René Lamps
1915 - 2007
Né le 5 novembre 1915 à Amiens (Somme)
Décédé le 8 mai 2007 à Amiens (Somme)
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Somme)
Député de la Somme de 1946 à 1958
René Lamps naît le 12 janvier 1915 à Amiens (Somme), dans un milieu modeste : son père, qui disparaît alors qu'il n'a encore que onze ans, est chef-mécanicien à la Compagnie des chemins de fer du Nord, et sa mère, couturière. Après des études à l'Ecole normale d'Amiens, René Lamps devient instituteur à Corbie, puis à Amiens, avant d'intégrer l'enseignement secondaire. Après deux années de service militaire, de 1936 à 1938, il retrouve pour quelques mois l'enseignement, puis doit, en septembre 1939, vêtir de nouveau l'uniforme.
Démobilisé en septembre 1940, René Lamps retrouve les salles de classe, mais nourrit une forte défiance vis-à-vis du régime de Vichy. Il rejoint la Résistance en 1942, et s'engage en juillet 1943 dans les rangs du Parti communiste clandestin. C'est à la fin de l'année 1943 que René Lamps quitte l'enseignement pour passer à la clandestinité ; il devient lieutenant FTP, et participe au Comité départemental de libération de la Somme. René Lamps accomplit en parallèle une rapide ascension au sein des instances communistes : il devient, en février 1944, dirigeant départemental pour la Somme, et siège à partir de l'année suivante au Comité central.
René Lamps entreprend alors de consolider par le suffrage universel son implantation politique. La première tentative n'est pas la bonne : il échoue à devenir conseiller général de Picquigny lors des élections cantonales de septembre 1945. Mais dès le mois suivant, René Lamps se présente aux élections pour la première Assemblée nationale constituante, en deuxième position sur la liste communiste conduite dans la Somme par Louis Prot ; la liste recueille 67 708 voix sur 228 689 suffrages exprimés, et René Lamps, qui bénéficie de la répartition des restes à la plus forte moyenne, emporte l'un des six sièges à pourvoir.
René Lamps est nommé membre de la commission de l'éducation nationale, des beaux-arts, de la jeunesse, des sports et des loisirs, et membre de la commission des finances et du contrôle budgétaire. Il dépose, le 8 mars 1946, un rapport au nom de la commission de l'éducation nationale sur les propositions de résolution de ses collègues Raymond Guyot et Madeleine Léo-Lagrange, destinées à favoriser le développement de l'éducation physique, des sports et des activités de plein-air. René Lamps intervient en outre à deux reprises au cours de la discussion des projets de loi relatifs à la nationalisation des secteurs de la banque et du crédit, pour réclamer un renforcement du contrôle de l'Etat sur les grandes banques d'affaires : il plaide pour l'octroi d'un pouvoir de veto à des commissaires du gouvernement placés auprès de chaque établissement bancaire, afin que les pouvoirs publics conservent les moyens de s'opposer à toute décision du conseil d'administration qu'ils jugeraient contraire à l'intérêt national.
Avec ses collègues du groupe communiste, René Lamps vote les nationalisations et approuve, le 19 avril 1946, le projet de Constitution de la IVe République ; le texte est toutefois rejeté par le référendum du 5 mai 1946, ce qui rend nécessaire la convocation d'une nouvelle Assemblée nationale constituante.
Les élections se tiennent le 2 juin 1946 ; René Lamps bénéficie une nouvelle fois de la répartition des restes à la plus forte moyenne, la liste communiste consolidant cependant ses positions avec 70 075 voix sur 234 068 suffrages exprimés. Il retrouve la commission de l'éducation nationale et la commission des finances ; il est en outre proclamé secrétaire de l'Assemblée nationale constituante.
Parlementaire relativement discret, René Lamps intervient néanmoins le 26 juillet 1946 à la tribune de l'Assemblée pour faire part des soucis que lui inspire la situation des « petits rentiers ou épargnants » : constatant que « ces catégories sociales subissent, plus que toutes les autres, les conséquences de la dévaluation et de l'augmentation du prix de la vie », il affirme la nécessité d'une revalorisation des rentes et d'une meilleure maîtrise de l'inflation, prônant à cet effet le renforcement des « commissions de surveillance des prix ».
René Lamps rejette le nouveau projet de Constitution, voté par l'Assemblée le 28 septembre 1946, et ratifié par référendum le 13 octobre. Il sollicite le renouvellement de son mandat lors des élections législatives du 10 novembre ; lors de ce scrutin, la liste communiste améliore encore ses résultats, avec 74 295 voix sur 227 482 suffrages exprimés.
