Pierre, Auguste, Eugène Gaudin
1913 - 1978
GAUDIN (Pierre)
Né le 15 février 1913 à Fréjus (Var)
Décédé le 2 janvier 1977 au Luc (Var)
Député du Var de 1962 à 1978
Pierre Gaudin naît le 15 février 1913 à Fréjus. De son père agriculteur et maire du Luc dans l’entre-deux-guerres, il reçoit le goût de la vie publique. Après l’obtention du brevet élémentaire, Pierre Gaudin est reçu dans une Ecole supérieure de commerce dont il ressort diplômé avant la guerre. Il travaille un temps à la Société coopérative de consommation du Midi, puis reprend l’exploitation agricole familiale dans le Var, où la guerre le surprend. Agé de 26 ans, il est mobilisé dès septembre 1939 dans le 9e régiment de zouaves qui prend position dans le secteur de Sarreguemines, en Moselle. Après l’offensive allemande de mai 1940, le régiment combat dans l’Aisne. Pierre Gaudin tente de rejoindre le port d’évasion de Dunkerque, mais il est fait prisonnier. Interné au Stalag III C à Kustrin, il cherche à s’évader mais échoue. Il est alors dirigé vers le camp disciplinaire de Fürstenberg. Il n’en est libéré que le 30 mai 1945. A son retour de captivité, Pierre Gaudin est élu conseiller municipal du Luc. Devenu premier adjoint, il prend la tête de la mairie en 1959. Jusqu’à son décès, Pierre Gaudin restera maire de cette petite commune de quelques milliers d’habitants. En 1953, il est élu au conseil général du Var pour le canton du Luc et devient vice-président du conseil général.
Fort de son implantation locale, Pierre Gaudin est investi par la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) dans la première circonscription du Var, celle de Draguignan-Brignoles, lors des élections législatives de 1958. Dans cette terre de gauche, les élections sont marquées par la présence du communiste Fernand Arnaud, de Gabriel Escudier, dissident socialiste soutenant le général de Gaulle, et du candidat de l’Union pour la nouvelle République (UNR), Pierre Travers. Pierre Gaudin arrive en tête du premier tour avec 12 829 voix, talonné par Fernand Arnaud (11 708 voix) et Gabriel Escudier (10 671 voix). Le maintien au second tour du candidat communiste empêche Pierre Gaudin d’être élu. Il recueille 17 081 voix contre 18 297 à Gabriel Escudier, élu député, et 12 341 voix à Fernand Arnaud. Cet échec ne décourage nullement le maire du Luc, qui se présente à nouveau sous la bannière socialiste lors des élections législatives de 1962. Le candidat de la SFIO remporte 12 069 voix au premier tour, juste derrière le communiste Jean Bartolini (12 112 voix), mais devant le gaulliste Eugène Bonnet (9 656 voix) et le dissident de droite et ancien député, Angelin German (9 511 voix). Le second tour voit la victoire très nette de Pierre Gaudin, élu avec plus de 56 % des suffrages dans le cadre d’une triangulaire l’opposant à Eugène Bonnet (36 %) et Jean Bartolini (7 %).
Pierre Gaudin s’inscrit au groupe socialiste à son arrivée au Palais-Bourbon. Il est membre de la commission de la production et des échanges pendant toute la législature. Le député du Var est l’auteur d’une proposition de loi visant à renforcer les mesures de protection juridique en faveur des Français rapatriés, alors très nombreux dans le Var. En séance publique, Pierre Gaudin consacre l’essentiel de ses interventions à la défense de la ruralité, de la viticulture et à la protection des forêts, l’un de ses chevaux de bataille. Le maire du Luc préside d’ailleurs l’entente interdépartementale pour la protection de la forêt provençale contre l’incendie. Elu d’un département touristique, le député varois s’intéresse enfin à l’hôtellerie et à la création d’offices de tourisme dans les stations classées.
Lors des grands débats nationaux, Pierre Gaudin se prononce avec constance contre les mesures du gouvernement. Il s’oppose en effet à la ratification du traité de l’Elysée sur la coopération entre la France et la RFA (13 juin 1963), à l’encadrement des grèves dans les services publics (26 juillet 1963), à la réforme du mode d’élection des conseillers municipaux (17 juin 1964), ainsi qu’à celle du service national (26 mai 1965).
