Louis, Marie de Lahaye de Cormenin
1788 - 1868
Député de 1828 à 1846, représentant à l'Assemblée constituante de 1848, né à Paris (Généralité de Paris, France), le 6 janvier 1788, mort à Paris (Seine), le 6 mai 1868, d'une ancienne famille de robe de la Bresse, établie dans l'Orléanais depuis trois générations, il eut pour parrains le duc de Penthièvre et la princesse de Lamballe, fit ses études dans un pensionnat de Paris, puis passa à l'Ecole de droit, et fut reçu avocat en 1808.
Auditeur au Conseil d'Etat, section du contentieux, en janvier 1810, il publia quelques volumes de vers, accompagna, en 1813, Cochon de Lapparent dans sa mission à la 20e division militaire, fut nommé maître des requêtes surnuméraire en 1814, et, pendant les Cent-Jours, s'engagea à Lille comme volontaire.
Rallié à la Restauration, il devint maître des requêtes (24 août 1815), et se fit remarquer par la publication de plusieurs ouvrages de droit administratif : Du Conseil d'Etat envisagé comme conseil et comme juridiction dans notre monarchie constitutionnelle (1818); De la responsabilité des agents du gouvernement (1819); Questions de droit administratif (1822). La Restauration le créa chevalier, puis officier de la Légion d'honneur, baron (1818), et lui permit de constituer un majorat au titre héréditaire de vicomte (1826).
Le 28 avril 1828, le 1er arrondissement électoral du Loiret (Orléans), l'élut député, par 297 voix sur 591 votants et 734 inscrits, contre M. Boulanger, 285 voix, et en remplacement de M. Laisné de Villévêque qui avait opté pour le 3e arrondissement de ce département. Il siégea dans l'opposition, prit la parole sur le Conseil d'Etat, sur la politique étrangère, demanda la réduction des budgets, la diffusion de l'instruction primaire, l'abolition des sinécures et du cumul, refusa le budget de 1829, et fut des 221.
Réélu, à Orléans, le 12 juillet 1830, par 491 voix sur 692 votants et 781 inscrits, contre M. Delaage, 189 voix, il s'empressa, après les journées de juillet, de donner sa démission de maître des requêtes, puis de député, cette dernière en ces termes :
« Paris, 12 août 1830.
MONSIEUR LE PRÉSIDENT,
Je n'ai pas reçu du peuple un mandat constituant. Placé entre ces deux extrémités, je suis absolument sans pouvoir pour faire un roi, une charte, un serment.
Je prie la Chambre d'agréer ma démission. Puisse ma patrie être toujours glorieuse et libre!
CORMENIN. »
Il se représenta pourtant aux élections du 28 octobre 1830, et les efforts du ministère le firent échouer, au collège de département du Loiret, avec 327 voix contre 600 accordées à l'élu, M. de La Rochefoucauld, mais il fut élu, le même jour, au Grand collège de l'Ain en remplacement du baron Dudon dont l'élection avait été annulée. Les élections du 5 juillet 1831 lui furent encore plus favorables, ayant été élu dans quatre collèges : dans le 5e collège du Loiret (Montargis), par 160 voix sur 304 votants et 390 inscrits, contre MM. Bleuart, 88 voix, et Boyard, 49 voix; dans le 1er collège de l'Ain (Pont-de-Vaux) par 167 voix sur 244 votants et 285 inscrits, contre M. Tondut, 63 voix; dans le 4e collège du même département (Belley), par 90 voix sur 132 votants et 152 inscrits, contre M. Amédée Girod, 40 voix; et dans le 3e collège de l'Yonne (Joigny). Il opta pour Belley, siégea à l'extrême-gauche, vota invariablement contre le gouvernement, et, sans prendre jamais la parole, fit au pouvoir une incessante guerre de pamphlets.
Les Lettres sur la liste civile (1831) contribuèrent à faire réduire à 12 millions la liste civile pour laquelle les ministres demandaient 18 millions; un style incisif et pittoresque rajeunissait des questions depuis si longtemps discutées, et jetait le ridicule à pleines mains sur la royauté bourgeoise.
