Christian Fouchet
1911 - 1974
FOUCHET (Christian, Marie, Joseph)
Né le 17 novembre 1911 à Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise)
Décédé le 11 août 1974 à Genève (Suisse)
Député de la Seine de 1951 à 1955
Député de la Meurthe-et-Moselle en 1967, puis de 1968 à 1974
Ministre des affaires marocaines et tunisiennes du 19 juin 1954 au 23 février 1955
Ministre délégué auprès du Premier Ministre, chargé de l’Information du 11 septembre au 28 novembre 1962
Ministre de l’Education nationale du 28 novembre 1962 au 7 avril 1967
Ministre de l’Intérieur du 7 avril 1967 au 31 mai 1968
Fils d'un officier de cavalerie, Christian Fouchet poursuit ses études à la faculté de droit de Paris. Diplômé d'études supérieures d'économie politique, licencié en droit, diplômé de l'Ecole libre des sciences politiques, il est mobilisé en septembre 1939. Le 17 juin 1940, alors qu'il termine son stage d'élève observateur à la base aérienne de Mérignac, il se cache dans un avion anglais et rejoint la Grande-Bretagne afin d'y continuer le combat. A son arrivée à Londres, il se met aussitôt sous les ordres du général de Gaulle Envoyé au Tchad comme correspondant de guerre auprès du général Leclerc, il participe aux campagnes du Fezzan et de Libye, au moment de Bir Hakeim. Ses comptes rendus d'opérations militaires, écrits en première ligne, sont souvent les premiers documents français sur les combats en cours.
Nommé, en août 1944, secrétaire de l'ambassade de France à Moscou, puis délégué auprès du gouvernement provisoire polonais à Lublin, Christian Fouchet organise, pendant l'hiver 1944-1945, les secours aux prisonniers français libérés par l'armée soviétique. En janvier 1945, il est le premier occidental à pénétrer dans Varsovie. Le 8 août 1945, il est chargé du consulat général de France à Calcutta et délégué du gouvernement français aux Indes. A ce titre, il a la responsabilité des négociations avec le gouvernement de Delhi pour assurer le libre passage du ravitaillement du corps expéditionnaire français en Indochine. Il prépare, avec Nehru, l'ouverture de relations diplomatiques entre la France et l'Inde indépendante.
De retour en France au printemps 1947, Christian Fouchet se met à la disposition du général de Gaulle qui vient de fonder le RPF. Secrétaire administratif du mouvement, puis délégué général pour la région parisienne, il est chargé, jusqu'en 1951, de l'organisation des manifestations du RPF Aux élections législatives du 17 juin 1951, il est tête de liste du RPF dans la troisième circonscription de la Seine (3e, 4 e, 10 e, 11e, 12 e, 19 e et 20 e arrondissements de Paris) et obtient 113 494 voix sur 417 527 suffrages exprimés. Sa liste, qui réunit 27 % des suffrages, emporte trois des onze sièges à pourvoir.
Il fait partie de la Commission des affaires étrangères (1951-1953), de la Commission du suffrage universel (1951-1953), de la Commission de l'intérieur et de la Commission des finances (1954). Il est également nommé, le 5 mars 1954, membre de la Commission de coordination pour l'étude des questions relatives à la CECA. En juin 1953, Christian Fouchet est élu vice-président du groupe RPF Il intervient fréquemment à la tribune sur les problèmes d'Indochine et d'Afrique du Nord et accompagne le général de Gaulle dans son voyage en Tunisie en 1953.
Le 19 juin 1954, Pierre Mendès France fait appel à lui pour le portefeuille des Affaires tunisiennes et marocaines. Après deux années de terrorisme, le nouveau président du Conseil, accompagné de son ministre et du maréchal Juin, se rend à Carthage, le 31 juillet, pour y proclamer l'autonomie interne de la Tunisie. A son retour, Christian Fouchet doit faire face aux réticences de ses amis politiques et justifier de sa propre évolution intellectuelle face au problème tunisien (27 août). C'est à lui que revient, pendant les six mois suivants, la tâche de négocier les accords concernant la promesse faite à Carthage, au cours de pourparlers interminables et rompus à plusieurs reprises. Le 10 décembre, il intervient lors de la séance d'interpellations consacrées à la situation en Afrique du Nord, aux côtés de François Mitterrand, son collègue de l'Intérieur. Le gouvernement ayant été renversé le 4 février 1955, Christian Fouchet donne sa démission de ministre le lendemain et cesse d'expédier les affaires courantes le 23 février.
