulle au pouvoir. Alexandre Bolo figure à ce nombre, qui accepte la proposition de devenir le suppléant d’Henri Rey, député UNR sortant, à l’automne 1962, dans la première circonscription de Loire-Atlantique. Le tandem Rey-Bolo recueille alors 60,3% des suffrages exprimés au second tour de scrutin. Henri Rey s’impose comme une personnalité importante du gaullisme dans les années 1960. Président du groupe UNR-UDT puis UD-Vème République à l’Assemblée nationale de 1964 à 1968, il sait faire jouer, de l’avis de plusieurs députés dont Pierre Bas, une autorité toute paternelle pour s’assurer de la discipline de ses troupes. En mars 1967, il conserve Alexandre Bolo comme suppléant et est réélu député par 52,7% des électeurs, dans un contexte de poussée de la gauche au second tour de scrutin. Lorsque le général de Gaulle annonce la dissolution de l’Assemblée nationale le 30 mai 1968, un nouveau gouvernement est formé autour de Georges Pompidou, jusqu’aux élections des 23 et 30 juin 1968. Gaulliste de la fidélité, Henri Rey est de ces hommes sûrs sur lesquels le pouvoir s’appuie dans ce contexte apaisé après les troubles de Mai : il est nommé ministre d’Etat et reçoit le portefeuille du tourisme. Candidat dans la première circonscription de la Loire-Atlantique avec Alexandre Bolo pour suppléant, il est réélu le 30 juin 1968 grâce au soutien de 58,04% des suffrages exprimés. La pléthore d’élus gaullistes –on put parler de « Chambre introuvable »- nécessite un homme d’expérience à la tête du groupe, raison pour laquelle Henri Rey retrouve la présidence du groupe UDR à l’été 1968, plutôt que d’entrer au gouvernement de Maurice Couve de Murville. Après la démission de De Gaulle et l’élection de Georges Pompidou, Henri Rey est en revanche nommé ministre des DOM-TOM dans le gouvernement Chaban-Delmas. Son suppléant Alexandre Bolo entre alors à l’Assemblée nationale et y demeure après qu’Henri Rey est nommé au Conseil constitutionnel par le président de l’Assemblée nationale Achille Peretti en 1971.
Le nouveau député de la Loire Atlantique s’inscrit au groupe de l’Union des démocrates pour la République et siège dès octobre 1969 à la Commission de la défense nationale et des forces armées. Très présent au Palais-Bourbon, il se familiarise avec les usages parlementaires mais restreint d’abord ses interventions dans l’hémicycle. Il y prend la parole à cinq reprises sous la quatrième législature, notamment au moment de l’examen d’un projet de loi modifiant la loi Debré sur l’enseignement privé (avril 1971) ou lors de l’examen du budget de l’équipement et du logement pour 1972 (octobre 1971). Ses votes se conforment aux orientations du groupe UDR de l’Assemblée nationale. Il souscrit aux dispositions de la loi « anti-casseurs » (4 juin 1970), approuve la déclaration de politique générale du gouvernement Chaban-Delmas (15 octobre 1970) ou la création des régions (27 avril 1972). Il accorde sa confiance au Premier ministre Pierre Messmer le 24 mai 1973.
La liste sur laquelle figurait Alexandre Bolo a échoué face au maire de Nantes et ancien « mousquetaire de l’Algérie française » André Morice aux municipales de 1971. L’ancien suppléant d’Henri Rey reçoit néanmoins l’investiture de l’Union des républicains de progrès, structure qui rassemble les différentes parties de la majorité, pour les législatives de mars 1973. Sa profession de foi pour le premier tour de scrutin ne compte que 151 mots, ce qui en fait sans doute une des plus brèves du pays à cette date. Alexandre Bolo et son suppléant André Pastel y appellent les électeurs à refuser « la coalition socialo-communiste, premier pas vers la démocratie populaire » et à rejeter dans le même mouvement « le régime des partis paralysant l’Etat ». Leur premier défi est de s’imposer parmi les candidats modérés ou de droite : Loïc Le Masne se revendique des Républicains indépendants, Jean-Claude Bonduelle des Réformateurs et Hervé Beledin du CNIP. Au premier tour de scrutin, Alexandre Bolo rassemble 14578 voix, soit 22,2% des suffrages exprimés, derrière le socialiste André Routier-Preuvost. Le candidat gaulliste l’emporte cependant dans deux (Nantes-I et Nantes-III) des trois cantons qui forment alors la première circonscription de Loire-Atlantique. Le maintien au second tour du candidat réformateur conduit Alexandre Bolo à une victoire étroite : le 12 mars 1973, 44,5% des électeurs lui accordent leur confiance.
