François Mauguin

1785 - 1854

Informations générales
  • Né le 28 février 1785 à Dijon ( - Généralité de Bourgogne - France)
  • Décédé le 4 juin 1854 à Saumur (Maine-et-Loire - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Seconde Restauration - Chambre des députés des départements
Législature
IVe législature
Mandat
Du 17 novembre 1827 au 16 mai 1830
Département
Côte-d'Or
Groupe
Opposition constitutionnelle
Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
Ire législature
Mandat
Du 23 juin 1830 au 31 mai 1831
Département
Côte-d'Or
Groupe
Opposition constitutionnelle
Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
IIe législature
Mandat
Du 5 juillet 1831 au 25 mai 1834
Département
Côte-d'Or
Groupe
Opposition constitutionnelle
Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 21 juin 1834 au 3 octobre 1837
Département
Côte-d'Or
Groupe
Opposition constitutionnelle
Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
IVe législature
Mandat
Du 4 novembre 1837 au 2 février 1839
Département
Côte-d'Or
Groupe
Opposition constitutionnelle
Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
Ve législature
Mandat
Du 2 mars 1839 au 12 juin 1842
Département
Côte-d'Or
Groupe
Opposition constitutionnelle
Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
VIe législature
Mandat
Du 9 juillet 1842 au 6 juillet 1846
Département
Côte-d'Or
Groupe
Opposition constitutionnelle
Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
VIIe législature
Mandat
Du 1er août 1846 au 24 février 1848
Département
Côte-d'Or
Groupe
Opposition constitutionnelle
Régime politique
Deuxième République
Législature
Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 23 avril 1848 au 26 mai 1849
Département
Côte-d'Or
Groupe
Droite
Régime politique
Deuxième République
Législature
Assemblée nationale législative
Mandat
Du 13 mai 1849 au 2 décembre 1851
Département
Côte-d'Or
Groupe
Droite

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Député de 1827 à 1848, représentant en 1848 et en 1849, né à Dijon (Généralité de Bourgogne, France) le 28 février 1785, mort à Saumur (Maine-et-Loire) le 4 juin 1854, fils d'un procureur au parlement, il fut destiné au barreau.

Ses études juridiques terminées à l'académie de législation, puis à l'Ecole de droit de Paris (1804), il débuta comme avocat sous le Premier Empire. Labédoyère, condamné à mort par le conseil de guerre, le chargea (1815) de ses intérêts devant le conseil de révision : Mauguin ne sauva pas son client, mais la plaidoirie qu'il prononça fonda d'emblée sa réputation d'orateur. Depuis lors, il porta la parole avec succès dans plusieurs causes politiques : il fit acquitter en cours d'assises le domestique de Lavalette, accusé d'avoir favorisé l'évasion de son maître, plaida pour Pleignier, dans l'affaire « des patriotes de 1816 », et obtint encore un acquittement pour les chevaliers de la Table-Noire. Ses conclusions en faveur des éditeurs de la Bibliothèque historique eurent un grand retentissement et firent jurisprudence. En 1819, les procès du colonel Fabvier et de Senneville, accusés de diffamation par le général Canuel, lui valurent un surcroît de renommée. Vers cette époque, une maladie du larynx le tint quelque temps éloigné du barreau; il y rentra avec éclat en 1823, et fut définitivement classé parmi les sommités du palais.

Libéral ardent, il brigua bientôt la députation, et deux collèges électoraux l'envoyèrent à la Chambre, le 17 novembre 1827 :
- le 2e arrondissement de la Côte-d'Or (Beaune), par 267 voix (411 votants, 474 inscrits), contre 131 à M. Fouquerand, député sortant,
- et le 2e arrondissement des Deux-Sèvres (Niort), par 241 suffrages (377 votants, 421 inscrits), contre 112 au député sortant, M. Chebrou de Roulière, et 18 à M. de Sainte-Hermine.

Ayant opté pour Beaune, il fut remplacé à Niort, le 8 avril 1828, par M. Tonnet-Hersant.

Mauguin siégea dans le groupe le plus avancé de l'opposition constitutionnelle, combattit le cabinet Polignac et fut des 221. Adversaire résolu des Ordonnances, on le vit, un des premiers, conseiller la résistance et faire cause commune avec le peuple insurgé. Le 25 juin 1830, il avait obtenu sa réélection à Beaune, par 297 voix (422 votants, 484 inscrits), contre 118 à M. Fouquerand.

