Robert Boulin

1920 - 1979

Informations générales
  • Né le 20 juillet 1920 à Villandraut (Gironde - France)
  • Décédé le 29 octobre 1979 à Saint-Léger-en-Yvelines (Yvelines - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 30 novembre 1958 au 24 septembre 1961
Département
Gironde
Groupe
Union pour la nouvelle République
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IIe législature
Mandat
Du 25 novembre 1962 au 6 janvier 1963
Département
Gironde
Groupe
Union pour la nouvelle République-UDT
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 12 mars 1967 au 7 mai 1967
Département
Gironde
Groupe
Union démocratique pour la V° République
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IVe législature
Mandat
Du 23 juin 1968 au 12 août 1968
Département
Gironde
Groupe
Union des démocrates pour la République
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ve législature
Mandat
Du 2 avril 1973 au 27 septembre 1976
Département
Gironde
Groupe
Union des démocrates pour la République
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIe législature
Mandat
Du 3 avril 1978 au 5 mai 1978
Département
Gironde
Groupe
Rassemblement pour la République

Biographies

Biographie de la Ve République

BOULIN (Robert)
Né le 20 juillet 1920 à Villandraut (Gironde)
Décédé le 29 octobre 1979 en forêt de Rambouillet au lieu-dit de l’Etang rompu (Yvelines)


Député de la neuvième circonscription de la Gironde du 30 novembre 1958 au 5 mai 1978
Secrétaire d’Etat aux Rapatriés du 24 août 1961 au 10 septembre 1962
Secrétaire d’Etat au Budget du 11 septembre 1962 au 1er avril 1967
Secrétaire d’Etat à l’Economie et aux Finances du 7 avril 1967 au 30 mai 1968
Ministre de la Fonction Publique du 31 mai 1968 au 10 juillet 1968
Ministre de l’Agriculture du 12 juillet 1968 au 20 juin 1969
Ministre de la Santé publique et de la Sécurité sociale du 22 juin 1969 au 5 juillet 1972
Ministre délégué auprès du Premier Ministre, chargé des relations avec le Parlement du 6 juillet 1972 au 28 mars 1973
Ministre chargé des relations avec le Parlement du 27 août 1976 au 30 mars 1977
Ministre délégué à l’Economie et aux Finances du 30 mars 1977 au 31 mars 1978
Ministre du Travail et de la Participation du 6 avril 1978 au 30 octobre 1979

Né d’un père gascon contrôleur des manufactures des tabacs et d’une mère girondine, Robert Boulin connaît avant-guerre une scolarité honorable au lycée de Talence et de Bordeaux. Bien qu’il caressât l’ambition de devenir médecin, il s’inscrit alors, dans cette même ville à la Faculté des lettres dont il sort licencié en droit et titulaire d’un certificat d’histoire et de philosophie. Il partage alors son temps entre de nombreuses lectures et une troupe de théâtre amateur.

La vie de Boulin est bouleversée par l’entrée en guerre de la France en 1939, l’armistice de juin 1940 et plus encore par la disparition brutale de son père le 5 août suivant en raison d’une rupture d’anévrisme. En entendant Pétain à la radio, le jeune Boulin déclara « Ce n’est pas la voix de la France » Il décide de prendre le maquis dans la forêt landaise, où il s’était engagé comme bûcheron, et intègre le réseau Navarre dont il devient le chef départemental pour la Gironde. Il prend Bertrand pour nom de résistance en référence à Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, devenu pape en 1350 sous le patronyme de Clément V, référence explicite qui signe son catholicisme sincère et qu’il ne laissera pas de pratiquer avec ferveur. Cette adhésion spirituelle ne l’empêchera cependant pas d’entrer en maçonnerie dans les années 1970 où il a été initié à la Grande Loge de France.