Durant la législature, il vote pour les lois Marie et Barangé en faveur de l'enseignement privé (21 septembre 1951), se prononce contre la ratification du traité instituant la CECA (13 décembre). Il s'abstient volontairement lors du vote d'investiture d'Antoine Pinay (6 mars 1952) et vote pour celle de Joseph Laniel (26 juin 1953), mais lui refuse la confiance après Diên-Biên-Phû (13 mai et 12 juin 1954). Ministre du cabinet Mendès France, il approuve les Accords de Genève qui mettent fin aux hostilités en Indochine (23 juillet) et ne prend pas part au vote sur la Communauté européenne de défense (30 août). Il s'abstient également lors du vote de confiance à Edgar Faure (23 février 1955) et lui refuse la confiance sur le mode de scrutin et la date des élections (29 novembre).
Lors des élections anticipées du 2 janvier 1956, la liste des Républicains sociaux conduite par Christian Fouchet ne réunit plus que 2,6 % des suffrages. Lui-même obtient 13 943 voix sur 496 495 suffrages exprimés qui ne lui permettent pas d'être réélu. Il réintègre alors l'administration centrale des Affaires étrangères, comme ministre plénipotentiaire.
Christian Fouchet est réintégré à l’administration centrale du Ministère des affaires étrangères après sa défaite aux élections législatives du 2 janvier 1956. Il n’est pas certain que le général de Gaulle lui tienne vraiment rigueur de sa participation au gouvernement de Pierre Mendès France : quoi qu’il en soit, Christian Fouchet voit l’ancien chef de la France Libre à dix reprises entre février 1956 et avril 1958. A partir de février 1958, il participe aux réunions régulières d’un petit groupe de diplomates gaullistes, dont Louis Joxe, Philippe Baudet, Pierre Sébilleau ou Pierre Maillard. En ces derniers mois de la IV e République se multiplient en effet les « comités d’études », « groupes de réflexion » et autres structures informelles, où de hauts fonctionnaires, des cadres de l’armée ou des hommes politiques essaient d’envisager l’avenir du pays. Christian Fouchet se réjouit évidemment du retour au pouvoir du général de Gaulle le 1er juin 1958, mais ce changement ne lui permet pas de retrouver immédiatement des fonctions ministérielles. Il est en effet nommé ambassadeur de France au Danemark le 12 juillet 1958 et gagne Copenhague en octobre. De Gaulle sait toutefois pouvoir compter sur la fidélité de Christian Fouchet pour des emplois délicats, comme lorsqu’il s’agit, à partir de 1961, de réfléchir à l’avenir de la construction européenne au sein d’une commission ad hoc.
Une commission intergouvernementale chargée d'étudier les problèmes concernant la coopération politique européenne avait été, en effet, instituée lors du Sommet européen de Paris les 10 et 11 février 1961. Lors du Sommet européen de Bonn, en juillet 1961 il avait été décidé par les chefs d’Etat et d gouvernement des Six que ce projet devait donner « forme à la volonté d'Union politique, déjà implicite dans les traités qui ont institué les Communautés européennes » .L’initiative gaullienne, que porte l’ambassadeur de France au Danemark Christian Fouchet, est un échec. Christian Fouchet a, auprès des partenaires européens de la France, défendu la vision gaullienne de l’Europe. Or l’Europe des Six ne réussit pas à s’accorder sur ce qu’on appelle le « Plan Fouchet », soit un texte qui proposait de revenir sur la logique fédérale de la construction européenne et d’y substituer un fonctionnement intergouvernemental. La loyauté de Christian Fouchet vis-à-vis du général de Gaulle lui vaut au reste d’être envoyé en Algérie comme Haut-commissaire après les accords d’Evian ; il vit des semaines difficiles dans cet entre-deux de l’histoire qu’est la période de mars à juillet 1962.