Tandis que la plupart des députés présents à Paris discouraient dans le salon de Casimir Perier, Mauguin les adjura de protester, à l'exemple des journalistes, contre ces Ordonnances qui les désarmaient. Cependant la lutte s'était engagée sur plusieurs points de Paris ; à la réunion tenue chez Audry de Puyravault, les fenêtres ouvertes, sous l'œil du peuple bruyant et animé qui remplissait la cour de l'hôtel, Mauguin reprit la parole : « C'est une révolution que nous avons à conduire : entre la garde royale et le peuple nous avons à choisir. » Alors Guizot se leva pour donner lecture d'un projet de protestation qui fut diversement accueilli. Mauguin était de ceux qui avaient peine à comprendre qu'on parlât de « fidélité au roi » et de « conseillers trompant les intentions du monarque », alors que le sang coulait dans Paris. Aux objections de Sébastiani, de Casimir Perier et autres partisans de « l'ordre légal », il répondait : « Nous conspirons comme conspire le peuple, et avec lui. »

Quand la révolution fut victorieuse, il se montra partisan de la formation d'un gouvernement provisoire ; mais Guizot obtint qu'il serait créé seulement une commission municipale, dont Mauguin, d'ailleurs, fit partie, avec Casimir Perier, Lobau, de Schonen et Audry de Puyravault. Il n'exerça sur ses collègues qu'un faible ascendant ; entre lui et Odilon Barrot existait une dissidence d'opinions très marquée, entretenue par une sourde rivalité. Pourtant ce fut Mauguin qui fit nommer M. Bavoux préfet de police et M. Chardel directeur des postes, et qui rédigea une proclamation mettant sous la protection du peuple les monuments français, ainsi que diverses circulaires ayant pour but de pourvoir aux besoins le plus urgents. La commission municipale reçut les envoyés de Charles X, mais refusa de traiter avec eux ; elle admit aussi une députation populaire, qui insista, sans succès, sur la nécessité de consulter la nation et de ne pas constituer le pouvoir avant d'avoir stipulé et arrêté des garanties pour les libertés publiques. Enfin la commission ordonna une levée de vingt bataillons de garde mobile, proclama la déchéance de Charles X, et organisa l'expédition de Rambouillet. « Jamais autorité, dit Mauguin, ne fut obéie aussi ponctuellement que la nôtre. Jamais peuple ne se montra aussi docile, aussi courageux, aussi ami de l'ordre que celui de Paris en 1830. »

À la Chambre, Mauguin prit part à la discussion de la Charte nouvelle ; mais il ne resta pas longtemps d'accord avec la monarchie de Juillet, et il devint, en concurrence avec son rival Odilon Barrot, l'un des deux chefs reconnus de l'opposition dynastique. Lors du procès des ex-ministres de Charles X, la Chambre ayant eu à nommer des commissaires pour les interroger dans leur prison de Vincennes, Mauguin fut désigné, avec MM. Bérenger et Madier de Montjau.

« Ils apportaient, a dit Louis Blanc (Histoire de Dix Ans), dans l'exercice de leurs nouvelles fonctions des qualités diverses : M. Bérenger, beaucoup de sang-froid et de gravité ; M. Madier de Montjau, un grand fonds de tolérance combiné avec une certaine sévérité de maintien ; M. Mauguin, au contraire, sous les manières aimables de l'homme du monde, l'inflexibilité d'un tribun. » Mauguin eût voulu surtout que l'accomplissement de leur mission fût entouré d'un appareil imposant et que le voyage de Paris à Vincennes se fît avec pompe.

« Malheureusement, M. Mauguin n'exerçait aucun empire sur ceux qui le connaissaient bien. Il avait beaucoup d'esprit et manquait de tact. Supérieur à presque tous ses collègues par l'intelligence, il le leur laissait trop apercevoir. La médiocrité, dans aucun cas, ne pardonne au talent, mais elle le respecte lorsqu'il s'efface, et alors elle se résigne à le subir. Mauguin perdait le fruit des facultés les plus éminentes par un légitime mais indiscret contentement de lui-même. Il éloignait la confiance avec tout ce qui ordinairement la captive. La mobilité de ses impressions passait pour du scepticisme. La bienveillance naturelle de son regard était altérée par une finesse qui en détruisait l'effet. La grâce de ses manières se faisait aisément remarquer, mais n'attirait pas ; et il y avait dans l'aménité de son langage je ne sais quoi de protecteur dont on se sentait blessé... Dans son projet de jeter de l'éclat, d'agrandir le rôle de la Chambre, d'exprimer aux yeux de tous sa souveraineté, MM. Madier de Montjau et Bérenger ne voulurent voir qu'un étroit calcul d'ambition personnelle. Sans combattre ouvertement les vues de leur collègue, ils s'appliquèrent à les déjouer. »