La carrière du jeune homme se mue alors en destinée. Très rapidement répertorié, comme « agent P2 », c’est-à-dire entièrement dédié à l’activité résistante, il joue « à la main chaude avec la mort » comme se plaisait à le dire Chaban Delmas en faisant passer des juifs en zone libre ou plastiquant des trains. Engagé volontaire en février 1943 dans le sillage de la création des MUR, il poursuit ses activités résistantes mais devient l’un des personnages les plus recherchés par les Allemands. Une circulaire de police du 7 juillet 1944 réclame ainsi son internement administratif. Il échappe de peu à plusieurs tentatives d’arrestation puis participe activement à la Libération de Bordeaux et de Libourne. Il est décoré à ce titre de la médaille de la Résistance et de la Croix de Guerre 1939-1945.

Il prête serment en 1945, « la robe sur l’uniforme » selon ses propres termes et s’inscrit au barreau de Bordeaux où il n’exerce qu’une année. Il rencontre alors celle qu’il épousera en avril 1947, Colette Lalande. De retour à Libourne, il se rattache à son barreau en 1946 mais tourne déjà son regard vers l’horizon politique. Il rejoint l’année suivante le RPF dont il est immédiatement désigné responsable de la section locale de Libourne, fonctions qu’il occupe jusqu’en 1953 à l’occasion de la mise en sommeil du rassemblement du général de Gaulle pour qui il eut toujours une admiration intransigeante. N’avait-il pas coutume de déclarer « Je suis un enragé du gaullisme » ?
Après l’échec du RPF, Boulin adhère aux Républicains sociaux créés par Jacques Chaban Delmas qui en fait un membre du conseil national. Cette rapide promotion est naturellement imputable à la proximité géographique et amicale qu’il entretient avec ce dernier. L’autre parrain dont le rôle fut décisif dans son engagement est assurément Olivier Guichard qui le poussa à présenter sa candidature aux élections municipales de Libourne dont il devint le maire en 1959. Il le demeurera jusqu’à sa disparition en 1979.

Mais la véritable entrée en politique, au sens électoral du terme, de Robert Boulin est cependant plus tardive. Dans le sillage du retour au pouvoir du général de Gaulle, il reçoit l’investiture UNR en vue des élections législatives des 23 et 30 novembre 1958 dans la 9ème circonscription de la Gironde qui regroupe les cantons de Libourne, Castillon-la-Bataille, Coutras, Lussac, Pujols et Sainte-Foy-la-Grande.
Au terme du premier tour de ce scrutin, il émarge légèrement en tête. Avec 11 181 des 39 980 suffrages exprimés ; soit 28 % des voix, il devance d’un cheveu le candidat SFIO Jean-Raymond Guillon (27,4%) mais peut compter sur le désistement des candidats d’Union républicaine et libérale Jean Dubois-Challon (18,9 %) et Républicain indépendant Robert Guichard (7,7 %) et le maintien du candidat communiste (10 %) qui, provoquant une triangulaire objectivement défavorable au socialiste, en entraîna l’échec. En effet, le 30 novembre, Boulin, avec 23 581 des 39 812 suffrages exprimés, soit 59,2% des voix, l’emporte haut la main face à son concurrent socialiste qui n’enregistre qu’un score de 31,1 % tandis que le communiste doit se contenter que de 9,7% des suffrages.

Une fois son élection validée le 9 novembre 1958, Robert Boulin est nommé membre des Commissions des lois, constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République (1959-1960), de la production et des échanges (1961), de celle chargée d’examiner les problèmes intéressant l’administration communale et d’étudier les modifications qui pourraient être apportées à la législation en vigueur (1959) ou encore de la Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi de finances rectificative pour 1961. À ces divers titres, il est à l’origine d’une petite dizaine de rapports ou propositions de loi portant pour l’essentiel sur l’administration générale de la République, la fiscalité sur les vins et spiritueux, l’indemnisation de viticulteurs sinistrés par diverses intempéries ou l’amélioration de la condition agricole dans les DOM. Il est également l’auteur d’une douzaine d’interventions en séance relatives aux rentes viagères, aux assurances agricoles ; à la protection de l’environnement ou encore au régime foncier des DOM.

