Camille, Hyacinthe, Odilon Barrot
1791 - 1873
Le fonds Odilon Barrot, conservé aux Archives nationales, couvre la période 1811-1873 et représente 9 mètres linéaires. Les documents sont cotés en 271 AP et sont décrits dans un répertoire numérique détaillé. Ils ont fait l’objet d’un achat en 1953 et sont en accès libre.
Le fonds regroupe de la correspondance, des papiers de famille et politique, des discours et des notes ainsi que les minutes des plaidoiries et des consultations juridiques.
De plus amples renseignements sur ce fonds sont disponibles sur le site Internet des Archives nationales.
Les Archives départementales de la Lozère conservent un fonds Jean-André Barrot, père d’Odilon. Le fonds, coté en F 764-770, regroupe des papiers et de la correspondance d’Odilon Barrot et représente 10 centimètres linéaires.
Les Archives départementales de la Lozère conservent un autre fonds Barrot au sein duquel on retrouve des documents relatifs à Odilon Barrot. Ce fonds, coté en 68 J, représente 20 centimètres linéaires.
De plus amples renseignements sur ces fonds sont disponibles sur le site Internet des Archives départementales de la Lozère.
Fils de Jean-André Barrot (1753-1845), avocat puis magistrat, et membre de la Convention, il fut député de 1830 à 1848 et représentant du peuple aux Assemblées constituante et législative de 1848 et 1849. Né a Villefort (Lozère), le 19 juillet 1791, mort à Bougival (Seine-et-Oise), le 6 août 1873, il commença ses études au prytanée de Saint-Cyr, et vint les terminer à Paris au lycée Napoléon. Au sortir du collège, il fit son droit.
Elevé par son père dans les idées « constitutionnelles », qui étaient celles des royalistes modérés sous la Restauration, il avait sollicité et obtenu, en 1814, des dispenses pour être admis comme avocat aux conseils du roi et à la Cour de cassation. « Un goût dominant pour les régions arides du droit strict à un âge où l'on aime de préférence les débats passionnés et les émotions de cour d'assises, dit M. Loménie, révélait déjà cette aptitude de théoricien qui distingua particulièrement M. Odilon Barrot. »
Son premier acte politique fut, au moment des Cent-Jours, une protestation contre le rétablissement de l'Empire. « Au mois de mars 1815, a-t-il écrit lui-même, lorsque le gouvernement fit appel à la garde nationale de Paris, j'écrivis au capitaine de la compagnie de grenadiers du 4e bataillon de la 11e légion, pour me mettre, avec quelques amis, à sa disposition. Je montais la garde dans les appartements du roi, dans la nuit de son départ. Sa Majesté vit nos larmes et contint l'élan de notre enthousiasme. Je suis certain que cette scène touchante ne s'est pas effacée de sa mémoire; elle est à jamais gravée dans la mienne. »
Cependant, l'attachement du jeune avocat ne résista pas au régime de la « Terreur blanche » ; il se jeta bientôt dans l'opposition libérale qui s'appuyait sur la Charte, et acquit une notoriété considérable dans de nombreux procès politiques. Quelques protestants d'une petite ville du midi ayant refusé de tapisser, au passage de la procession de la Fête-Dieu, la façade de leurs maisons, le juge de paix les avait condamnés à l'amende : Odilon Barrot accepta de les défendre et parvint à obtenir la cassation de l'arrêt, après un plaidoyer qui souleva des tempêtes. Il défendit aussi Wilfrid Regnauld, impliqué par des rancunes politiques dans une affaire d'assassinat, et plaida dans le procès du lieutenant-colonel Caron. Lié avec la plupart des hommes marquants du parti libéral, il épousa la petite-fille de l'un d'eux, Labbey de Pompières, entra, en 1827, dans la fameuse société Aide-toi, le Ciel t'aidera, avec Audry de Puyravault, Béranger, Barthe, Duchâtel, Auguste Blanqui, Armand Carrel et Guizot, et, devenu le président de cette association, fit tous ses efforts pour la maintenir dans les voies d'une opposition pacifique et parlementaire.
