Rubrique > eau
Tête d'analyse > distribution
Analyse > impayés. coupures d'eau. réglementation.
M. Martial Saddier attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur les dispositions relatives à l'interdiction des coupures d'eau en cas d'impayés, établies par la loi de transition énergétique. À la différence des mesures relatives à l'électricité ou au gaz, l'eau est désormais frappée d'une interdiction générale de coupure d'alimentation. Pour éviter que cette interdiction générale ne pénalise gravement les distributeurs d'eau, publics et privés, la commission spéciale avait introduit, à l'initiative de son président M. Brottes, un dispositif de réduction d'alimentation en eau pour éviter notamment que des mauvais payeurs de mauvaise foi ne s'éternisent dans une telle situation. Le 22 juillet 2015, dans la précipitation des fins de débats en fin de séance, en moins de 180 secondes, l'amendement en question a été écarté du débat (amendement sur l'article 60 bis A). Si bien qu'aujourd'hui le vide ainsi créé nécessite quelques clarifications. Une clarification qui appelle quatre remarques techniques préalables. Le dispositif de réduction de débit d'alimentation en eau fonctionne déjà pour éviter des dérives qui entraîneraient à terme soit la détérioration d'exploitations de l'eau (publiques et privées) par une explosion des impayés soit la hausse du prix de l'eau pour compenser sur les bons payeurs l'impact des mauvais payeurs. La pastille réductrice de débit est un dispositif qui a fait ses preuves. Ainsi, les réductions de débits sont pratiquées depuis 17 ans sur le Grand Lyon. Elles sont mises en œuvre sur tous les compteurs accessibles pour les clients domestiques sans distinction de résidence principale ou secondaire. Leur efficacité est forte : règlement de 75 % des dossiers après paiement sous 48 heures. De façon pratique, la réduction de débit s'obtient dans ce cadre en insérant un disque en téflon à l'écrou aval du compteur. Le diamètre de percement est très faible (1/8mm) ce qui permet avec 3 bar de pression de desservir 5 litres d'eau par heure. Cette mesure permet de satisfaire aux besoins de base d'hygiène en se lavant au lavabo, d'alimentation en remplissant casserole et biberon et de chauffage qui est en circuit fermé. En second lieu, ce dispositif est le seul de nature à désormais permettre une gestion rapide d'impayés sans avoir à attendre le dénouement de procédures judiciaires longues et qui surtout exposent les intéressés à des coûts particulièrement élevés souvent disproportionnés par rapport à la facture initiale. Si bien qu'attendre l'issue desdites procédures se retourne dans la totalité des cas contre l'intérêt financier des débiteurs. Troisièmement, la gestion de l'eau est régie en France par un principe fondamental selon lequel « l'eau paye l'eau ». Déséquilibrer la chaîne de gestion de l'eau par une explosion d'impayés serait de nature à terriblement impacter un secteur qui doit faire face à des investissements lourds incontournables vis-à-vis desquels des retards déjà importants ont parfois été pris. Ainsi, à titre d'exemple parmi de nombreux autres éventuels, actuellement, 0,6 % des réseaux d'eau potable est renouvelé en moyenne chaque année. À ce rythme, il faudrait 160 ans pour les remplacer, alors que la durée de vie d'une canalisation est en principe de 30 à 80 ans. Aussi les observateurs du secteur s'accordent à dire que l'objectif de renouvellement devrait être de l'ordre de 1,2 % du linéaire par an, en moyenne nationale. Autrement dit, le niveau d'investissement annuel de renouvellement, qui est de l'ordre de 800 millions d'euros, devrait être doublé et atteindre 1,6 milliards d'euros environ. Enfin, l'explosion éventuelle des impayés impactera sévèrement les distributeurs publics et privés dans des conditions qui ne peuvent que faire craindre des tensions fortes rapides sur le prix de l'eau comme une baisse préjudiciable de la performance des actions dans ce domaine. En conséquence, pour éviter de tels risques et sans attendre les résultats de contentieux probables à venir faute d'une telle clarification, il lui demande de bien vouloir confirmer que le dispositif de réduction de débit, frappé d'aucune interdiction légale expresse, et donc déjà pratiqué dans certaines géographies, est une mesure légale de nature à être mise en œuvre face à des impayés en matière d'alimentation en eau.