Paul Lacavé

1913 - 1976

Informations générales
  • Né le 13 décembre 1913 à Capesterre-de-guadeloupe (Guadeloupe - France)
  • Décédé le 3 décembre 1976 à Pointe-à-pitre (Guadeloupe - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 12 mars 1967 au 30 mai 1968
Département
Guadeloupe
Groupe
Communiste
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IVe législature
Mandat
Du 30 juin 1968 au 1er avril 1973
Département
Guadeloupe
Groupe
Communiste

Biographies

Biographie de la Ve République

LACAVÉ (Paul)
Né le 13 décembre 1913 à Capesterre-de-Guadeloupe (Guadeloupe)
Décédé le 3 décembre 1976 à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe)

Député de la Guadeloupe de 1967 à 1973

Paul Lacavé est né le 13 décembre 1913 à Capesterre-en-Guadeloupe. Ses parents, Joseph Lacavé et Luçia Mathieu, sont épiciers. Placé à l’école communale de Capesterre jusqu’en 1925, c’est un enfant pieux. Il entre ensuite au lycée Carnot à Pointe-à-Pitre où il obtient son baccalauréat mathématique en 1933. Sa vocation à la prêtrise contrariée – son entrée au séminaire lui est refusée sous le prétexte qu’il est un enfant naturel –, il quitte alors la Guadeloupe pour faire médecine à Bordeaux, où il se spécialise en pharmacie. Il installe sa pharmacie à Capesterre en 1939, qu’il aurait alors transformé en dispensaire pour combattre les endémies et procurer des soins gratuits. Pendant la guerre, il épouse une institutrice, Gisèle Doyencourt, qui lui donne quatre enfants, tous nés entre 1948 et 1954, et qui seront tous médecins ou pharmaciens.
Sa carrière politique proprement dite commence dans sa commune, dont il est élu maire sans adversaire sérieux en 1945. Un an plus tôt, il avait participé à la fondation du Club Sportif capesterrien, dont il resta président d’honneur jusqu’à sa mort. Plus tard, il crée l’Office municipal des sports et de la culture de Capesterre. Dans ses professions de foi électorales, la promotion du sport populaire est toujours mise en avant. C’est son prestige de maire qui lui ouvre de nouvelles perspectives. Il sera d’ailleurs vice-président de l’Association des maires en 1952.
Ce maire du cru est un militant communiste : inscrit à la Fédération de la Guadeloupe du PCF en 1944, il devient en 1958, date de sa création, membre du Bureau politique du PC guadeloupéen. Personne alors ne lui conteste dans son parti le titre de chef de file du mouvement autonomiste. A partir de 1958, il se présentera aux élections sous l’étiquette d’un apparentement PC.
Par la loi du 19 mars 1946, la Guadeloupe est devenue un département français. La politique locale de l’île est largement dominée par la gauche socialiste et communiste, du fait en particulier des conflits sociaux provoqués par les crises de l’industrie de la banane et de la canne à sucre. Paul Lacavé y prend une part active, et y puise sa popularité de futur élu communiste. Ces conflits atteignent leur paroxysme au tout début de son mandat, lors des émeutes de mai 1967. Ces tensions à la fois économiques et politiques, du fait de l’activisme des étudiants indépendantistes guadeloupéens du GONG, ont sans doute favorisé sa victoire électorale. Le 30 mai 1968, il réclamera sans succès à la Chambre une Commission d’enquête sur les événements de Pointe-à-Pitre de mai 1967. Lacavé n’est pas un indépendantiste : c’est un autonomiste, favorable comme il le déclare dans ses professions de foi en 1967 et 1968, à une « participation déterminante des Guadeloupéens à l’administration de leur pays dans un sens progressif et démocratique », grâce à « une autonomie dans une union avec la France ».
Paul Lacavé s’est présenté à la députation dès 1958, mais il est battu par le médecin, conseiller général et maire SFIO de Morne-à-l’Eau Pierre Monnerville. Le scrutin lui est même assez défavorable. Il ne rassemble au premier tour que 6 647 suffrages sur 30 738 inscrits, mais seulement 20 682 votants (33% d’abstention), contre 9 093 voix à P. Monnerville et 4 937 à un autre candidat SFIO, René Torbio, maire de Lamentin. Au second tour, ses 6 989 voix ne lui permettent pas de rattraper son adversaire socialiste qui l’emporte avec 13 001 suffrages, malgré le maintien de René Torbio qui recule à 4 015 voix. La participation s’est pourtant accrue puisque 24 087 guadeloupéens votent, sur 30 791 inscrits. L’ancrage local, l’appartenance au progressisme socialiste ou communiste sont donc des clefs indispensables pour participer à la vie politique guadeloupéenne à Basse-Terre.