La révolution de Juillet, dont il n'avait pas donné le signal, le surprit quelque peu. Premier secrétaire de la commission de gouvernement qui siégea à l'Hôtel de Ville, il détourna formellement La Fayette de proclamer la République, dont la présidence éventuelle lui était offerte par un groupe de jeunes démocrates, amenés à l'Hôtel de Ville par Pierre Leroux, prépara activement l'établissement d'une monarchie nouvelle en faveur du duc d'Orléans, et fut chargé peu après par Louis-Philippe de protéger, de concert avec deux autres commissaires, MM. de Schonen et le maréchal Maison, le départ de Charles X. Très mal accueilli d'abord par le roi déchu, il finit pourtant par réussir assez complètement dans sa mission, pour que Charles X consentît à reconnaître, dans un certificat, les « attentions » et les « respects » qu'il avait eus pour la personne et la famille royale. Au retour, Odilon Barrot fut nommé préfet de la Seine.
Vers la même époque, il était élu (28 octobre 1830) député de l'Eure par le collège de département. Mais de fréquents conflits s'élevèrent entre Odilon Barrot, préfet de la Seine, et les ministres doctrinaires de Louis-Philippe, Guizot, Montalivet ; quand Laffitte et Dupont de l'Eure eurent quitté le pouvoir, il ne tarda pas (février 1831) à les suivre dans leur retraite.
Renommé député, le 5 juillet de la même année, par trois collèges électoraux, le 2e collège de l'Eure (Verneuil), le 2e collège de l'Aisne (Chauny) et le 2e collège du Bas-Rhin (Strasbourg), il siégea à gauche, parmi les partisans d'une sorte de « royauté républicaine », telle que semblait la promettre la Charte de 1830, prit la direction de l'opposition dynastique, combattit vivement le ministère Casimir Périer, fut chargé du rapport sur le rétablissement du divorce, rédigea, avec Cormenin, au nom des gauches, le célèbre Compte-rendu dont l'insurrection démocratique des 5 et 6 juin 1832 fut la conséquence directe, et, après la défaite des républicains, s'éleva, quoique monarchiste, contre les représailles et les mesures d'exception. « Nonobstant toutes ses colères à la Chambre, a écrit M. Eug. de Mirecourt, il entretenait au fond de son cœur, pour le roi citoyen, une sympathie pleine de tendresse. De son côté, Louis-Philippe ne gardait pas rancune au chef de la gauche. Il ne se trompait point au mobile qui le faisait agir ». Il défendit aussi le droit d'association (avril 1834), demanda l'amnistie pour les insurgés de Lyon, et combattit vainement les lois de septembre (1834-1835), joignant d'ailleurs constamment à la revendication des libertés l'assurance de son dévouement à la monarchie constitutionnelle. Son opposition, comme celle des députés qui suivaient ses inspirations, ne désarma que durant les deux ministères de Thiers, en 1836 et 1840 : il fit alors partie de la majorité. En revanche, il lutta avec force contre le ministère Molé, qu'il réussit à renverser après deux ans, par une coalition restée célèbre (1939). Le cabinet formé le 29 octobre 1840 n'eut pas non plus d'adversaire plus opiniâtre qu'Odilon Barrot.
Successivement réélu en 1834, en 1837, 1839, 1842 et 1846, il ne négligea aucun moyen pour triompher de la politique de résistance de Guizot, travailla à rendre plus intime la fusion du centre gauche (tiers parti) et de l'opposition de gauche, et appuya de son vote et de sa parole toutes les propositions faites contre le ministère. Lorsque Guizot chercha à justifier devant la Chambre son voyage à Gand, Odilon Barrot monta à la tribune et prononça ces paroles : « Croyez-moi, c'est un triste chemin pour rentrer en France que celui qui vous a fait passer sur les cadavres des Français tués par l'étranger. » Il vota contre l'indemnité Pritchard, et fut l'auteur d'un très grand nombre de propositions et d'amendements contre la corruption politique, contre l'envahissement de la Chambre par les députés fonctionnaires, etc. Partisan de la réforme électorale, qu'il avait fréquemment, mais sans succès, portée devant la Chambre, il fut, en 1847, un des promoteurs de la « campagne des banquets », assista à seize de ces réunions, et, quand le gouvernement voulut y mettre un terme, déposa au nom de la gauche une demande en accusation du ministère.