Après l’indépendance officielle de l’ancien territoire français, Christian Fouchet regagne la métropole et est nommé ministre délégué à l’Information le 12 septembre 1962. Il ne conserve cette responsabilité que quelques semaines, puisqu’il prend le portefeuille de l’Education nationale dans le gouvernement que forme Georges Pompidou après les législatives des 18 et 25 novembre 1962. L’un des défis auquel la France doit faire face en ces années 1960 est celui de la démocratisation de l’accès aux études supérieures, et donc de la massification. En 1963 des collèges d’enseignement secondaire (CES) sont mis en place et toute nouvelle création d’établissement de premier cycle doit prendre cette forme. Les CES comprennent trois filières : celle de l'enseignement général long (classique ou moderne long) aboutissant aux lycées et sanctionné par le baccalauréat ; un enseignement général court complété d'une classe complémentaire ou conduisant à l'enseignement professionnel en deux ans (CET) ; et un cycle de transition (6ème et 5ème) suivi d'un cycle terminal pratique. Il n’est pas encore question d’amener 80% d’une génération jusqu’au baccalauréat, mais la France a alors besoin de techniciens, d’ingénieurs et de cadres en général pour relever le défi de sa modernisation. Cette exigence est bien envisagée par l’exécutif mais, dans le détail, le Premier ministre Georges Pompidou se montre plus attaché aux formes traditionnelles de l’enseignement que son ministre de l’Education nationale. Les options de Christian Fouchet en matière de programmes scolaires ou de sélection sont, à cette époque, discrètement progressistes. Le ministre s’engage en faveur d’une amélioration très sensible de l’équipement scolaire et crée les Institut universitaires de technologie (IUT) en 1965-1966. Il s’agit, à ses yeux, d’une première étape vers la nécessaire réforme de l’Université.
A l’approche des législatives de mars 1967, de Gaulle invite chacun de ses ministres à prendre sa part du combat électoral de la majorité. Des ministres « techniciens » comme Maurice Couve de Murville, Louis Joxe ou Pierre Messmer sont invités à connaître l’épreuve du feu électoral. Pour Christian Fouchet, il s’agit de retrouvailles… Il se présente dans la 1ère circonscription de la Meurthe-et-Moselle, qui couvre le nord de l’agglomération nancéienne. Le sortant UNR, le bouillant avocat Roger Souchal, accepte de devenir son suppléant, avec l’assurance de siéger à l’Assemblée nationale si, comme il est probable, Christian Fouchet est élu député, puis confirmé au gouvernement. C’est du reste ce qui arrive, même si les voix modérées ont été disputées à Christian Fouchet, au 1er tour, par un universitaire se réclamant du Centre démocrate, Luc Bourcier de Carbon. L’ancien Français Libre ne siège donc pas au Palais-Bourbon sous la IIIe législature de la Ve République. Il demeure en effet membre du gouvernement après ces législatives difficiles pour le pouvoir, mais troque le portefeuille de l’Education nationale pour celui de l’Intérieur. Il succède place Beauvau à Roger Frey. C’est donc en « premier flic de France », selon la formule employée par Clemenceau au début du siècle, que Christian Fouchet doit faire face à la crise de mai 1968. Le ministre de l’Intérieur y semble quelque peu partagé entre, d’une part, le pragmatisme « ouvert » de Georges Pompidou et du préfet de police Maurice Grimaud et, d’autre part, l’approche plus répressive que préconise le général de Gaulle. Ancien ministre de l’Education nationale, il se sent doublement concerné par les événements mais ne sait pas vraiment comment les envisager. Georges Pompidou ne le fait pas figurer dans son dernier gouvernement, le 31 mai 1968, et lui donne le Républicain Indépendant Raymond Marcellin comme successeur au Ministère de l’Intérieur.