En 1967, le député du Var sollicite le renouvellement de son mandat parlementaire sous l’étiquette de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS). Les électeurs de la circonscription lui accordent 20 833 voix, et 37,8 % des suffrages exprimés contre 16 039 voix à Angelin German, à nouveau investi par les gaullistes, et 13 970 voix au communiste Guy Guigou. Resté seul candidat de la gauche au second tour, Pierre Gaudin bat largement Angelin German, en recueillant près de 64,6 % des suffrages exprimés.
Le député siège au groupe de la FGDS de l’Assemblée, ainsi qu’à la commission de la production et des échanges. A la tribune, il intervient deux fois durant cette courte législature. En avril 1967, Pierre Gaudin se fait le porte-parole des viticulteurs varois en difficulté. L’année suivante, en avril 1968, Pierre Gaudin pose une question relative aux travaux du canal de Provence. Le député est en effet membre de la Société du canal de Provence.
Opposant au gouvernement, le député varois s’associe aux trois motions de censure du 20 mai, du 9 juin et du 16 juin 1967 – en vain puisqu’elles n’obtiennent que 236 voix au lieu des 244 requises pour renverser le gouvernement. Il vote les motions de censure des 24 avril et 22mai 1968.
Après la dissolution de l’Assemblée nationale par le général de Gaulle au printemps 1968, alors qu’une vague gaulliste déferle sur le pays, Pierre Gaudin parvient à conserver son siège de député aux élections législatives au terme d’une élection serrée. Obtenant 16 458 voix au premier tour, il est devancé par le candidat gaulliste Angelin German, 21 470 voix, et suivi par le candidat communiste Guy Guigou, 12 424 voix, le gaulliste pouvant encore compter sur le report des 5 693 voix qui se sont portées sur le candidat du Centre démocratie et progrès (CDP), Paul Monzat. C’est pourtant Pierre Gaudin qui emporte le duel du second tour avec 29 478 voix, contre 27 566 à son adversaire de droite. Son discours très véhément, reprenant la dénonciation de « l’exercice solitaire du pouvoir » et mettant en garde contre « l’éventail de la peur », aura porté ses fruits.
Le député du Var, alors président de la fédération des élus socialistes et républicains, retrouve, à l’Assemblée nationale, le groupe de la FGDS, puis après sa dissolution, devient membre du groupe socialiste, le 30 octobre 1968. Il est à nouveau à la commission de la production et des échanges. Il dépose une proposition de loi tendant à considérer comme caduque, faute de ratifications par le Parlement, les ordonnances de 1960 sur les bouilleurs de cru. Ses centres d’intérêts demeurent les mêmes. Pierre Gaudin s’investit dans la lutte contre les incendies de forêts, la défense des viticulteurs varois et, plus généralement, l’agriculture. Un thème nouveau s’impose : le nucléaire. En effet, le Luc est l’un des cinq sites européens en concurrence pour l’implantation d’un accélérateur nucléaire. Pierre Gaudin s’inquiète à la tribune des rumeurs selon lesquelles la France renoncerait à l’établissement sur son territoire de ce synchrotron. Le CERN, organisation européenne pour la recherche nucléaire, implante finalement l’accélérateur de particules à Genève.
S’il vote en faveur du projet de loi d’orientation de l’enseignement supérieur (10 octobre 1968) adopté à l’unanimité, du projet de loi du 4 décembre 1968 concernant l’exercice du droit syndical dans les entreprises, du renforcement de la garantie des droits individuels des citoyens (28 mai 1970) et du service national ramené à douze mois (10 juin 1970), Pierre Gaudin ne soutient pas les gouvernements et, notamment, s’oppose au projet de loi Pleven dit « anticasseurs » (4 juin 1970), à la politique générale du gouvernement (15 octobre 1970 et 24 mai 1972) et à la création des régions (le 27 avril 1972).