À la faveur du remaniement du gouvernement Debré du 24 août 1961 et à la demande du général de Gaulle, Robert Boulin fait son entrée au secrétariat d’Etat aux Rapatriés dont il est historiquement le premier titulaire à l’heure où paraît inéluctable la fin de l’Algérie française. Il occupe ces fonctions jusqu’au 10 septembre 1962 à l’occasion de la seconde modification du gouvernement Pompidou. Durant cette période, il défend le projet de loi relatif à l’accueil et à la réinstallation des Français d’outre-mer et répond à diverses questions relatives à la politique du gouvernement des rapatriés. Par la suite, il est nommé secrétaire d’Etat au Budget le 11 septembre, portefeuille qu’il conserve jusqu’aux élections législatives anticipées de novembre 1962 provoquées par la dissolution consécutive à la motion de censure ayant renversé le gouvernement Pompidou. En cette nouvelle qualité ministérielle, Robert Boulin n’a cependant pas l’occasion de manifester une quelconque activité au sein des deux assemblées.

Durant cette première législature de la Ve République, il vote la confiance au gouvernement Debré, rejette la plupart des amendements relatifs à la modification du règlement définitif de l’Assemblée nationale hormis celui du député Souchal mais vote la mouture finale du texte. Il se prononce en faveur du projet sur l’enseignement privé, les pouvoirs spéciaux ou encore la réforme du titre XII de la Constitution. Il vote l’investiture du gouvernement Pompidou et refuse de voter la motion de censure qui conduit à la dissolution de l’Assemblée nationale.

Toujours candidat dans cette 9ème circonscription de Gironde, le tout jeune secrétaire d’Etat reçoit derechef l’investiture de l’UNR, secondé pour la circonstance par son suppléant André Lathière. Au soir du premier tour, le 18 novembre 1962, avec 16 350 voix, il recueille 48,2 % des suffrages et devance ainsi largement ses concurrents, au premier desquels le conseiller général socialiste Jean Bernardet (19,5 %), les candidats CNI Guy Duluc (14,7 %) et communiste André Gaillard (13,2 %). Le retrait du candidat indépendant en faveur du député sortant assure à Boulin une réélection quasi certaine. Le 25 novembre, ce dernier, recueillant quelque 20 251 des 35 707 suffrages exprimés, soit 56,7 % des voix, l’emporte largement sur son adversaire socialiste.

Alors que l’Assemblée nationale prend acte de son élection le 6 décembre 1962, il s’inscrit, pour la forme, au groupe parlementaire de l’Union pour la nouvelle République, Union démocratique du travail le 11 décembre suivant. Il est cependant confirmé, entretemps, à son poste de secrétaire d’Etat au Budget qu’il occupera tout au long de la législature, franchissant sans encombre le remaniement de janvier 1966 consécutif à l’élection au suffrage universel du général de Gaulle à la présidence de la République. Il seconde alors un certain ministre appelé Valéry Giscard d’Estaing. Durant ces cinq années, il prend régulièrement la parole lors de chacune des discussions des projets de loi de finances ou projets rectificatifs mais aussi de ceux relatifs aux questions douanières ou de taxes liées aux importations. Il intervient tout aussi régulièrement sur les problèmes de Code des pensions civiles et militaires de retraite, le régime fiscal particulier des tabacs consommés dans les DOM, l’intégration fiscale des communes fusionnées, les contrats d’assurance ou encore l’usure, les prêts d’argent et certaines opérations de démarchage et de publicité. Tout au long de ces cinq années, il répond dans ce cadre à d’innombrables questions de parlementaires de tous bords politiques.

Robert Boulin présente à nouveau sa candidature aux élections législatives des 5 et 12 mars 1967. Il se trouve opposé à Lucien Figeac ; candidat apparenté socialiste qui recueille 23,1 % des voix, le communiste Jacques Soulignac (15,6 %) et le non inscrit Guy Pehourcq (6,2 %). À droite, il convient de relever la candidature de Roger Palmieri, candidat itinérant et néo-vichyste muant au gré des opportunités électorales d’étiquettes aguicheuses en appellations trompeuses, celle en date étant de « large concorde républicaine et [de] défense paysanne », la variation des titulatures et des circonscriptions n’ayant aucune influence électorale sur un score qui, pour l’occasion, continuait de voisiner avec les 6 % des voix. Boulin distance très nettement tous ses concurrents au premier tour puisqu’avec 21 078 des 42 942 des voix exprimées soit 49,1 % des suffrages ; il frôle la réélection dès le premier tour. La tâche n’est pourtant pas si évidente puisque la combinaison d’un excellent report des voix à gauche, l’absence de consigne ou l’appel de Palmieri à faire battre le « ministre du Général » ne laisse à celui-ci peu ou pas de réserve de voix. Huit jours plus tard, avec 21 940 des 42 857 suffrages exprimés, soit un gain net de 862 voix à participation quasi constante, Boulin ne l’emporte qu’avec 51,2 %. Le scrutin, il est vrai, enregistrait à l’échelle nationale un reflux assez sévère du parti comme de ses alliés soutenant le général de Gaulle.