Privé de responsabilités gouvernementales, Christian Fouchet se présente aux législatives de juin 1968 dans la 5e circonscription de Meurthe-et-Moselle. A Nancy et à Pont-à-Mousson, qui avaient en effet été ses terres d’élection en mars 1967, il préfère désormais le Toulois, cette « terre de patriotes et de soldats », comme il l’écrit dans sa profession de foi électorale. Le député sortant André Picquot, issu des Républicains Indépendants, accepte de s’effacer devant l’ancien ministre et de devenir son suppléant, comme Roger Souchal dans la 1ère circonscription de Meurthe-et-Moselle en mars 1967. Il manque au tandem Fouchet-Picquot 40 voix seulement pour l’emporter dès le 1er tour. Mais le 30 juin 1968, 60,6% des électeurs de la 5e circonscription de la Meurthe-et-Moselle se prononcent en faveur de Christian Fouchet.
Inscrit au groupe de l’Union des démocrates pour la République (UDR) de l’Assemblée nationale, Christian Fouchet prend progressivement ses distances avec la majorité après la démission du général de Gaulle, le 27 avril 1969. Il reproche à Georges Pompidou d’avoir nommé ministres plusieurs des hommes qui ont provoqué le départ du général de Gaulle, comme Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Duhamel ou René Pleven. Puis, Christian Fouchet désapprouve l’exclusion de Louis Vallon du groupe gaulliste du Palais Bourbon en 1970, après que son collègue et ancien compagnon du RPF a fait paraître un pamphlet hostile au président Georges Pompidou, décrit en « anti-de Gaulle ». Au Conseil national de l’UDR à Versailles, en juin 1970, Christian Fouchet invite les gaullistes à tirer les leçons de l’élection de Jean-Jacques Servan-Schreiber dans son département de Meurthe-et-Moselle, face au gaulliste Roger Souchal. Il quitte définitivement l’UDR le 11 février 1971, en même temps que Jacques Vendroux, beau-frère du général de Gaulle, pour protester contre la conclusion d’ « alliances contraires à la morale politique ». Tous deux visent ainsi la présence de Jacques Soustelle sur les listes de la majorité pour les élections municipales, à Lyon. Non inscrit à l’Assemblée nationale à partir de février 1971, Christian Fouchet rompt un peu plus avec le pouvoir pompidolien en fondant, avec Jacques Vendroux, le « Mouvement pour l’avenir du peuple français » le 8 décembre 1972. Le nom de cette nouvelle formation politique fait volontairement référence au Rassemblement du peuple français (RPF) fondé par le général de Gaulle en avril 1947, et dont Christian Fouchet a été un des principaux responsables jusqu’en 1953.
Ses critiques, Christian Fouchet les fait plus volontiers entendre après 1969 devant des militants, comme ceux de l’Union des Jeunes pour le progrès (UJP) ou d’autres mouvements se réclamant du gaullisme en dehors de l’UDR, que dans l’hémicycle du Palais-Bourbon. Membre de la Commission de la défense nationale et des forces armées de juillet 1968 à avril 1969, il siège ensuite à la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Mais ses interventions en séances publiques au cours de la 4e législature de la Ve République (1968-1973) ont exclusivement trait aux problèmes de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, ou les dossiers qui concernent sa région d’élection, la Lorraine.