Au cours de l'interrogatoire des anciens ministres, il donna des signes fréquents d'émotion. Il avait jadis obtenu de M. de Peyronnet une amnistie pour des Français réfugiés en Espagne ; il avait connu M. de Guernon-Ranville, et plus intimement encore M. de Chantelauze. Quand ce dernier, pâle et malade, se présenta tout à coup à lui, il ne put s'empêcher de lui tendre la main et fondit en larmes; il eut soin de tempérer par beaucoup d'égards la sévérité de sa mission. M. de Polignac lui dut de recevoir la visite de la duchesse de Guiche.

Réélu député de Beaune, le 5 juillet 1831, par 487 voix (662 votants, 815 inscrits), contre 104 à M. Stanislas Marey-Monge, il obtint le renouvellement de son mandat pendant toute la durée du règne :
- le 21 juin 1834, par 326 voix (623 votants, 777 inscrits), contre 241 à M. Michaud-Moreil ;
- le 4 novembre 1837, par 311 voix (613 votants, 839 inscrits);
- le 2 mars 1839, par 394 voix (772 votants) ;
- le 9 juillet 1842, par 443 voix (760 votants, 947 inscrits), contre 230 à M. Michaud-Moreil ;
- et le 1er août 1846, par 412 voix (738 votants, 987 inscrits), contre 411 à M. Marey-Monge.

Dans la Chambre nouvelle, Mauguin se fit le centre du parti militaire ; soutenu par le général Lamarque, il suivait sur la carte d'Europe les expéditions militaires et les marches savantes, se plaisait à dévoiler les artifices de la diplomatie, et portait au pouvoir des coups redoutables. « Il se sentit pris tout à coup, a écrit Cormenin, de la même fièvre belliqueuse que le général Lamarque. Il faisait beau les voir, comme feu M. de Marlborough, s'en aller tous deux en guerre. Les voilà partis, ils entraînent sur leurs pas, et déploient les bataillons de la Grande Armée. À leur ordre, Toulon vomit ses flottes qui vont bloquer Ancône et soulever l'Adriatique, tandis qu'une expédition de nos meilleures troupes, longeant le littoral d'Alger, ira renouveler sur les plages du Nil les prodiges de Bonaparte. Le Rhin est franchi, la Belgique s'insurge, Vienne capitule, Cracovie ouvre ses portes, et, grossie des phalanges de la Courlande et de la Bessarabie, la propagande victorieuse se fraie une large voie jusqu'au Tanaïs. Là, même arrivé, M. Mauguin ne se reposait pas... Je crois en vérité que si on l'eût laissé faire, il nous eût menés tambour battant, à travers champs, jusqu'aux grandes Indes. »

En effet, dès le 13 novembre 1831, Mauguin avait mis sur le tapis la politique extérieure, par une demande retentissante d'interpellation aux ministres. Dans son discours, il montra l'Europe partagée entre deux principes, la France seule d'un côté, mais traînant le monde à sa suite, lui communiquant son repos, ou l'agitant quand elle s'agite. Passant aux choses du moment, il releva avec surprise et amertume ces mots du dernier discours prononcé par le roi d'Angleterre : « Je suis déterminé avec mes alliés à maintenir les traités généraux en vertu desquels le système politique de l'Europe a été établi. » - « Quels sont ces traités ? s'écria l'orateur. Ceux de 1814 ? Mais ils assurent la possession de la Belgique à la maison d'Orange. Nous voilà conduits logiquement à prendre le parti du Hollandais contre le Belge... Triste position où nous a placés une politique imprévoyante : ou compromettre la paix de l'Europe, ou combattre nos voisins les plus chers. »

Après avoir fait allusion, avec une indignation contenue, à la conduite du gouvernement à l'égard des réfugiés espagnols, et manifesté quelques craintes sur les vues de l'administration relativement à la conservation d'Alger : « Sommes-nous enchaînés par les traités de 1814, dit-il en se résumant ? que faisons, que ferons-nous dans la question belge ? Quelle est notre position à l'égard de l'Espagne ? Est-il vrai que les Français ne jouissent plus dans la péninsule de la protection qui leur est due ? Est-il vrai que l'armée espagnole ait violé notre territoire ? Enfin, que veut-on faire de la partie de l'Afrique que notre jeune armée a conquise ? » Cette harangue souleva une vive agitation. Mauguin signa le Compte rendu de l'opposition (1832).

