Jean-Baptiste, Alphonse, Victor Baudin
1801 - 1851
- Informations générales
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- Né le 28 octobre 1801 à Nantua (Ain - France)
- Décédé le 3 décembre 1851 à Paris (Seine - France)
1801 - 1851
Représentant du peuple à l’Assemblée législative de 1849, né à Nantua (Ain), le 23 octobre 1811, tué à Paris, dans la journée du 3 décembre 1851, il commença ses études de médecine à Lyon, et les termina à Paris, au Val de Grâce. Chirurgien militaire, il exerça d'abord en France, puis dans un régiment d'Afrique, où l'avaient fait envoyer ses opinions républicaines. Baudin était signalé comme adepte des théories socialistes, et particulièrement des doctrines de Saint-Simon et de Fourier.
En Algérie, il connut Eugène Cavaignac, qui devint plus tard chef du pouvoir exécutif. Sans espoir d'avancement, il donna sa démission, se rendit à Paris, s'y établit médecin, et s'occupa activement de politique dans les sociétés maçonniques et révolutionnaires. Il accueillit avec enthousiasme la révolution de Février et la proclamation de la République, et fut un instant compromis dans l'affaire du 15 mai 1848 et arrêté ; mais il bénéficia d'une ordonnance de non lieu.
Le 13 mai 1849, les électeurs du département de l'Ain l'envoyèrent comme représentant du peuple à l'Assemblée législative, le 5e sur 8, avec 46 739 voix. Il siégea à la Montagne, et vota avec ses collègues de ce groupe :
- le 20 octobre 1849, contre le projet de loi portant demande de crédits pour l'expédition romaine ;
- le 5 novembre, contre la proposition Baraguey d'Hilliers, tendant à abolir la gratuité des écoles polytechnique et militaire ;
- le 8 décembre, pour l'abolition de la peine de mort ;
- le 31 mai 1850, contre la nouvelle loi électorale, portant restriction du suffrage universel ;
- le 6 juin, contre la loi portant interdiction des clubs ;
- le 16 juillet, contre le cautionnement et l'impôt du timbre sur les écrits périodiques, etc.
Adversaire déterminé de l'expédition de Rome et de la politique présidentielle, il avait, en juin 1849, signé la demande de mise en accusation de Louis Napoléon et de ses ministres. Pourtant il ne fut pas impliqué dans les poursuites dirigées contre plusieurs représentants après la prise d'armes des Arts et Métier. Il vota naturellement contre toutes les demandes de poursuites, et prit plusieurs fois la parole à la tribune de l'Assemblée.
Il combattit le projet de loi organique sur l'enseignement, élaboré par M. de Falloux, et présenté par M. de Parieu, ainsi que le projet spécial relatif à la nomination et à la révocation des instituteurs communaux ; il prononça à ce sujet, le 8 janvier 1850, un grand discours en réponse à celui du ministre de l'instruction publique, et dénonça le projet gouvernemental comme faisant partie « d'une politique depuis longtemps suivie, la politique de répression, nous pourrions dire la politique de compression et d'oppression ». Il ajoutait : « Nous sommes venus dans cette Assemblée pour faire des lois organiques, c'est-à-dire pour donner à la constitution votée par nos prédécesseurs le complément indispensable impatiemment attendu de nos mandataires. Il semblait, citoyens, que l'esprit de ces lois organiques dût être un esprit d'expansion, un esprit de libéralisme, un esprit qui secondât, par des dispositions efficaces, les tendances démocratiques d'une constitution républicaine. Eh bien, au contraire, on s'est adressé à toutes les mesures qui pouvaient comprimer l'esprit public et nous ramener à la restauration des vieilles idées. Après nous avoir enlevé toutes les libertés qui avaient été conquises sous la première période de la République, on ne se tient point encore pour content, et l'on va jusque dans l'arsenal législatif de la royauté chercher les quelques garanties conquises dans les premières années de la révolution de Juillet. On attaque, en un mot, jusqu'à la loi de 1833... »
Le projet soumettait les instituteurs aux préfets des départements : Baudin insista sur l'atteinte portée par cette disposition « à la propriété », comme aux droits et à la liberté des pères de famille. Il revendiqua enfin pour l'instituteur la faculté de manifester librement ses sentiments politiques : « Eh quoi, parce qu'ils sont des instituteurs, ils ne pourront pas s'occuper des intérêts les plus précieux de leur pays, de la société, de l'humanité ? Ils ne pourront pas, si telle est leur conviction, entrer dans l'arène électorale et chercher, par tous les moyens que les lois autorisent, à faire triompher le parti sous la bannière duquel leur conviction les engage ? Sous quel prétexte allez-vous les dépouiller de ces droits ? De quelle autorité ne ferez-vous pas pour eux ce que vous faites pour les autres ? Pourquoi, par exemple, le prêtre pourra-t-il se servir d'un instrument sacré, de la chaire, pour y prêcher en faveur de certains candidats, tandis que l'instituteur ne pourra pas exercer sa part d'une plus légitime influence ?.. »
À quelques jours de là, Baudin, inscrit de nouveau pour parler contre la loi d'enseignement, céda son tour de parole à Victor Hugo, qui a rappelé ce fait dans l'Histoire d'un crime. « La parole de Baudin, dit encore Victor Hugo, était hésitante dans la forme, énergique dans le fond. Il avait l'esprit ferme et les matières timides. De là, dans toute sa personne, je ne sais quel embarras mêlé à la décision. C'était un homme de moyenne taille. Sa face, colorée et pleine, sa poitrine ouverte, ses épaules larges, annonçaient l'homme robuste, le penseur paysan. Il avait cette ressemblance avec Bourzat. Baudin penchait la tête sur son épaule, écoutait avec intelligence et parlait avec une voix douce et grave. Il avait le regard triste et le sourire amer d'un prédestiné.»