Les élections législatives de 1973 sont à nouveau un succès pour le député sortant. Si le maire du Luc ne remporte que 19 980 voix et 31,6 % des suffrages exprimés au premier tour, il devance son concurrent communiste Guy Guigou, 16 240 voix, ses deux adversaires de droite qui se revendiquent de l’investiture Union des républicains de progrès (URP), Yvan Michel, Républicain indépendant (RI), 10 167 voix et André Caufment 9 490 voix, ainsi que Maurice Couillot, candidat du Mouvement réformateur, 5 686 voix. Grâce au désistement du candidat communiste en sa faveur, Pierre Gaudin bat largement Yvan Michel, au second tour avec un score de 60,4 %.
Le député, qui a retrouvé le groupe socialiste et la commission de la production et des échanges, est élu vice-président de l’Assemblée nationale en avril 1975. Pierre Gaudin est par ailleurs nommé membre du comité consultatif des lignes de Corse en novembre 1973 et de la commission d’enquête sur la pollution du littoral méditerranéen et sur les mesures à mettre en œuvre pour la combattre et assurer la défense de la nature en juin 1974. Il est, en avril 1976, rapporteur du projet de loi relatif à l’amélioration des structures forestières et concernant la tutelle des groupements syndicaux forestiers. Le député est l’auteur d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les conditions d’intégration des Français musulmans dans la communauté nationale en juin 1976. Il dépose également une proposition de loi visant à modifier la procédure de découpage des circonscriptions territoriales en novembre 1976. Ses thèmes de prédilection sont ainsi inchangés. Outre la lutte contre les incendies en forêt, Pierre Gaudin s’intéresse à l’agriculture, à la viticulture et au tourisme, notamment à l’occasion des débats budgétaires. Le député intervient aussi pour défendre ses administrés lors d’un conflit à la société Péchiney (11 mai 1973) par une question d’actualité ou encore à l’occasion de la liquidation du bassin de bauxite varois (29 octobre 1975) par une question au gouvernement. Pour protester contre le déplacement de la préfecture de Draguignan à Toulon, le maire du Luc démissionne de son mandat municipal et se fait réélire triomphalement quelques semaines plus tard. Il n’hésite pas à porter sa protestation à la connaissance de ses collègues de l’Assemblée par une question au gouvernement, le 23 octobre 1974 et une question orale sans débat le 11 décembre suivant.
Lors des grands scrutins de la Ve législature, le député du Var n’approuve pas la déclaration de politique générale du Premier ministre, Pierre Messmer, le 12 avril 1973, la déclaration de politique générale du Premier ministre Jacques Chirac, le 6 juin 1974, et le programme du gouvernement de Raymond Barre, le 28 avril 1977. Il se montre favorable à légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) le 28 novembre 1974, à la création du divorce par consentement mutuel le 4 juin 1975, ainsi qu’à l’élection des membres de l’Assemblée des communautés européennes au suffrage universel, le 21 juin 1977. En revanche, il s’exprime contre la réduction du mandat présidentiel à 5 ans (16 octobre 1973), cette réforme n’ayant pas abouti, et contre l’extension de la saisine du Conseil constitutionnel (10 octobre 1974).
En 1977, le Parti socialiste (PS), dont il est secrétaire fédéral adjoint dans son département, investit Pierre Gaudin pour les élections sénatoriales. Le député accepte, espérant que la fonction lui laissera davantage de temps pour rencontrer ses administrés. Il est élu le 25 septembre 1977. Au Palais du Luxembourg, le sénateur du Var accède à la commission des affaires économiques et du plan. Il se montre particulièrement actif lors de l’examen du projet de loi relatif à la mise en valeur des terres incultes, du débat sur l'informatique et les libertés ainsi que de celui sur l'indemnisation des rapatriés, thème qui lui est cher.
Emporté par la maladie, Pierre Gaudin s’éteint le 2 janvier 1978, trois mois seulement après son entrée au Palais du Luxembourg. Ses collègues saluent en lui un excellent connaisseur des collectivités locales. Le maire du Luc a longtemps été à la tête du groupe des députés-maires et siégeait au bureau de l’Association des maires de France. Il était chevalier du Mérite agricole.