Christian Fouchet porte un jugement plutôt sévère sur la politique universitaire du gouvernement Couve de Murville, alors même le général de Gaulle est toujours chef de l’Etat. Lors de la séance publique du 4 octobre 1968, il reproche au ministre de l’Education nationale Edgar Faure d’avoir conçu pour l’enseignement supérieur une loi d’orientation qui fera « courir au pays dans l’avenir … de véritables dangers » en instituant la « cogestion » entre enseignants, personnels éducatifs et étudiants comme nouvelle règle de gouvernement des universités. Et de s’interroger sur ce paradoxe qui verrait les établissements publics d’enseignement supérieur « livrés à un régime d’assemblée dont le pays n’a pas voulu après en avoir expérimenté les terribles risques ? ». Christian Fouchet s’inquiète donc de ce que la loi d’orientation puisse « entretenir l’agitation » dans les universités et accoucher d’un « néo-corporatisme universitaires-étudiants ». En outre, ce texte méconnaît selon lui la nécessité de « répondre aux besoins de l’économie » pour concevoir de nouvelles formations universitaires. Comme ses compagnons gaullistes Alexandre Sanguinetti ou Raymond Triboulet, il s’abstient donc volontairement lors du vote par l’Assemblée nationale de ce projet de loi d’orientation, le 10 octobre 1968. Un an et demi après l’adoption de ce qu’on appelle déjà la « loi Faure », Christian Fouchet saisit l’occasion du débat qui suit une déclaration du Gouvernement sur les problèmes de l’enseignement pour répéter et compléter ses critiques de la réforme universitaire. Elles portent d’abord sur les risques de politisation des instances universitaires : « ne voit-on pas le risque considérable, extraordinaire que l’on court à abandonner au parti communiste l’appareil administratif de cette immense affaire qu’est l’éducation nationale ? ». Sur le fond, il s’oppose à « l’accès incontrôlé aux facultés », sans être partisan de la « sélection ». L’opposition entre les deux termes lui semble en effet « stérile et néfaste ». Et d’affirmer avec force qu’ « il n’y a jamais trop d’étudiants » mais qu’en revanche, « il y a des étudiants mal orientés », problème que la loi Faure n’aurait pas suffisamment embrassé (séance du 15 avril 1970). Assumer la massification de l’enseignement supérieur en orientant mieux, assurer l’ordre à l’université en ne confondant pas l’autonomie avec la cogestion : telles sont donc les options de l’ancien ministre de l’Education nationale Christian Fouchet pour l’enseignement supérieur, au tournant des années 60-70.
Il approuve néanmoins les projets défendus par les gouvernements de Jacques Chaban-Delmas, puis de Pierre Messmer, comme la loi dite « anti-casseurs » (4 juin 1970), la substitution d’un service « national » au seul service militaire (10 juin 1970) et la création des régions (27 avril 1972). Mais s’il vote la confiance au Premier ministre Jacques Chaban-Delmas après sa déclaration de politique générale le 15 octobre 1970, il choisit de s’abstenir volontairement lors du scrutin public demandé par Jacques Chaban-Delmas le 24 mai 1972 afin d’être conforté à la tête du gouvernement.
C’est dans cette Lorraine dont il redoute la progressive désindustrialisation (séance du 5 novembre 1971) que Christian Fouchet est à nouveau candidat aux élections législatives de mars 1973. Au printemps 1971, il avait pourtant fait part de son intention de se présenter dans la circonscription qui comprend sa ville natale de Saint-Germain-en-Laye, et dont son beau-frère Jean-Paul Palewski est le représentant à l’Assemblée nationale depuis 1958. Dès décembre 1971, il doit cependant renoncer à ce projet. C’est donc avec le même suppléant, le Républicain Indépendant André Picquot, et dans la même 5e circonscription de Meurthe-et-Moselle qu’il sollicite les suffrages des électeurs en 1973. Sa position au sein de la majorité n’est guère confortable, et l’UDR envisage un temps de présenter contre lui le jeune maire de Toul, avant de renoncer. Christian Fouchet a néanmoins une compétitrice au sein de la majorité : Claire Leclerc, ancienne suppléante d’André Picquot quand ce dernier était, sous son propre nom, député de la 5e circonscription de Meurthe-et-Moselle. Claire Leclerc se réclame d’Edgar Faure mais ne réussit pas à mettre en échec le « soldat perdu » du gaullisme qu’est alors Christian Fouchet, selon le mot d’un journaliste. Il est réélu député de la Meurthe-et-Moselle au second tour de scrutin, le 11 mars 1973.
Le contact entre Christian Fouchet et Georges Pompidou n’est jamais complètement rompu entre 1969 et 1974. Mais le député lorrain, qui regrette sans doute de ne pas siéger au gouvernement, est à la fois de plus en plus isolé et de plus en plus libre, voire inattendu dans ses prises de position sous la Ve législature de la Ve République. Il plaide ainsi résolument en faveur d’une armée de métier et regrette que la France entretienne « sous le nom illusoire de « divisions militaires », l’infrastructure d’avant 1914 au sein de laquelle des généraux et des états-majors sans troupes se morfondent ». Il préconise en revanche le maintien d’un service national purement civil, qui permettrait aux jeunes Français de « donner d’eux-mêmes » au service de la France (12 juin 1973).