En 1962, Lacavé se présente à nouveau et obtient 7 989 voix contre Pierre Monnerville au premier tour, qui fait campagne sous l’étiquette de l’« union socialiste de gauche pour la défense de la République » et obtient 10 534 voix (soit 46,5% des 22 655 votants). L’ancien député SFIO Paul Valentino n’est pas parvenu à s’imposer comme troisième homme et ne récolte que 3 922 voix, et seulement 1 188 au second tour. Lacavé, progresse : il obtient pour sa part 8 874 voix, soit 37,9% des votants (26,6% des inscrits), mais c’est insuffisant pour battre P. Monnerville qui rassemble 13 211 suffrages (56,5% des votants).
Le retrait de Pierre Monnerville de la compétition électorale offre une occasion inattendue. Le succès de Paul Lacavé cependant n’est pas facile. Le 12 mars 1967, Lacavé est élu au second tour avec 10 932 voix (43,9% des 24 894 votants), contre l’ancien ministre Gabriel Lisette, qui rassemble 9 399 suffrages (37,7%). Le maintien de Frédéric Jalton, conseiller général encore sans étiquette, nanti de 4 104 voix (16,5%), a divisé ses concurrents. Au premier tour, pourtant, l’écart avec ses adversaires n’était pas important, puisque Lacavé totalisait 8 054 voix (41% des votants) contre 6 665 à Gabriel Lisette (33,9%).
Les événements de métropole contraignent cependant Paul Lacavé à remettre son siège en jeu quinze mois plus tard. Les élections de la fin juin 1968 confirment bien son succès, mais avec un score en léger retrait par rapport au scrutin de 1967. Au premier tour, l’abstention très forte lui assure néanmoins 7 350 des 18 895 suffrages des exprimés (45% des électeurs seulement ont voté), contre les mêmes adversaires Frédéric Jalton (4 685 voix) et Gabriel Lisette, qui le talonne avec 6 342 suffrages. Au second tour, Lacavé l’emporte avec moins de 2 000 voix d’avance sur ce dernier (12 049 voix, soit 53% des votants, contre 10 132 voix (44,6%)) : différence significative, dans un contexte d’abstention forte, mais en recul par rapport à sa victoire de 1967. Le siège de Paul Lacavé est donc fragile ; sa défaite de 1973 le confirme.
C’est Frédéric Jalton, le trouble-fête de la triangulaire de la 2e circonscription, qui le bat lors du scrutin de mars 1973. Celui-ci s’est présenté sous l’étiquette du mouvement socialiste guadeloupéen. Il inflige une sévère défaite à son adversaire communiste : avec 11 563 voix au premier tour (46,4% des 24 918 votants), il distance Lacavé qui ne rassemble que 9 544 voix (38,3%). Un autre candidat, René Torbio, se présente sous l’étiquette du « Parti socialiste français », mais il se désiste en faveur de Jalton au second tour et lui offre ses 1 427 voix. Grâce à ce renfort, F. Jalton rassemble 15 599 voix au second tour (52,9% des votants), et Lacavé seulement 13 052 (47,1%).
Dès 1962, Paul Lacavé a dénoncé les « fraudes massives » qui auraient été commises lors des scrutins auxquels il participe à Basse-Terre. Le 3 décembre 1962, il avait déposé une requête devant le Conseil constitutionnel, qui l’avait rejeté le 19 février 1963. Le 20 mai 1973, il réitère ses plaintes, alléguant d’un affichage excessif, de la partialité de l’ORTF envers son adversaire et de la dépendance de ce dernier à l’égard d’un « quotidien local ». Sa requête est à nouveau rejetée le 25 octobre 1973. Il est donc impossible de savoir si ces accusations étaient fondées ou procuraient à Paul Lacavé un argument de poids dans la bataille électorale.
Lorsque Paul Lacavé se rend en métropole pour participer aux sessions parlementaires, il est logé par le Parti communiste à Montreuil (93). Son activité de parlementaire proprement dite est concentrée sur la défense des intérêts de son île et de ses administrés. Paul Lacavé est membre de la commission des lois de 1968 à 1973, de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (1967-1968) et d’une commission spéciale d’enquête sur les émissions régionales de l’ORTF (16 mai 1967).