Mais les incidents de la carrière politique de Baudin ont été surpassés par sa conduite lors du coup d'Etat de Louis Napoléon, et par sa mort sur la barricade, le 3 décembre 1851. Ce jour-là à huit heures du matin, Baudin arriva au rendez-vous de la salle Roysin dans le faubourg Saint-Antoine, où se trouvaient aussi Bruckner, Maigne, Brillier, Charamaule, Madier de Montjau, de Flotte, etc.
Il revêtit une écharpe improvisée avec des bandes de calicot rouge, blanc et bleu, prit part avec ses amis au désarmement de deux postes de soldats, et à la construction d'une barricade au point d'intersection des rues Sainte Marguerite et de Cotte, et se mit en devoir de la défendre contre deux compagnies de ligne qui arrivaient de la Bastille au pas de course par le faubourg, échelonnées par pelotons, de distance en distance, et barrant toute la rue.
« En ce moment, quelques hommes en blouse, de ceux que la police avait embrigadés, parurent à l'angle de la rue Sainte Marguerite, tout près de la barricade, et crièrent :
- À bas les vingt-cinq francs ! Baudin, qui avait déjà choisi son poste de combat et qui était debout sur la barricade, regarda fixement ces hommes et leur dit :
- Vous allez voir comment on meurt pour vingt-cinq francs. »
Les deux colonnes d'attaque étaient arrivées en vue de la barricade. M. Schoelcher descendit alors dans la rue, suivi des représentants de Flotte, Dulac, Malardier, Brillier, Maigne, Bruckner, et se mit à haranguer les soldats, mais vainement. A un coup de fusil tiré de la barricade, les deux compagnies ripostèrent par une décharge générale. Baudin fut tué.
« Il était resté debout à sa place de combat sur l'omnibus. Trois balles l'atteignirent. Une le frappa de bas en haut à l'œil droit et pénétra dans le cerveau. Il tomba. Il ne reprit pas connaissance. Une demi-heure après, il était mort. On porta son cadavre à l'hôpital Sainte Marguerite. » (Histoire d'un crime).
Le représentant Gindrier et le frère de Baudin, alors étudiant en médecine, réclamèrent son corps ; le commissaire ne consentit à le rendre à la famille que sur la promesse qu'on l'enterrerait sur le champ et sans bruit, et qu'on ne le montrerait pas au peuple. Le 5, Baudin fut inhumé secrètement au cimetière Montmartre. Le véritable lieu de sa sépulture était si peu connu, qu'au début de l'Empire, de faux renseignements avaient fait croire que son corps avait été transporté dans la Nièvre. Bientôt cependant la vérité fut connue, et les groupes démocratiques se succédèrent chaque année, le jour des morts, autour de la pierre sur laquelle on lisait à grande peine le nom de Baudin, avec cette légende : « Mort représentant du peuple, le 3 décembre 1851. »
La manifestation du 2 novembre 1868 eut un caractère particulier. Au nom de la jeunesse des écoles, M. Ch. Quentin, rédacteur du Réveil, prononça sur la tombe une allocution très hostile à l'Empire, et, dès le lendemain, le Réveil ouvrait une souscription pour élever un monument à Baudin.
De ce chef, le journal fut poursuivi en police correctionnelle dans la personne de son rédacteur en chef gérant, Delescluze (v. ce nom), et de son rédacteur, M. Ch. Quentin : tous deux étaient prévenus, ainsi que MM. Peyrat, de l'Avenir national, Duret, de la Tribune et Challemel-Lacourt, de la Revue politique, d'avoir, « en 1868, à Paris, dans le but de troubler la paix publique et d'exciter à la haine et au mépris du gouvernement, pratiqué des manœuvres à l'intérieur, délits prévus par les articles de la loi du 27 février 1858 et du décret du 11 août 1848. »
On sait quel retentissement eut ce procès, où Gambetta (v. ce nom) plaida pour Delescluze.
Le 2 décembre 1888, dans le dessein de protester contre les « menées plébiscitaires » du général Boulanger et de ses partisans, la Société dite des droits de l'homme et du citoyen prit l'initiative d'une grande manifestation en l'honneur de la mémoire de Baudin. Les manifestants, sénateurs, députés, conseillers généraux et municipaux, délégués des groupes républicains de Paris et des départements, étudiants, francs-maçons, etc., partirent de la place de l'Hôtel de Ville et se rendirent au cimetière Montmartre, devant la porte duquel avait été placée la statue du représentant, œuvre d'Aimé Millet.