Il s’inscrit au groupe de l’UDR à l’Assemblée nationale et rejoint la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, plus proche de ses centres d’intérêt que celle de la Défense nationale. Son expérience et l’élection de 1973, emportée sur son nom, donnent confiance à Alexandre Bolo sous la cinquième législature, où il apparaît comme un parlementaire très actif. Il dépose deux propositions de lois, dont une vise à faciliter l’accès des citoyens aux documents administratifs (juin 1976) et prend la parole à trente sept reprises dans l’hémicycle entre 1973 et 1978. Ce gaulliste, qui avait accepté le projet de réduction de mandat présidentiel à cinq ans sous Georges Pompidou (16 octobre 1973), se montre en revanche réservé à l’égard de certaines des réformes initiées par le président Giscard d’Estaing, élu au printemps 1974. Le 8 octobre 1974, il conteste en séance publique que la vocation de Conseil constitutionnel soit de se transformer en véritable Cour suprême, alors que l’esprit du texte de 1958 lui donne selon lui un caractère politique plus que juridique. Il n’hésite pas à voter contre ce texte, comme ses collègues Joël Le Tac, Claude Peyret ou Robert-André Vivien. Il s’abstient volontairement sur la question du divorce par consentement mutuel (4 juin 1975) mais approuve l’élection des membres de l’Assemblée des communautés européennes au suffrage universel direct (21 juin 1977).
Désigné comme rapporteur de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse à l’automne 1974, Alexandre Bolo refuse cette responsabilité, jugeant le projet gouvernemental trop libéral. Lors de sa discussion en séance publique, il se distingue en prononçant un véritable réquisitoire contre le texte, le 26 novembre 1974. Estimant que la tâche des gaullistes de l’Assemblée nationale est « d’affirmer et de maintenir la primauté de l’intérêt national », il ouvre son propos en relevant – non sans malice - que le garde des Sceaux Jean Lecanuet, issu de la famille démocrate chrétienne, n’assiste pas au débat parlementaire. Il estime que « la plupart des avortements ont des motivations sociales et économiques » et reproche par conséquent au projet défendu par Simone Veil d’adopter un point de vue strictement médical. Il use de mots très durs pour rejeter ce qu’il présente comme une violation de « la loi naturelle », une « euthanasie légale » ou une forme d’eugénisme menaçant « toute forme de vie amoindrie, qu’elle soit infirme, anormale, maladive ou sénile ». Le projet de loi conduirait à « l’avortement pour convenance personnelle » alors que l’urgence serait plutôt de mener une politique familiale ambitieuse. Elle passerait, d’après le député nantais, par un assouplissement des contraintes administratives de l’adoption et surtout par une réforme des allocations familiales qui leur donne « un caractère franchement nataliste » avec attribution dès le premier enfant et majoration à partir du troisième. Il importe selon lui de mieux informer les femmes sur les moyens de contraception mis à leur disposition depuis la loi Neuwirth de 1967 : il envisage que des centres de planification ou d’éducation familiales soient ouverts à cette fin sur tout le territoire. Alexandre Bolo partage enfin les inquiétudes de l’ancien Premier ministre Michel Debré quant à la démographie française. Il relève que le nombre de naissances par femme est tombé de 2,9 à 2,05 entre 1964 et 1974 et juge irresponsable de « courir le risque d’une baisse accélérée de la natalité ». Alexandre Bolo appelle enfin ses collègues à se prononcer selon leur « intime conviction », contre « la débâcle des attitudes et la déroute des sentiments », en n’écoutant que « la voix de la France ». Le 28 novembre 1974, 284 députés adoptent la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse. A cette occasion, le groupe gaulliste s’est divisé entre la minorité qui, avec Maurice Herzog, Joël Le Tac, Lucien Neuwirth, Raymond Offroy ou Claude Peyret, émet un vote positif, et une majorité qui rejette le texte. Alexandre Bolo y appartient, comme Olivier Guichard, Marcel Dassault ou Maurice Couve de Murville. La « Loi Veil » prévoit qu’après une période de cinq années, un nouveau texte sera examiné par la représentation nationale en considérant les effets de la légalisation de l’IVG. Le 28 novembre 1979, Alexandre Bolo devait renouveler son hostilité à cette réforme de société, en la qualifiant de « droit à la mutilation volontaire ». Il affirme que « l’IVG pour convenance personnelle recouvre désormais environ 60% des cas », alors que le taux moyen de complications médicales pour les femmes pratiquant l’avortement reste compris entre 2,3 et 9,7% selon les enquêtes et les services hospitaliers. Les déclarations de l’élu nantais déclenchent du reste une bataille de chiffres dans l’hémicycle entre partisans et adversaires de la loi.