Lors de son passage dans l’hémicycle, Lacavé a défendu plusieurs projets de loi inaboutis : l’abrogation des dispositions du 15 octobre 1960 sur le rappel d’office des fonctionnaires des DOM-TOM, qu’il réclame deux fois (27 avril 1967 et 3 octobre 1968), et la cession aux communes de Guadeloupe de terrains dits « des cinquante pas géométriques », qu’il évoque très souvent devant ses pairs. Il est d’ailleurs l’auteur du rapport parlementaire sur cette question qu’il dépose le 18 décembre 1969. Ces terrains appartiennent à la bande littorale qui sous Colbert est devenue propriété inaliénable de l’Etat. A partir de 1962, son tracé exact devient l’objet de débats. Mais la loi littorale de 1986 a confirmé ce qui est déjà le cas à l’époque du mandat de Lacavé : cette bande littorale appartient de manière inaliénable et imprescriptible à l’Etat, sauf exceptions définies par une loi de 1955. Pour Lacavé, il s’agissait de transférer la jouissance de ces terrains de l’Etat aux communes, dans une logique tout à fait autonomiste. Ce n’est qu’après sa mort qu’une loi de 1996 organise la cession à titre privé de certaines parcelles de cette bande, moins par souci cependant de plaire aux communes, que pour ralentir et viabiliser les autoconstructions de logements souvent précaires sur ces terrains. Le 10 juin 1970, Lacavé d’ailleurs était intervenu dans la discussion d’un projet de loi sur l’habitat insalubre.
L’autre cheval de bataille parlementaire de Paul Lacavé est l’égalité de traitement des guadeloupéens et des métropolitains. Le 25 mai 1967, il réclame une extension des lois d’assurance-maladie et invalidité des exploitants agricoles aux DOM. Il en fait de même pour les dispositions de la loi d’amnistie en faveur des condamnés de mars 1967 (23 juillet 1968) et des fonctionnaires révoqués des DOM (26 juin 1969), l’application du Code rural en Guadeloupe et l’amélioration du statut du colonat paritaire (28 novembre 1968). Le colonat paritaire est une forme de métayage spécifique aux territoires d’Outre-mer par lequel le preneur loue sa terre à un propriétaire par le versement d’un quart de sa récolte en nature et non en argent. Ce dispositif n’a été aboli que récemment, par une loi du 17 octobre 2005. C’était une forme typique d’exploitation agricole propre aux économies de plantation héritières de l’esclavage. En Guadeloupe, ce sont la banane et la canne à sucre qui dominent l’économie rurale. Lacavé là encore n’a cessé d’évoquer leurs difficultés lors de toutes les lois de finances qu’il est amené à discuter entre 1967 et 1973. Son attention et ses critiques se sont également portées sur l’industrialisation et les programmes universitaire (17 juin 1970) et de formation professionnelle de son île (9 novembre 1968).
Les discussions de toutes les grandes lois adoptées pendant ses mandats ont suscité des interventions de P. Lacavé. Le 10 décembre 1969, il discute de l’extension et de l’application dans les DOM du SMIC, finalement créé le 2 janvier 1970. Le 17 juin 1970 puis à nouveau le 17 juin 1971, il discute des orientations du VIe plan puis le 25 avril 1972, des dispositions de la loi de création des régions, où il réaffirme le droit à « l’autodétermination » du peuple guadeloupéen.
Paul Lacavé participe, enfin, aux discussions des rapports de la commission des lois relatifs à l’interdiction et la dissolution des associations et groupements incitant à la haine raciste (7 juin 1972). Il se prononce alors pour la signature de la convention internationale contre le racisme et la promotion de l’antiracisme par l’instruction civique à l’école. Le 15 avril 1971, il avait déjà défendu le principe d’une signature de la convention internationale contre toutes les formes de racisme ouverte à la signature le 7 mars 1966. Il avait alors défendu le « droit à l’indépendance des peuples coloniaux », la dignité des habitants d’Outre-Mer et la vocation de la France à être une communauté « multiraciale ».
A l’Assemblée, il se place dans l’opposition. Il vote les motions de censure de mai et juin 1967 contre le gouvernement. Il s’abstient sur la loi sur l’enseignement supérieur du 10 octobre 1968, mais vote pour la loi sur l’exercice du droit syndical dans les entreprises le 4 décembre 1968. Il vote contre la loi sur les droits individuels du 28 mai 1970, de même que contre la loi de répression de la délinquance du 4 juin 1970. Il ne prend pas part au vote sur la réforme du service national du 10 juin 1970, s’oppose à la déclaration de politique générale du gouvernement le 15 octobre 1970, comme à la loi d’organisation des régions françaises du 27 avril 1972.
Sa mort survenue à Pointe-à-Pitre le 3 décembre 1976 lui interdit de briguer un dernier mandat.