Une fois son élection validée, le 3 avril 1967, il s’inscrit le même jour au groupe parlementaire Union démocratique pour la Ve République et est nommé quelques jours après membre de la Commission de la défense nationale et des forces armées. Confirmé dans le même temps dans ses fonctions de secrétaire d’Etat à l’Economie et aux Finances chargé du Budget, il renonce le 7 mai suivant à son mandat de député et devient, un an plus tard, le 31 mai 1968, dans le quatrième gouvernement Pompidou remanié, ministre de la Fonction publique.

Dans ce mince intervalle parlementaire, provoqué par la dissolution voulue par le général de Gaulle au lendemain des événements de mai 1968, il prend part aux différents projets de loi de finances rectificative, portant réforme du régime relatif aux droits de port et de navigation ou à diverses propositions intéressant la fonction publique. À ce titre, il intervient tout aussi régulièrement en séance et répond aux questions de nombreux députés de tous horizons avec tact, diplomatie mais fermeté.

Le scrutin anticipé et provoqué des 23 et 30 juin 1968 créa moins de souci à celui devenu entretemps et depuis peu ministre de plein exercice. Candidat contre les mêmes représentants des partis socialiste et communiste et de Claude Raby, investi pour l’occasion par les listes de Progrès et démocratie moderne, Boulin, candidat UDR, obtient dès le premier tour 21 461 des 42 784 suffrages exprimés, soit 50,2 % des voix contre respectivement 29,9 %, 12,4 % et 7,5 % à ses trois rivaux. Il est donc réélu dès le premier tour ; signe conjoint de la solidité de son ancrage en Gironde comme de la poussée gaulliste au lendemain de mai 1968.

Alors que l’Assemblée nationale prenait acte de sa réélection le 11 juillet, Robert Boulin, s’étant formellement inscrit au groupe UDR le même jour et ayant, deux jours après, été élu à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale, est nommé dans le gouvernement Couve de Murville, ministre de l’Agriculture, en remplacement d’Edgar Faure passé pour la circonstance au ministère de l’Education nationale. Il dépose et défend, à cette occasion, quelque sept projets de loi relatifs aux statuts des paysans étrangers en France, au Code rural ou à l’encadrement législatif de la profession comme de la production viticoles nationales. Il répond en outre à de nombreuses questions ayant partie liée à l’élevage, à la production laitière ou maraîchère.

La démission du général de Gaulle et l’élection de Georges Pompidou conduisent Jacques Chaban Delmas, son mentor en politique, à Matignon et à le reconduire comme ministre mais cette fois-ci, le 20 juin 1969, de la Santé publique et de la Sécurité sociale. Il le demeurera jusqu’au 5 juillet 1972. Durant ce long ministère, il dépose quelque dix-huit projets de loi portant pour la plupart sur la réforme du Code de la santé publique, en faveur des handicapés ou encore de l’amélioration des régimes de retraite de diverses professions ou catégories sociales. Robert Boulin, durant ces trois années, ne ménage pas sa parole et prend part à de nombreuses discussions comme il prend le temps et le soin de répondre aux parlementaires intervenant sur ces questions.

Du 6 juillet 1972, date de la formation du gouvernement Messmer au lendemain de la démission de Chaban, au 28 mars 1973, le ministère délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement échoit à Boulin. Il ne prend que sporadiquement la parole pour répondre ici ou là à tel ou tel parlementaire, notamment lors de l’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1973, mais ne dépose aucun projet de loi.

