Louis Joxe
1901 - 1991
JOXE (Louis)
Né le 16 septembre 1901 à Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine)
Décédé le 6 avril 1991 à Paris
Député du Rhône de 1967 à 1977
Secrétaire d'État auprès du Premier Ministre du 24 juillet 1959 au 14 janvier 1960
Ministre de l'Éducation nationale du 15 janvier 1960 au 2l novembre 1960
Ministre d'État chargé des Affaires algériennes du 22 novembre 1960 au 14 avril 1962
Ministre d'État chargé des Affaires algériennes du 15 avril au 28 novembre 1962
Ministre d'État chargé de la Réforme administrative du 6 décembre 1962 au 8 janvier 1966
Ministre d'État chargé de la Réforme administrative du 8 janvier 1966 au 1er avril 1967
Garde des sceaux, Ministre de la Justice du 7 avril 1967 au 31 mai 1968
Issu d’un milieu universitaire (sa famille compte quatre générations de professeurs), Louis Joxe poursuit de brillantes études littéraires, d’abord en khâgne au lycée Lakanal (Sceaux), puis en obtenant l’agrégation d’histoire dans la même promotion que Georges Bidault et Pierre Brossolette. Il entre dans la grande famille parisienne des Halévy en épousant Françoise Halévy, fille de l’historien Daniel Halévy et petite fille de Ludovic Halévy, célèbre auteur dramatique qui cosigna avec Henri Meilhac les livrets de nombreuses opérettes de Jacques Offenbach (comme La Belle Hélène ou La Vie parisienne) ou d’opéras comme Carmen de Georges Bizet. De l’union de Louis et Françoise Joxe naîtront quatre enfants.
Après un bref passage par l’enseignement (il est en poste à Metz de 1925 à 1927), il devient journaliste à L’Europe nouvelle, une revue créée et dirigée par Louise Weiss et entame parallèlement une carrière diplomatique et ministérielle : membre de la délégation française à la Société des Nations, il rejoint l’équipe du député radical Pierre Cot, nommé sous-secrétaire d’Etat aux affaires étrangères (décembre 1932-janvier 1933) puis ministre de l'air (janvier 1933 – février 1934). Pacifiste et européen convaincu, Louis Joxe partage la sensibilité politique de son ministre. Toutefois, après les événements du 6 février 1934, il s’éloigne de l’action politique directe pour entrer à l’agence Havas-informations où il devient inspecteur des services étrangers, Sa passion pour les questions internationales le conduit à participer à la création du Centre d’études de politique étrangère (CEPE) en 1935. Il en est le premier secrétaire général et en sera le dernier, avant sa transformation en Institut français des relations internationales en 1979.
Révoqué de l’agence Havas sous Vichy, Louis Joxe part à Alger pour y occuper un poste de professeur. Dès 1941, il prend contact avec la Résistance, agissant activement, à la fin de l’année 1942, au sein de l’antenne gaulliste du mouvement Combat en Afrique du Nord, aux côtés de René Capitant et d’Henri d’Astier de la Vigerie. Dans l’atmosphère troublée qui caractérise l’Algérie après le débarquement des Alliés du 8 novembre 1942, il est aussi directeur de l’information de Jean Rigault, secrétaire aux affaires intérieures, nommé par l’Amiral Darlan autoproclamé Haut commissaire de France en Afrique du Nord. Après l’assassinat de ce dernier le 24 décembre 1942, Louis Joxe est relégué à Constantine avant de revenir à Alger pour s’occuper de propagande à la demande de Jean Monnet, alors chargé des questions de fournitures aux armées alliées. C’est un tournant pour Louis Joxe qui devient, en juin 1943, secrétaire puis secrétaire général du Comité français de la Libération nationale et enfin du Gouvernement provisoire de la République française (1944-1946). A ce poste, il côtoie le général de Gaulle, notamment pour organiser les conseils des ministres et en établir les procès-verbaux, et gagne sa confiance : devenu président de la République, Charles de Gaulle l’appellera régulièrement à de hautes fonctions ministérielles.