Mais, cette fois encore, la Révolution vint contrarier ses prévisions. Appelé trop tard au pouvoir (24 février 1848), il tenta inutilement, en se montrant à cheval sur les boulevards, de calmer l'effervescence générale et de sauver la monarchie ; le mouvement populaire, cette fois, était allé jusqu'à la proclamation de la République, qu'Odilon Barrot n'avait point souhaitée. S'il ne la combattit pas ouvertement dès la première heure, il travailla du moins à l'entourer d'institutions « conservatrices. »
Elu, le 23 avril 1848, représentant de l'Aisne à l'Assemblée constituante, le 4e sur 14, par 107 005 voix sur 130 363 votants et 154 878 inscrits, il prit cette fois, place à droite, fut désigné par la majorité pour présider la commission d'enquête sur les événements du 15 mai et sur les journées de juin, prit une part active aux débats, essaya (27 septembre 1848) de faire prévaloir le système des deux Chambres, et vota :
- pour le maintien de l'état de siège,
- contre l'abolition de la peine de mort,
- contre l'incompatibilité des fonctions,
- contre l'amendement Grévy,
- contre le droit au travail,
- pour la proposition Rateau,
- pour l'expédition de Rome,
- contre la suppression de l'impôt du sel et de celui des boissons.
Louis Napoléon Bonaparte, après son avènement à la présidence, confia à Odilon Barrot (20 décembre 1848) la direction de son premier ministère, avec le portefeuille de garde des sceaux, et la mission de proposer d'importantes restrictions au droit de réunion, à la liberté de la presse, etc., et de défendre à la tribune, contre la Montagne et contre son orateur, Ledru-Rollin, tous les crédits réclamés pour l'expédition de Rome. C'est sur son initiative que fut votée aussi l'interdiction des clubs (21 mars 1849.) Puis, quand le prince président commença à dévoiler davantage ses desseins personnels, il se sépara d'Odilon Barrot (30 octobre 1849). « Dès la fin de septembre, dit un biographe, on put lire dans les journaux quelques faire-parts annonçant une indisposition de M. Odilon Barrot. Ce n'était pas lui, c'était son portefeuille qui se trouvait malade, et cela sans guérison possible. On l'enterra définitivement le 30 octobre. Pour mettre le comble aux douleurs du ministre congédié, son frère, son propre frère, entra dans le nouveau cabinet. Jamais Odilon ne pardonna ce méchant tour à Ferdinand. Sa rancune, dit la chronique intime, alla jusqu'à s'exprimer du bout de la botte par un geste peu fraternel. La scène se passait en famille, et le ministre du 30 octobre, rendit, séance tenante, à l'ex-président du Conseil, le geste et l'apostrophe. »
A l'Assemblée législative, où deux départements l'élirent, l'Aisne, avec 63 782 voix (112 795 votants, 160 698 inscrits,) et la Seine avec 112 675 voix (281 140 votants, 378 043 inscrits), Odilon Barrot continua de soutenir la politique de réaction, en appuyant notamment, la loi Falloux-Parieu sur l'enseignement, et la loi du 31 mai contre le suffrage universel.
Comme toujours, il n'avait pas prévu le coup d'Etat ; Odilon Barrot, qui protesta contre cet acte à la mairie du Xe arrondissement, fut arrêté, et presque aussitôt relâché. Il parut alors renoncer à la politique ; admis à l'Institut (1855), comme membre libre de l'Académie des sciences morales et politiques, il se consacrait, depuis le rétablissement de l'Empire, à des études de législation, quand l'Empire « libéral » de M. Emile Ollivier réussit à lui faire accepter, à la suite d'une entrevue aux Tuileries avec Napoléon III, la présidence d'une commission extraparlementaire, chargée d'étudier des projets de décentralisation.
Le gouvernement du 4 Septembre l'avait tenu à l'écart ; l'Assemblée nationale le nomma membre du Conseil d'Etat réorganisé, et Thiers (27 juillet 1872) lui en confia la présidence. Il occupait ce poste quand il mourut, l'année d'après.
Odilon Barrot était membre titulaire de l'Académie des sciences morales depuis 1870. On lui doit une Etude sur l'organisation judiciaire, et d'intéressants Mémoires, publiés après sa mort.