Réélu, le 21 juin 1834, dans deux collèges, à Joigny par 129 voix sur 255 votants et 337 inscrits, contre M. Verrollot, 119 voix, et dans le 2e collège de la Sarthe (Le Mans) par 82 voix sur 148 votants et 182 inscrits, contre M. Basse, 61 voix, M. de Cormenin opta pour Joigny, qui lui renouvela son mandat le 4 novembre 1837, par 169 voix sur 333 votants et 401 inscrits, le 2 mars 1839, et le 9 juillet 1842 par 252 voix sur 449 votants et 501 inscrits, contre M. Gislain de Bontin, 187 voix.
En 1838, le ministère ayant présenté, au nom de la liste civile, des réclamations contre le Trésor, se vit obligé de retirer purement et simplement sa demande devant le bruit que souleva la brochure de Cormenin ayant pour titre : Très humbles remontrances de Timon au sujet d'une compensation d'un nouveau genre que la liste civile prétend établir entre quatre millions qu'elle doit au Trésor et quatre millions que le Trésor ne lui doit pas. La même année (décembre), il lançait contre le conseil d'Etat sa Défense de l'évêque de Clermont, adressée aux révérends pères du conseil d'Etat juges de la question de savoir si M. de Montlosier était mort en état de grâce. En 1840, il répondit à la demande de dotation en faveur du duc de Nemours, par les Questions scandaleuses d'un jacobin au sujet d'une dotation : « Le peuple écrasé d'impôts, disait-il, trouve que les princes coûtent trop cher. » Ces pamphlets étaient signés Timon, pseudonyme dont il s'était servi pour la première fois dans une revue, la Nouvelle Minerve. Mais sa défense de l'évêque de Clermont qui avait affiché des opinions ultramontaines, les principes d'indépendance du clergé qu'il soutenait vis-à-vis du gouvernement, et qui l'amenèrent à prendre en main, à ce point de vue, la cause des Jésuites menacés par l'Université, dans une brochure ayant pour titre: Feu! Feu! (1845), éloignèrent de lui le parti républicain, et le firent échouer à Joigny, aux élections du 1er août 1846, avec 189 voix contre 287 accordées à M. Gislain de Bontin, élu. En 1847, parurent les Dialogues de maître Pierre et les Entretiens de village, où il abordait des questions philanthropiques.
La révolution de février vint renverser, l'année suivante, la monarchie contre laquelle il avait tant lutté, et, aux élections du 23 avril 1848, pour l'Assemblée constituante, quatre départements l'élurent représentant du peuple: les Bouches-du-Rhône, le 9e sur 10, par 32,317 voix ; la Mayenne, le 9e et dernier, par 39,949 voix, sur 93,437 votants et 105,259 inscrits; la Seine, le 18e sur 34, par 135,050 voix sur 267,888 votants et 399,191 inscrits; l'Yonne, le 4e sur 9, par 78,977 voix. Là, il siégea parmi les conservateurs, fut membre et président du comité de constitution, et vota pour le bannissement de la famille d'Orléans, contre la proposition Proudhon, contre les poursuites contre Louis Blanc et Caussidière, pour l'abolition de la peine de mort, pour l'ordre du jour : « Le général Cavaignac a bien mérité de la patrie, », pour la proposition Rateau, contre le renvoi des accusés du 15 mai devant la Haute-Cour, pour l'amnistie générale, contre l'interdiction des clubs; il s'abstint sur l'impôt progressif, sur l'amendement Grévy sur la présidence, sur le droit au travail, sur la réduction de l'impôt du sel.
Il donna sa démission de représentant le 20 avril 1849, ayant été élu par l'Assemblée membre du nouveau conseil d'Etat ; il y présida la section du contentieux. Après le coup d'Etat de 1851, contre lequel il avait protesté au nom de la Constitution de 1848, dont il était l'auteur principal, il s'inclina devant le « vœu populaire », reprit sa place au conseil d'Etat, section de l'Intérieur, entra, par décret impérial (1855) à l'Académie des sciences morales et politiques, et fut nommé commandeur de la Légion d'honneur le 30 août 1865.
Parmi les nombreux ouvrages politiques ou moraux de M. de Cormenin, Timon ou le Livre des Orateurs tient le premier rang par l'éclat du style et la finesse des portraits; il a été traduit dans toutes les langues. M. de Cormenin avait fondé aussi un grand nombre d'œuvres de bienfaisance, pour les femmes âgées, pour les jeunes filles des campagnes, l'œuvre des ouvroirs industriels, des aumôniers, des dernières prières, du refuge, etc. etc.
Date de mise à jour: décembre 2013