Au cours de cinquième législature (1973-1978), Alexandre Bolo est également désigné comme rapporteur d’un important projet de loi sur l’architecture (décembre 1976). Le texte repose sur la présomption de compétence des architectes et fait le choix d’un exercice libéral de cette profession. Il supprime les dérogations au permis de construire dont disposaient les administrations et impose de consulter un architecte ou un conseil départemental d’architecture pour s’assurer de « l’insertion harmonieuse » du projet dans le site. Le député de Nantes regrette cependant en 1976 que la formation des architectes ne soit pas améliorée, ni l’encadrement de cet enseignement renforcé. Défenseur convaincu de la liberté de l’enseignement, Alexandre Bolo siège comme membre titulaire à la commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l’enfance et l’adolescence à partir de mars 1977.
En mars 1978, l’élu de la première circonscription de Loire-Atlantique sollicite le renouvellement de son mandat dans un contexte défavorable : les sondages nationaux prédisent un temps un succès des gauches et la ville de Nantes est passée à l’opposition avec les municipales de 1977. Trois adjoints au maire de Nantes se présentent du reste contre Alexandre Bolo : le communiste Michel Moreau, ajusteur, le socialiste Guy Goureaux, universitaire, et le chef d’entreprise Jean-Claude Bonduelle, présenté par le Mouvement des radicaux de gauche. La croissance démographique a rendu nécessaire un redécoupage des cantons de Nantes : la première circonscription, qui se situe pour l’essentiel sur la rive droite de la Loire, en compte 5 désormais, plus une partie des secteurs de Nantes-III et Nantes-VI. La concurrence de Loïc Le Masne, investi par ce Parti républicain qui rassemble depuis peu les fidèles du président Giscard d’Estaing, met en difficulté le sortant gaulliste qui n’obtient que 26,9% des suffrages exprimés au premier tour. La surprise de ce 12 avril 1978 vient du bon résultat de Marie-Françoise Gonin, candidate présentée par le « Collectif Ecologie 78 » : avec 5,9% des suffrages exprimés, elle se situe en cinquième position, sur neuf candidats. Le 19 avril 1978, Alexandre Bolo est réélu député dans le cadre d’un classique affrontement droite-gauche, par 52,9% des suffrages exprimés.
Membre du Comité central de l’UDR en 1974, puis du RPR à partir d’avril 1977, il inscrit son action au sein du groupe RPR de l’Assemblée nationale sous la sixième législature. La confiance de ses collègues lui vaut d’être choisi comme secrétaire de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales en avril 1978, et confirmé dans ces fonctions en 1979 puis 1980. Ses sujets de prédilection demeurent liés aux problèmes d’architecture ou à la question de l’accès aux documents administratifs. Fin 1978, il est désigné comme rapporteur du projet de loi sur les archives, qui réfléchit dans le détail au statut des documents publics et privés au regard des nécessités de service, des besoins de la justice ou des exigences de la recherche scientifique. Alexandre Bolo observe qu’aucune refonte d’ensemble de la législation n’a été adoptée depuis juin 1794. La nécessité d’une nouvelle définition des archives, qui prenne en compte les documents sonores et audiovisuels, ainsi que la révision des délais de communication ont inspiré un texte « conçu avec une certaine hâte ». L’élu de Loire-Atlantique insiste pour sa part sur les garanties apportées au droit d’information des citoyens. Cette loi dite du 3 janvier 1979 apparaît à bien des égards comme fondatrice s’agissant du statut des archives en France : après son adoption, Alexandre Bolo se montre soucieux du devenir du texte et effectue ainsi un rappel au règlement, le 6 décembre 1979, pour protester contre le non-respect de l’engagement pris par le ministre de la culture d’en communiquer les projets de décrets d’application aux membres de l’Assemblée nationale.
L’ancien syndicaliste prend en outre la parole dans plusieurs débats abordant les problèmes sociaux et de solidarité nationale, comme le 14 mai 1980, au sujet des avantages consentis aux familles nombreuses.
Le 17 juillet 1980, Alexandre Bolo est soudainement terrassé par une crise cardiaque, dans une rue de la capitale. La disparition de cet élu de terrain, conseiller régional depuis 1973 et profondément attaché à sa ville de Nantes, surprend ses compagnons gaullistes, qui l’avaient porté au bureau du groupe RPR à l’Assemblée nationale un an auparavant. Le 2 octobre 1980, à la reprise de la session parlementaire, le président Jacques Chaban-Delmas salue la mémoire d’un homme « chaleureux et profond à la fois », qui cédait peu « à la pression du moment, des modes et des mœurs » mais restait fidèle à ses convictions, et dont « le dévouement s’apparentait à un apostolat ».