Sous la IVe République, il mène une carrière diplomatique prestigieuse : d’abord directeur des relations culturelles du ministère des affaires étrangères (1946-1952), il est nommé ambassadeur à Moscou (1952-1955) au moment notamment où décède Staline puis à Bonn (1955-1956), avant d’occuper le poste de secrétaire général du Quai d’Orsay (1956-1958). Il est alors confronté à la crise de Suez et à la fin du régime de la Quatrième République.
Nommé secrétaire d'État chargé de la fonction publique en juillet 1959, il devient ministre de l'éducation nationale, succédant au socialiste André Boulloche, démissionnaire, de janvier à novembre 1960. A cette fonction, il est chargé de mettre en application la loi Debré, malgré l’opposition virulente du Comité national d’action laïque au système des contrats d'association.
À partir du 28 novembre 1960, il s’applique, pendant deux ans, en tant que ministre d'État chargé des Affaires algériennes, à sortir la France du conflit algérien. Après un séjour en Algérie sous tension, lors du putsch des généraux Jouhaud et Salan en avril 1961 et l’échec de celui-ci le 26 avril, Louis Joxe mène à partir du 20 mai 1961, de façon pragmatique, à la tête de la délégation française, les difficiles négociations avec le Front de libération nationale (FLN) suspendues le 13 juin 1961. Les négociateurs français et algériens se retrouvent à Lugrin le 20 juillet où le principe d’une discussion globale échoue sur le préalable de la souveraineté invoqué inflexiblement par la délégation algérienne. Les pourparlers reprennent aux Rousses le 18 février 1962, puis, le 7 mars, lors de la seconde conférence d’Evian. Signés le 18 mars 1962, par les représentants du gouvernement français Louis Joxe, Robert Buron et Jean de Broglie et Belkacem Krim conduisant la délégation algérienne, les accords d'Evian, visent à rétablir la paix en Algérie. Ils contiennent un accord de cessez-le-feu applicable le 19 mars 1962 à douze heures. Ils sont suivis de déclarations gouvernementales relatives à l'Algérie publiées au Journal officiel, le 20 mars, sur la période de transition jusqu'au référendum d'autodétermination - avec la mise en place d’un Exécutif provisoire et d’un Haut-commissaire représentant l'État français -, la libération des prisonniers dans un délai de 20 jours et une mesure d'amnistie générale, l'organisation d'un référendum d'autodétermination dans un délai minimum de trois mois et maximum de six mois. Dans l'hypothèse où, à la suite du référendum, la solution d'indépendance et de coopération serait retenue, des garanties étaient prévues pour les personnes conservant le statut civil de droit français ainsi que les conditions de règlement des questions militaires. Rejetant le cessez-le feu entre l'armée française et le FLN, l'OAS (Organisation Armée Secrète) se retranche jusqu’au 6 avril dans le quartier de Bab-El-Oued pour s'opposer par les armes au processus des accords d’Evian. Le 8 avril, consultés par référendum, les Français approuvent les accords d'Evian par 90, 80 % des suffrages exprimés. Le 1er juillet, le référendum d'autodétermination des populations d'Algérie ratifie à 99,72 % des suffrages exprimés les accords d’Evian et ouvre la voie à l’indépendance reconnue le 3 juillet par la France. Des centaines de milliers de pieds-noirs doivent quitter l'Algérie, alors que des milliers de harkis qui ne peuvent gagner la France sont poursuivis par leurs compatriotes. L'OAS continue à perpétrer des actes de violence et des attentats. Une assemblée constituante investit le 26 septembre un gouvernement présidé par Ahmed Ben Bella.