Les élections législatives des 4 et 11 mars 1973 ne se présentent guère sous un jour défavorable pour Robert Boulin, une fois encore investi par l’Union des Républicains de progrès. Les candidatures à gauche mettent de nouveau en compétition le socialiste Figeac, le communiste Soulignac mais, pour la première fois, le représentant de Lutte ouvrière Alexandre Tessonnaud. Mais les nouvelles mouvances de droite commencent également de se faire connaître. Ainsi de l’inlassable Palmieri candidat sous la bannière du Front national, de Paul Gayache, candidat du Mouvement réformateur. Les candidatures de Camille Bornerie pour le compte des Indépendants libéraux ou de Jean Barbet qui se réclame de l’Union pour la majorité présidentielle de soutien au Président de la République… Avec 20 144 des 45 297 suffrages exprimés, soit 44,5 % des voix, Boulin devance de beaucoup le socialiste (25,2 %) et le communiste (16,1 %). Le second tour voit un excellent report de voix sur le candidat socialiste en raison des accords électoraux liés à la signature du programme commun en juin de l’année précédente tandis que Boulin ne bénéficie que d’une réserve de suffrages assez mince. Elle est cependant suffisante pour lui permettre d’être réélu une quatrième fois avec 23 887 des 46 226 voix exprimées, soit 51,7 %.

Au lendemain de ces élections législatives, le remaniement du second gouvernement Messmer entraîne un resserrement de son équipe et l’éviction des proches de Chaban. Boulin en fait les frais et se voit évincé de l’équipe en place au profit de Joseph Comiti. Après la validation de son élection par l’Assemblée le 2 avril 1973, il s’inscrit alors au groupe UDR auquel il décide de cesser d’appartenir le 17 décembre 1974, rejoignant ainsi le « groupe » des non inscrits. Il opte finalement pour une réintégration au sein du groupe UDR le 20 février 1975. Il a en outre été membre de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales à partir du 5 avril 1973 qu’il quitte en décembre 1974 mais regagne en avril 1975 jusqu’à ce qu’il retrouve un portefeuille ministériel, en l’occurrence celui du ministère plein des Relations avec le Parlement le 27 août 1976 avec l’arrivée à Matignon de Raymond Barre au lendemain de la démission de Jacques Chirac.

Durant ces trois années où il était redevenu simple député de Gironde, Boulin mène une activité parlementaire assez modeste, ne se signalant que par de deux propositions de loi relatives à l’encadrement de l’appellation « Saint-Émilion » ou à l’étendue des pouvoirs du conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux. Par ailleurs, il intervient certes sur ces mêmes questions mais également sur différents projets de loi attenant au commerce et à l’artisanat, ceux relatifs aux projets de loi de finances, ou rectificative, à l’IVG, à la compensation de régimes de base de sécurité sociale.

Durant cet intervalle, le député Boulin a pris part à un certain nombre de votes. Il vote, le 12 avril 1973, la confiance à Pierre Messmer au lendemain des législatives puis à Jacques Chirac après sa nomination par Valéry Giscard d’Estaing, la modification des articles 6, 25 puis 7 de la Constitution. En revanche, le catholique pratiquant s’oppose au projet de loi sur l’IVG, s’abstient volontairement sur le projet de loi relatif au divorce.

Le scrutin législatif des 12 et 19 mars 1978, annoncé comme une défaite programmée du Président de la République comme de ses alliés gaullistes, mettait à rude épreuve la candidature de Boulin, seul représentant pour l’occasion de la majorité. Opposé au conseiller général et maire socialiste de Sainte-Foy-la-Grande, Pierre Lart, secondé par Gilbert Mitterrand, à Jean Cucurull du parti communiste et à la candidate LO Monique Hill, il devance, avec 25 898 des 53 187 suffrages exprimés, soit 48,1 % des voix, ses concurrents socialiste, communiste et trotskyste qui ne recueillent respectivement que 33,1 %, 15,1 % et 3,1 % des voix. Boulin ne dispose mathématiquement d’aucune réserve de voix. Mais une mobilisation de l’électorat abstentionniste durant l’entre-deux-tours, sans doute imputable aux effets entrainants du discours du président Giscard d’Estaing de Verdun-sur-le-Doubs en janvier, a permis à Boulin de l’emporter au second tour avec 50,8 % des voix contre le candidat socialiste Pierre Lart tout en progressant en une semaine de quelque 2 150 voix cependant que la masse des exprimés augmentait d’autant.