Ses attaques les plus vives, Christian Fouchet les porte au nom de la défense l’héritage gaullien en matières d’institutions et de politique étrangère. Il rejette avec force la réduction du mandat présidentiel à 5 ans, (séance publique et vote du 16 octobre 1973), regrette l’entrée de la Grande-Bretagne dans l’Europe intégrée (20 juin 1973) et reproche au gouvernement de Pierre Messmer de déterminer ses prises de positions au Proche-Orient en fonction des perspectives de ventes d’armes. Il s’attriste de ce que dans cette région, « on ait l’impression que nos intérêts matériels nous ferment la bouche ». En pleine guerre du Kippour, Christian Fouchet se montre en effet plus attentif aux arguments d’Israël que la plupart des gaullistes (séance du 17 octobre 1973. Il vote la confiance au Premier ministre Pierre Messmer le 12 avril 1973.
Dès l’automne 1973, Christian Fouchet a laissé entendre qu’il serait candidat à la prochaine élection présidentielle, dont l’échéance est théoriquement fixée à 1976. Après la mort de Georges Pompidou le 2 avril 1974, il fait officiellement acte de candidature, mais reste très isolé dans sa démarche. Le Mouvement pour l’avenir du peuple français, qu’il a fondé en décembre 1972, se limite en réalité à quelques petits groupes de militants en Bretagne, dans le Nord et en Lorraine. Christian Fouchet se retire de la course aux suffrages des Français dès le 15 avril 1974, soit deux jours après qu’une partie des parlementaires gaullistes a appelé à voter pour le candidat le mieux placé de la majorité, soit Valéry Giscard d’Estaing plutôt que Jacques Chaban-Delmas. L’ancien Français Libre a alors des formules très dures sur « l’après pompidolisme, qui s’ouvre (…) dans le cliquetis des ambitions inutiles (…) et dans le retour à la pratique des assassinats du sérail et des marchands du Temple ». Il voit Valéry Giscard d’Estaing comme « le champion d’une société conservatrice et technocratique, à l’opposé du gaullisme ».
Une des dernières déclarations publiques de Christian Fouchet a pour cadre l’Assemblée nationale. Le 6 juin 1974, il explique en effet dans l’hémicycle son choix de l’abstention lors du vote sur la confiance au gouvernement de Jacques Chirac. Il craint que le projet de Valéry Giscard d’Estaing soit d’instaurer en France un régime présidentiel à l’américaine, insiste sur l’étroitesse de sa victoire et explique ce succès par « la crainte du communisme » plus que par « une véritable ardeur populaire ». Enfin, il n’hésite pas à pratiquer un humour acide en comparant Valéry Giscard d’Estaing à Napoléon Bonaparte lorsqu’il devint Premier consul : « Le Premier consul, encore qu’il eût (…) dix-huit ans de moins que M. Giscard d’Estaing (…) avait déjà derrière lui Arcole, Campo-Formio et les Pyramides, et le fait que M. Giscard d’Estaing ait régné pendant onze ans sur ce ministère situé rue de Rivoli ne fait pas le pendant ». Chez le nouveau Président de la République, il voit toujours et d’abord un des hommes qui ont provoqué l’échec du général de Gaulle, le 27 avril 1969. En réalité, depuis le départ puis la mort de l’ancien chef de la France Libre, Christian Fouchet semble orphelin, nostalgique des horizons héroïques de la France Libre et de la « grandeur » gaullienne. Depuis lors et à ses yeux, « les lauriers sont coupés », selon le titre qu’il donne au second tome de ses mémoires, en 1973. Christian Fouchet a en outre le sentiment d’avoir été victime d’une forme d’injustice ou d’ingratitude en étant définitivement écarté du gouvernement après mai 1968.
Le député de la Meurthe-et-Moselle est victime d’un infarctus lors de ses vacances au bord du lac Léman, le 31 juillet 1974. Il meurt à Genève quelques jours plus tard. Nombre de ceux qui l’ont côtoyé saluent alors la mémoire de ce gaulliste de la fidélité, au patriotisme exigeant.