Emile, Olivier Ollivier
1825 - 1913
Député au Corps législatif de 1857 à 1870 et ministre, né à Marseille (Bouches-du-Rhône) le 2 juillet 1825, fils de Démosthène Ollivier (1799-1884) - représentant des Bouches-du-Rhône à l'Assemblée constituante en 1848 et ayant protesté contre le coup d'Etat du 2 décembre 1851 -, Emile Ollivier fit ses études au collège Sainte-Barbe, puis se fit inscrire au barreau de Paris un peu avant la révolution de février 1848.
Appelé par Ledru-Rollin, qui connaissait son père, aux fonctions de commissaire général de la République dans les Bouches-du-Rhône, il servit, en cette qualité, les intérêts du parti républicain modéré, réprima, en juin, à Marseille une tentative d'insurrection socialiste, fut maintenu comme préfet des Bouches-du-Rhône par le général Cavaignac, et passa de là à la préfecture de la Haute-Marne. En janvier 1849, M. Emile Ollivier quitta l'administration. Au printemps de 1850, il revint faire dans le Var de la propagande républicaine. Un mandat d'amener allait être lancé contre lui, quand il se retira prudemment à Nice.
Rentré au barreau, il ne tarda pas à s'y distinguer, plaida quelques procès politiques dans le Midi, et fut, dans les premières années de l'empire, le défenseur d'une cause retentissante : celle de Mme de Guerry contre la communauté de Picpus ; il eut Berryer pour adversaire.
Porté comme candidat de l'opposition modérée au Corps législatif dans la 4e circonscription de la Seine, aux élections de 1857, M. Emile Ollivier fut élu, le 5 juillet, au second tour de scrutin, par 11 005 voix (21 319 votants, 35 347 inscrits), contre 10 006 au candidat officiel, M. Varin : sa candidature avait été très vivement appuyée par le Siècle, dont l'influence électorale était grande à cette époque. Le nouvel élu prêta sans difficulté le serment exigé des députés et prit place dans le petit groupe des opposants au gouvernement impérial : son talent de parole, d'une pureté et d'une distinction rares, le fit remarquer bientôt dans les discussions importantes, auxquelles il s'empressa de prendre part : la loi de sûreté générale (1858), l'expédition d'Italie (1859), et le régime de la presse (1860) furent de sa part l'objet de critiques brillantes : parmi les Cinq, M. Emile Ollivier était l'orateur le plus favorablement écouté de la majorité. L'exorde d'une plaidoirie qu'il prononça en faveur de M. Vacheret, poursuivi correctionnellement pour son livre : La Démocratie, valut à l'avocat une interdiction de trois mois (30 décembre 1859), confirmée par la cour impériale, puis par la Cour de cassation, malgré les efforts du conseil de l'ordre.
M. Emile Ollivier fut réélu député, le 1er juin 1863, par 18 151 voix (29 088 votants, 40 046 inscrits) contre 10 095 à M. Varin, candidat officiel. Mais déjà il semblait à demi converti à une politique de gouvernement; on le vit apporter, dès la première cession de cette législature, une singulière réserve dans les observations qu'il présenta à la tribune sur certains projets du ministère, et son rapport sur la loi des coalitions ne fut pas de nature à lui aliéner les hommes d'Etat au pouvoir ; en revanche, l'opposition parlementaire témoigna à son ancien leader une froideur que la session de 1865 vint encore accentuer : M. Emile Ollivier monta en effet souvent à la tribune, non plus pour combattre, mais pour appuyer les orateurs officiels. Ce fut pendant la session de 1866-1867 que la scission du député de la Seine devint définitive. M. Emile Ollivier prit occasion des promesses libérales de la lettre impériale du 19 janvier pour se rallier pleinement à l'Empire, et les journaux commencèrent à prévoir, annoncèrent même plus d'une fois son entrée au ministère.
Cependant la majorité du Corps législatif ne l'avait pas encore accepté, et certains députés du groupe autoritaire, tels que M. Granier de Cassagnac, repoussaient toute solidarité avec lui : ayant dénoncé, le 21 février 1868, à la Chambre, un article injurieux du Pays contre les députés de la gauche, M. Emile Ollivier fut provoqué en duel par son fougueux collègue ; mais il ne répondit pas à ces attaques personnelles. Il se montra partisan, la même année, de l'examen, par le Corps législatif, du budget de la ville de Paris, et prit contre M. Pouyer-Quertier la défense des traités de commerce fondés sur le libre-échange. L'approche des élections générales de 1869 fournit à M. Emile Ollivier l'occasion de publier, sous ce titre : Le 19 janvier, une sorte de manifeste au pays, où se trouvait racontée et expliquée l'histoire de son évolution récente.