Une fois son élection validée le 3 avril 1978, Robert Boulin s’inscrit au groupe RPR mais retrouve surtout un portefeuille ministériel, en l’occurrence celui du Travail et de la Participation, dans le troisième gouvernement Barre. D’emblée il témoigne d’un activisme législatif assez éloquent. Il est à l’origine d’une quinzaine de projets de loi portant sur l’emploi des jeunes, la réforme des prud’hommes, la participation des cadres aux conseils d’administration et de surveillance de certaines entreprises, la mobilité des salariés, la durée hebdomadaire du travail, le travail temporaire, le travail des immigrés ou encore l’apprentissage artisanal. Il répond en outre à de très nombreuses questions de parlementaires.

Ce gaulliste réputé « giscardien » qui détient alors le record de longévité ministérielle occupe un ministère très important à l’heure où la France s’enfonce dans le chômage de masse. Entretenant de mauvaises relations avec Jacques Chirac dont il n’a guère goûté la conquête à la hussarde du parti gaulliste, il est considéré, après les législatives de 1978, comme l’un des possibles successeurs de Raymond Barre. Mais cet horizon politique en apparence radieux, s’obscurcit en 1979.

L’origine de ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire de Ramatuelle » remonte à 1974. Alors redevenu simple député, Boulin désire acheter une propriété sur la Côte d’Azur. Il entre en relations avec un certain Henri Tournet, propriétaire peu scrupuleux d’un terrain qu’il avait déjà vendu à des investisseurs normands. La Chambre des notaires dépose alors une plainte qui mettra de longs mois avant d’aboutir et de confondre l’escroc. Cependant, l’affaire prend un tour politico-judiciaire autrement plus dramatique pour Boulin. Des lettres anonymes parviennent durant l’automne 1979 à diverses rédactions de journaux mettant personnellement en cause ce dernier et l’accusant d’avoir acquis illégalement cette garrigue sinon de l’avoir reçu gratuitement en échange d’interventions politiques. C’est du moins ce que déclare Tournet au juge Van Ruymbeke, alors tout à fait résolu à tirer au clair cet épineux dossier.

Rendue publique, cette affaire place Boulin au cœur de la tempête, lequel est contraint de se défendre publiquement sur les antennes radiophoniques le 21 octobre en ces termes : « Que voulez-vous que je réponde ? J'ai l'âme et la conscience tranquilles et j'ai été exemplaire. Peut-être encore plus que vous ne le pensez, parce qu'il y a des choses que je ne peux pas dire ici. ». Profondément touché par ces attaques répétées, il est retrouvé mort une semaine plus tard. En effet, le 30 octobre 1979 à 8 h 40, le corps de Robert Boulin est localisé autour de l'Étang Rompu dans la forêt de Rambouillet. Si l’enquête conclut au suicide à la suite de l’absorption d’une forte quantité de valium étayée par l’envoi à divers organes de presse d’une lettre justifiant son geste, des zones d’ombre persistent au point que la famille Boulin a décidé en juin 1983 de porter plainte contre X pour homicide volontaire. En effet, un certain nombre d’éléments discordants pourrait fragiliser la thèse du suicide selon les plaignants, d’autopsies partielles et contradictoires en destructions de preuves. En 1992, la Cour de cassation confirme le non-lieu. Malgré de nouvelles tentatives des proches de Robert Boulin, le procureur général de la Cour d’appel de Paris, Laurent Le Mesle, a rejeté une nouvelle demande de réouverture du dossier effectuée par sa fille Fabienne, qui semblait ainsi clore ce feuilleton juridique sans pour autant y porter définitivement une réponse convaincante. Mais le 10 septembre 2015 le parquet de Versailles a annoncé, l’ouverture d’une information judiciaire pour « arrestation, enlèvement et séquestration suivi de mort ou assassinat ».