Louis Joxe occupe ensuite la fonction de ministre d’Etat chargé de la Réforme administrative (décembre 1962-avril 1967). Il prépare la réforme administrative de la déconcentration et met en place la réorganisation de la région parisienne avec la création de 8 départements au lieu et place des trois départements de la Seine, de la Seine-et-Oise et de la Seine-et-Marne. Proche du général de Gaulle, il est membre du comité central de l’Union des démocrates pour la République (UDR) et coprésident de « Présence du gaullisme » lorsqu’il se présente aux élections législatives de 1967 dans le département du Rhône, à Lyon. Il souhaite succéder à Maurice Herzog, alpiniste et maire de Chamonix, qui se porte candidat en Haute-Savoie. Se présentant aux électeurs comme un serviteur de l’Etat « depuis 40 ans » et se défendant d’être un « homme de parti », le ministre entend soutenir le régime mis en place par de Gaulle, gage selon lui de stabilité, de sécurité et d’efficacité. Au premier tour, où il affronte quatre candidats, il arrive largement en tête avec 37,3% des voix, contre 19,3% à Florimond Giscon (SFIO), 15,5% à Denys Banssillon (Centre démocrate), 15,4% à la communiste Mireille Commaret et 12,5% à Guy Jarrosson, ancien député du Rhône (Indépendants et paysans) de 1951 à 1962. A la suite de la défection de tous les autres candidats, il affronte en duel le socialiste au second tour, qui peut mettre en avant son ancrage local : le résultat est très serré, puisque le ministre l’emporte avec moins d’un millier de voix d’avance (51,4% des suffrages exprimés).
A peine installé au Palais-Bourbon où il s’inscrit dans le groupe d’Union démocratique pour la Ve République, il est nommé garde des Sceaux du quatrième gouvernement de Georges Pompidou : son mandat de député cesse un peu plus d’un mois après son élection. Son suppléant Jean Baridon, conseiller général, occupe son siège. C’est alors sur le banc des ministres que Louis Joxe fréquente l’hémicycle. Au ministère de la Justice, il cherche à concilier l'idéal démocratique de la séparation des pouvoirs avec le souhait présidentiel qu'aucune autorité, même judiciaire, n'entrave les prérogatives du chef de l'État. En mai 1968, pendant le voyage de Georges Pompidou en Afghanistan, il exerce par intérim les fonctions de Premier ministre. Dans la nuit d'émeute du 11 mai, c’est lui qui fait dégager les barricades du boulevard Saint-Michel et de la rue Gay-Lussac.
Après les événements de mai 1968 et la décision du général de Gaulle de convoquer des élections législatives anticipées, le Garde des Sceaux quitte sa fonction et se représente devant les électeurs de la 4ème circonscription du Rhône comme candidat de l’Union pour la défense de la République. Rappelant son engagement envers Lyon et sa contribution aux projets intéressant la ville et la région, il souligne l’enjeu national du scrutin : il s’agit de défendre la République contre « la contestation permanente » et d’éviter à la fois « la dictature comme à Prague » et le flottement des centristes. Les candidats sont plus nombreux qu’en 1967 (sept en tout), mais Louis Joxe manque à un millier de voix une élection directe : il réunit 47,5% des suffrages, devant le centriste Denys Banssillon, qui en obtient 23,1%. La communiste Mireille Commaret recueille 12,5% des voix et le candidat socialiste Jacques Zighera 10,1%. Au second tour, Louis Joxe l’emporte plus largement qu’en 1967 avec 55,7% des voix face au seul candidat resté en lice, Denys Banssillon.
De retour à l’Assemblée nationale, l’ancien ministre s’inscrit au groupe d’Union des démocrates pour la République et occupe durant tout son mandat un siège à la Commission des affaires étrangères. Au nom de cette dernière, il présente cinq avis à l’occasion de l’examen des projets de loi de finances. Son activité parlementaire est importante : il prend la parole à une douzaine de reprises (dont cinq fois en qualité de rapporteur pour avis). Ses interventions concernent surtout des questions diplomatiques (ainsi lors de la ratification de la Convention de Vienne et de celle entre la France et la Bulgarie, le 21 octobre 1969). Le député du Rhône défend aussi publiquement les intérêts de ses administrés. Il milite, par exemple, à deux reprises pour un développement des infrastructures de transport à Lyon (discussion du VIe plan, 16 juin 1971 ; projet de loi de finances pour 1973, 17 novembre 1972). Ancien ambassadeur, il s’intéresse également au problème de l’enseignement des enfants des Français de l’étranger (projet de loi de finances pour 1973, 10 novembre 1972).