Puis, il se présenta, le 24 mai 1869, à la fois dans la 1re circonscription du Var et dans la 3e de la Seine: à Paris, il se heurta aux efforts ardents de l'opposition démocratique, et n'obtint que 12 848 voix contre 22 848 à M. Bancel, radical, élu. Mais il fut nommé dans le Var par 16 608 voix (25 529 votants, 37 846 inscrits), contre 8 830 à M. Clément Laurier, candidat indépendant.
A la Chambre, tandis que se formait le nouveau tiers-parti libéral, les bruits de l'avènement aux affaires de M. Ollivier prenaient de plus en plus de consistance. Enfin Napoléon III le chargea (27 décembre) de la constitution du premier cabinet par lequel fut inauguré l'empire parlementaire. Ce cabinet, où furent appelés plusieurs membres du centre gauche d'alors, comprenait (2 janvier 1870) : MM. de Talhouët, Louvet, Daru, Buffet, Segris, Chevandier de Valdrôme.
M. Emile Ollivier prenait, avec le portefeuille de la Justice, la direction effective du ministère, qui ne se présenta pas sans quelque appréhension devant une majorité d'où il n'était pas issu. M. Ollivier fut sans cesse sur la brèche, autant pour ranimer les défaillances de la droite, peu empressée à le soutenir, que pour repousser les agressions de la gauche, ardente à l'attaquer.
Les premières semaines de l'existence du cabinet furent marquées par divers actes importants : le décret d'amnistie en faveur de Ledru-Rollin (10 janvier), la convocation de la Haute Cour de justice appelée à juger le prince Pierre Bonaparte, les mesures de police prises le jour de l'enterrement de Victor Noir, les poursuites demandées au Corps législatif et obtenues contre M. Henri Rochefort (12 janvier), et l'arrestation de ce député (8 février), la révocation de M. Haussmann, préfet de la Seine, divers projets de loi déposés sur le régime de la presse, le cumul des fonctions etc. ; enfin et surtout le nouveau projet de constitution destiné à consacrer la transformation de l'Empire autoritaire en Empire libéral.
Après qu'un sénatus-consulte eut promulgué cet acte, le nouveau projet de constitution fut soumis (8 mai 1870) à l'épreuve d'un plébiscite, avec lequel coïncidèrent la découverte d'un complot et d'un attentat contre la sûreté de l'Etat, et la convocation d'une Haute Cour de justice : le plébiscite donna sept millions de oui au gouvernement, et M. Emile Ollivier put s'applaudir, à la tribune du Corps législatif, de cette victoire en l'appelant un « Sadowa français ». Mérimée écrivait à Panizzi, à cette occasion, le 21 mai 1870 : « Voilà le plébiscite passé, Dieu merci, mais la situation n'en est pas beaucoup plus belle. Emile Ollivier est persuadé qu'il est le plus grand homme d'Etat de notre temps, et qu'il peut tout faire. Il me rappelle Lamartine en 48, qui se croyait aussi maître de la situation. »
Cependant le ministère s'était disloqué, le 25 avril, par la retraite de MM. Daru, Buffet et de Talhouët, adversaires de l'idée du plébiscite : MM. de Gramont, Mège et Plichon les remplacèrent, et le cabinet s'éloigna de plus en plus du programme « libéral » des 116, pour revenir aux traditions du régime personnel. L'empereur était très attaché au chef du cabinet : on s'en aperçut, quand le Peuple français, journal de M. Clément Duvernois, et dont la cassette impériale faisait les frais, fut nettement désavoué à la suite d'attaques violentes contre le premier ministre.
