Léonor, Joseph Havin
1799 - 1868
Député de 1831 à 1848, représentant en 1848, député au Corps législatif de 1863 à 1868, né à Paris le 2 avril 1799, mort à Thorigny (Manche) le 12 novembre 1868, fils du conventionnel Edouard Léonor Havin, il partagea, de 1816 à 1820, l'exil de son père, compris sur la liste des régicides proscrits.
A son retour il vécut à Caen, fit partie de la jeunesse libérale et se signala par l'ardeur de son opposition au pouvoir royal. Partisan de la révolution de 1830, il vint à Paris, au lendemain des journées de juillet, comme délégué des provinces de l'Ouest auprès du gouvernement provisoire, afin de l'éclairer sur les besoins et les vœux des départements, refusa, a-t-on dit, les offres les plus brillantes, et n'accepta que les fonctions de juge de paix à Saint-Lô, qu'il garda jusqu'en 1835.
D'autre part, il fut élu, le 5 juillet 1831, député du 1er collège de la Manche (Saint-Lô), par 199 voix sur 277 votants et 378 inscrits, contre 53 à M. Feuillet. Il siégea dans l'opposition dynastique, signa le compte rendu de 1832, se récusa dans le procès du journal la Tribune, et fut réélu, le 21 juin 1834, par 229 voix (317 votants, 409 inscrits), contre 73 à M. Jourdan. Il combattit la politique doctrinaire, repoussa les lois de septembre 1835, les lois de disjonction et d'apanage, fut encore réélu, le 4 novembre 1837, par 238 voix (358 votants, 449 inscrits), contre 78 au général Achard et 37 à M. Rouelle, vota contre le ministère Molé, et, jusqu'à la fin du règne de Louis-Philippe, continua de représenter à la Chambre l'arrondissement de Saint-Lô, ayant obtenu le renouvellement de son mandat, le 2 mars 1839, par 266 voix (373 votants, 453 inscrits), contre 100 à M. Houyvet; le 9 juillet 1842, par 330 voix (400 votants, 494 inscrits), contre 66 à M. Lemenuet, et, le 1er août 1846, par 299 voix (321 votants, 505 inscrits).
M. Havin donna son suffrage aux propositions de réforme électorale, et, lors de l'agitation de 1847, organisa dans la Manche le banquet de Thorigny. Il fut, pendant quatre sessions consécutives, un des secrétaires de la Chambre des députés, et il présida longtemps le conseil général de la Manche. M. Havin n'allait pas jusqu'à souhaiter l'établissement de la République: ce fut, appuyée sur son bras, que, le 24 février, la duchesse d'Orléans se rendit des Tuileries à la Chambre des députés.
Il se rallia cependant au fait accompli, fut nommé par le gouvernement provisoire commissaire de la République dans la Manche, et, le 23 avril 1848, fut élu représentant du peuple à l'Assemblée constituante pour ce département, le 1er sur 15, par 119,817 voix. Il y prit place dans la majorité, fut nommé six fois vice-président par ses collègues, soutint de ses votes et de sa parole l'administration du général Cavaignac, et opina souvent avec la droite :
- pour le rétablissement du cautionnement,
- pour les poursuites contre Louis Blanc et Caussidière,
- contre l'abolition de la peine de mort,
- contre le droit au travail,
- pour l'ordre du jour en l'honneur de Cavaignac.
Après l'élection présidentielle de L.-N. Bonaparte, il se rapprocha quelquefois de la gauche et vota :
- contre la proposition Rateau,
- contre l'amnistie,
- contre l'interdiction des clubs,
- pour l'expédition de Rome.
Il ne siégea d'ailleurs que jusqu'au 20 avril 1849 ; ayant été élu conseiller d’Etat par l'Assemblée, il donna sa démission de représentant. Il protesta contre le coup d'Etat du 2 décembre 1851, quitta le conseil d'Etat, et, à la mort de Louis Perrée, devint à sa place directeur politique et rédacteur en chef du journal le Siècle.
Il échoua successivement aux élections du Corps législatif, comme candidat indépendant dans la 1re circonscription de la Manche, le 29 février 1852, avec 375 voix contre 23,559 à M. de Kergorlay, élu, et, le 22 juin 1857, avec 2,448 voix contre 21,146 au député sortant, réélu. En 1858, après la chute du ministère Espinasse, le bruit ayant couru que le Siècle allait être supprimé, M. Havin sollicita une audience de l'empereur, dont il avait été le collègue à la Constituante, et avec qui M. Vieillard, ancien administrateur de la Manche, l'avait mis en relation. L'empereur le reçut avec bienveillance, lui conseilla de la prudence, et obtint le concours actif du journal en faveur de la campagne d'Italie.
Candidat aux élections législatives du 1er juin 1863, M. Havin voulut se présenter dans la 5e circonscription de Paris remaniée, dont Ernest Picard était le député sortant. Le journal la Presse ayant maintenu quand même la candidature d'Ernest Picard, M. Havin se désista et se porta dans la 1re circonscription, où il fut élu avec 15,359 voix (24,783 votants, 34,612 inscrits), contre 7,308 voix à M. de Lessert, 1,425 à M. de Lasteyrie et 342 à M. Blanc. Le même jour, il était élu dans la Manche par 16,139 voix (31,857 votants, 39,343 inscrits), contre 15,291 voix à M. de Kergorlay, député sortant. M. Havin opta pour la Manche.
Sa politique avait déplu au parti démocratique avancé, qui lui reprochait, lors de son élection comme conseiller général de Thorigny-sur-Vire, de s'être fait une arme électorale de l'appui du ministre de l'Intérieur, et d'une lettre de M. Mocquart, secrétaire de l'empereur, déclarant que « le souverain voyait avec plaisir sa candidature ». M. Havin siégea dans le petit groupe de l'opposition et fit partie de la minorité indépendante du Corps législatif, jusqu'à l'époque de sa mort, survenue en novembre 1868. Il fut remplacé comme député par M. Auvray.