Mais la mort du général Lamarque lui fit négliger un peu le service de la guerre pour le département des colonies. Ce ne fut pas sans quelque surprise que les démocrates virent avec quelle ardeur il soutint, contre tout projet d'abolition de l'esclavage, les idées et les sentiments des colons propriétaires.

Mais son caractère, plus encore que sa politique, finit par l'isoler dans la Chambre: on remarqua qu'il se faisait une position à part dans toutes les questions et l'on put dire que « s'il était un adversaire dangereux, il n'était pas un ami commode ». Plus d'une fois, sa parole incisive et mordante souleva des orages parlementaires, et il eut avec M. Viennet, le 14 décembre 1831, un duel d'ailleurs inoffensif.

Dans les dernières années du règne, certaines de ses opinions semblaient s'être modifiées ; il était devenu partisan de l'alliance franco-russe. Adversaire du ministère Guizot, comme de tous ceux qui s'étaient succédé au pouvoir, il avait cependant perdu une grande partie de son influence lorsque la révolution de février 1848 éclata. On lui reprochait d'avoir mêlé son nom et compromis sa dignité dans des affaires obscures, des spéculations équivoques, d'avoir fait un usage inexpliqué des fonds secrets des colonies, dont il avait été un des délégués, d'avoir acheté, dans des vues personnelles, puis revendu au prince Louis Bonaparte, le journal le Commerce. « C'est une parole enchaînée, disait de lui un biographe, c'est un mandat électoral paralysé, annulé. »

Ce mandat, il le reçut encore, le 23 avril 1848, des électeurs de la Côte-d'Or, qui l'envoyèrent à la Constituante, le 3e sur 10, par 71 497 voix. Il y fit partie du comité des affaires étrangères et, nommé rapporteur de la commission sur l'impôt des boissons, il conclut à l'abolition de cet impôt. Mauguin vota le plus souvent avec la droite :
- pour le rétablissement du cautionnement et de la contrainte par corps,
- pour les poursuites contre Louis Blanc et Caussidière,
- contre l'abolition de la peine de mort,
- contre l'amendement Grévy,
- contre le droit au travail,
- contre l'amnistie,
- pour les crédits de l'expédition romaine, etc.

Réélu, le 1er sur 8, représentant de la Côte-d'Or à l'Assemblée législative, le 13 mai 1849, par 54 469 voix (92 695 votants, 118 563 inscrits), il parut disposé à reprendre un rôle parlementaire plus actif, en ce qui concernait surtout les affaires étrangères. Après avoir approuvé la marche de l'expédition de Rome, il proposa (juin 1849) un ordre du jour motivé pour appeler l'attention du gouvernement sur les mouvements et les complications militaires qui se produisaient en Europe ; l'Assemblée adopta l'ordre du jour pur et simple. Il eut encore quelques velléités d'opposition.

Mais, le 27 décembre 1850, les poursuites d'un créancier, M. Chéron, vinrent porter le préjudice le plus grave à sa carrière d'homme d'Etat : arrêté par un garde du commerce, et conduit à la prison de la rue de Clichy, il y fut maintenu provisoirement, par une décision du tribunal civil de la Seine, jusqu'à ce que l'Assemblée, émue de cette atteinte portée à l'inviolabilité d'un de ses membres, eut pris la résolution de requérir un bataillon de ligne et de faire procéder de force à l'élargissement du représentant incarcéré.

Mauguin fut rendu à la vie privée par le coup d'Etat du 2 décembre 1851. Il se retira alors chez sa fille, la comtesse de Rochefort, et mourut à Saumur en 1854.

Cormenin, qui ne l'aimait pas, faisait le plus grand cas de son éloquence : « Excellent orateur, a-t-il écrit de lui, quelquefois à l'égal des plus grands, toujours plein, lucide, concis, ferme, incisif ; esprit à ressources, étendu, pénétrant, flexible, calculateur, serein dans l'orage, maître de ses passions, moins pour les réprimer que pour les conduire, et ne suspendant ses impatiences que pour mieux affiler et relancer les traits amortis qu'on lui jetait ; homme de grâce et de séduction, un peu présomptueux, avide de louanges, et qu'on ne pouvait, pour tout dire en un mot aimer fortement ni haïr. »

Mauguin a laissé des mémoires judiciaires, dont un pour Ouvrard sur les affaires d'Espagne (1836), divers rapports parlementaires, et des plaidoyers imprimés séparément.