Le crédit de M. Ollivier semblait ainsi plus solide que jamais, lorsque l'attention publique s'émut de la candidature Hohenzollern au trône d'Espagne. Le gouvernement impérial chargea le comte Benedetti, notre ambassadeur à Berlin, de demander au roi de Prusse un désaveu formel de la candidature de son parent. Sur ces entrefaites, le prince se retira spontanément et toute complication paraissait écartée ; mais l'entourage de l'empereur, qui poussait à la guerre, s'obstina à réclamer des garanties, et M. Benedetti reçut l'ordre de les exiger du roi Guillaume : celui-ci refusa de recevoir l'ambassadeur français, et notifia par dépêche son refus à toutes les puissances européennes. Ce fut sur cette dépêche que M. Emile Ollivier s'appuya, dans la séance du 15 juillet 1870, pour soutenir que la guerre entre la France et la Prusse était devenue inévitable : il affirma qu'une note injurieuse pour notre pays avait été envoyée par le gouvernement prussien aux cours étrangères ; mais il fut reconnu plus tard que la note n'avait jamais existé.
La guerre déclarée, M. Emile Ollivier en accepta les conséquences « d'un cœur léger », interdit aux journaux, sous des peines sévères, le compte rendu des opérations militaires, et, bientôt, en présence de l'effervescence publique soulevée par les premières défaites de Wissembourg et de Reichshoffen, dut convoquer extraordinairement, le 9 août, le Sénat et le Corps législatif : en même temps il publiait une proclamation destinée à rassurer le pays. Mais M. Clément Duvernois, l'ennemi personnel du ministre, ayant proposé, dès le début de la séance, un ordre du jour qui déclarait le Cabinet incapable de pourvoir à la défense du pays, cet ordre du jour fut adopté au milieu du tumulte, à une très torte majorité, et M. Cousin Montauban, comte de Palikao, fut chargé par l'impératrice régente de former un nouveau ministère.
M. Emile Ollivier se retira à Fontainebleau, et passa de là en Italie, où il resta jusqu'en 1873. A cette époque, il revint à Paris pour prendre séance à l'Académie française, dont il avait été élu membre le 7 avril 1870, en remplacement de Lamartine ; mais certaines expressions de son discours de réception déplurent à l'Académie, et, à la suite de vifs débats entre le récipiendaire et Guizot, un vote de la compagnie ajourna indéfiniment la lecture publique du discours.
Candidat à la députation, le 20 février 1876, avec l'appui de M. Rouher, dans l'arrondissement de Brignoles et dans celui de Draguignan. M. Emile Ollivier réunit, dans le premier, 3 116 voix contre 9 737 à l'élu républicain, M. Dréo, et dans l'autre, 4 523 voix contre 12 305 à l'élu républicain, M. Cotte.
Il fit une autre tentative infructueuse le 14 octobre 1877.
De nouveaux conflits avec l'Académie au moment de la mort subite de Thiers (3 septembre 1877), sur la tombe duquel il eut voulu porter la parole, comme directeur trimestriel de la compagnie, puis lors de la réception de Henri Martin, appelé au fauteuil de l'ex-président de la République, et que régulièrement M. Ollivier devait recevoir en séance publique, déterminèrent celui-ci à ne plus paraître aux séances et à ne plus prendre part aux travaux de l'Institut (1879) ; M. Emile Ollivier eut encore, à propos des décrets du 29 mars 1880 sur les congrégations religieuses, une polémique extrêmement vive avec M. Paul de Cassagnac ; depuis, diverses communications aux journaux, des lettres écrites de Saint-Tropez, des conférences ont, de temps à autre, rappelé au public le nom et la personnalité de l'ancien ministre de 1870.
Outre de nombreux travaux juridiques insérés dans la Revue pratique de droit français fondée par lui en 1856 avec MM. Morlon, Demangeat et Ballot, il est l'auteur d'un Commentaire sur les saisies immobilières et autres (1859) et d'un Commentaire de la loi de 1864 sur les coalitions (1864). Parmi ses publications politiques, il faut citer :
- Démocratie et liberté (1867) ;
- Le 19 janvier (1869) ;
- Le Ministère du 2 janvier, mes discours (1875) ;
- Principes de conduite (1875) ;
- l'Eglise et l'Etat au concile du Vatican (1879) ;
- M. Thiers à l'Académie et dans l'histoire (1880).
M. Ollivier a été nommé, en 1865, commissaire de surveillance du gouvernement égyptien près la compagnie du canal de Suez à Paris.
Il avait épousé en premières noces, à Florence, une fille du célèbre pianiste Lizt, morte en 1862, et il s'est remarié en 1869, avec Mlle Gravier, de Marseille.