Le député vote pour les déclaration de politique générale des gouvernements des 15 octobre 1970 et 24 mai 1972 et approuve notamment les grandes lois de la législature : la loi d’orientation de l’enseignement supérieur en octobre 1968, la loi relative à l’exercice du droit syndical dans les entreprises en décembre 1968, le renforcement de la garantie des droits individuels des citoyens en mai 1970, la loi Pleven dite « anticasseurs » et l’abaissement du service national à douze mois en juin 1970.
En 1973, le député sortant est candidat au renouvellement de son mandat. Dans sa circulaire aux électeurs, il vante son bilan ainsi que celui du régime gaulliste, et insiste sur la volonté de progrès social – notamment au travers de l’assistance aux retraités et aux handicapés. Le premier tour le voit arriver en tête des sept candidats en compétition : il recueille 32,9% des voix, largement devant le centriste Denys Banssillon (22,4%), le socialiste Jacques Roger-Machart (16,3%), le candidat du Centre National des Indépendants Guy Fradin (11,4%), la communiste Monique Jacquet (11%). Deux autres candidats de gauche recueillent les voix restantes (6%). Au second tour, Denys Banssillon et Jacques Roger-Machart se maintiennent : Louis Joxe est réélu avec 44,1% des suffrages contre 33,5% au socialiste et 22,4% au centriste.
Lorsqu’il réintègre pour la troisième fois le Palais-Bourbon, Louis Joxe siège lors de la séance d’ouverture à côté de son fils Pierre, élu député socialiste. Il s’inscrit à nouveau au groupe de l’Union des démocrates pour la République et retrouve les bancs de la Commission des affaires étrangères. Comme lors de son précédent mandat, il est rapporteur pour avis des crédits des affaires étrangères et de la coopération. Ainsi, le 29 octobre 1975, il insiste sur la faible augmentation des crédits alloués au Quai d’Orsay et fait part des inquiétudes de la Commission des affaires étrangères. Il évoque en outre la crise des hospices à Lyon (projet de loi de finances pour 1974, 16 novembre 1973) et intervient dans le débat du projet de loi organique sur le vote des Français de l’étranger, pour souligner la complexité de la situation, la volonté des expatriés de rester associés à la vie de leur pays, et les risques de fraude que laissent subsister les dispositions en discussion (17 décembre 1975). Le député du Rhône manifeste son soutien au gouvernement lors des scrutins publics. Il se prononce en faveur des réformes constitutionnelles proposées par Georges Pompidou (réduction du mandat présidentiel à 5 ans, le 16 octobre 1973) et par Valéry Giscard d’Estaing (extension de la saisine du Conseil constitutionnel le 10 octobre 1974 ; élection des membres de l'Assemblée des communautés européennes au suffrage universel le 21 juin 1977). Par ailleurs, il soutient les déclarations de politique générale des trois Premiers ministres Pierre Messmer, le 12 avril 1973, Jacques Chirac, le 6 juin 1974 et Raymond Barre, le 28 avril 1977. Dans le domaine social, s’il soutient la création du divorce par consentement mutuel le 4 juin 1975, il s’oppose en revanche à la légalisation de l'interruption volontaire de grossesse le 28 novembre 1974.
En octobre 1977, à la suite du décès d’Henri Rey, il est nommé membre du Conseil constitutionnel, où il siège jusqu’en février 1989. Il est par ailleurs élu à l’Académie des sciences morales et politiques en 1980. Il meurt le 6 avril 1991, à l’âge de 89 ans. A son décès, il est salué comme l’homme des accords d’Evian et « grand du gaullisme » (Libération, 8 avril 1991) et comme républicain intransigeant. Il était grand officier de la Légion d’honneur, titulaire de la médaille militaire ainsi que de nombreuses décorations étrangères.