René Lamps est nommé membre de la commission des finances et du contrôle budgétaire, dont il est élu secrétaire ; il est en outre nommé juge suppléant à la Haute cour de justice. Au cours de la législature, René Lamps se révèle l'un des parlementaires les plus actifs de son groupe, multipliant les interventions sur les sujets les plus variés. Spécialiste des questions budgétaires et fiscales, il est toujours en première ligne lors des discussions des projets de loi de finances. Ainsi son groupe parlementaire le désigne-t il, le 21 décembre 1949, pour exposer la position des communistes à l'égard du projet de loi de finances pour 1950 présenté par Maurice Petsche au nom du gouvernement de Georges Bidault. C'est pour René Lamps l'occasion d'une vigoureuse diatribe contre la politique gouvernementale. Il dénonce d'abord la politique militaire menée par le ministre de la défense René Pleven, « politique de préparation à la guerre », largement soustraite au contrôle du Parlement. Le député de la Somme incrimine ensuite le sort réservé aux fonctionnaires : en retardant le plus possible la réévaluation de leur retraite, le gouvernement « réalise non seulement une économie en valeur absolue, mais il commet une sorte d'escroquerie puisqu'il est certain de payer sa dette en monnaie dépréciée, donc de payer moins qu'il ne doit ». René Lamps dénonce enfin la politique du logement menée par le gouvernement, brossant en contrepoint un tableau enthousiaste de l'Union Soviétique : « le problème du logement reste entier, et avec lui les taudis, les foyers de tuberculose (...) nous sommes loin, en France, des résultats obtenus dans le pays du socialisme triomphant et dans les démocraties populaires. Là-bas, on consacre des crédits énormes à l'habitat populaire (...) ce qui a fait dire à certains qui sont allés là-bas que les maisons jaillissent littéralement de terre ».
Au début de l'année 1951, René Lamps est parmi les principaux animateurs du débat parlementaire sur le projet de loi instituant les apparentements ; il dépose, le 19 mars, un amendement tendant à ne permettre l'apparentement qu'entre deux listes seulement, arguant que le « système des apparentements, dont le but avoué est d'entacher de nullité le vote des électeurs communistes (...) est suffisamment immoral pour que l'Assemblée ne l'étende pas à plusieurs listes ».
René Lamps épouse, à l'occasion des grands votes de la législature, les positions de son groupe parlementaire : il vote la confiance à Léon Blum (17 décembre 1946), puis la refuse à Paul Ramadier (4 mai 1947) ; il s'abstient volontairement sur le statut de l'Algérie (27 août 1947) et se prononce contre le texte du gouvernement sur les écoles privées des houillères nationalisées (14 mai 1948) ; il vote contre le plan Marshall (7 juillet 1948) et contre le projet relatif à la constitution du conseil de l'Europe (9 juillet 1949) ; il vote aussi contre la ratification du pacte Atlantique (26 juillet 1949), puis contre la réforme électorale instituant le régime des apparentements (7 mai 1951).
René Lamps est élu en 1951 conseiller général du canton de Domart-en-Ponthieu, dans la Somme, et conserve ce mandat jusqu'en 1958. Il reconstitue, aux élections législatives du 17 juin 1951, le tandem qu'il forme avec Louis Prot ; leur liste maintient ses positions de 1946, avec 73 711 voix sur 229 297 suffrages exprimés, assurant leur réélection aux deux députés sortants.
Retrouvant la commission des finances, René Lamps continue à porter une attention soutenue aux problèmes fiscaux ; il dépose ainsi, le 8 novembre 1951, une proposition de résolution visant, d'une part, à supprimer la majoration de 10 % applicable au montant des impôts non réglés aux dates d'exigibilité, et d'autre part, à accorder aux contribuables la faculté de régler leurs impôts directs par douze versements mensuels. A chaque projet de loi de finances, René Lamps dénonce le poids que font peser les dépenses militaires sur les finances publiques, condamnant au passage les opérations militaires en cours en Indochine puis en Algérie ; il dépose même, le 4 novembre 1952, un amendement au projet de loi relatif aux dépenses de fonctionnement des services civils en 1953, visant à supprimer les crédits affectés au service français de contre-espionnage.
René Lamps vote contre la loi Barangé-Marie (21 septembre 1951) et contre la CECA (13 décembre 1951); il refuse sa confiance à Antoine Pinay (6 mars 1952) et à Joseph Laniel (26 juin 1953), mais l'accorde à Pierre Mendès France (17 juin 1954). Il s'oppose à la CED (30 août 1954), et vote contre le cabinet Faure (23 février 1955).
Candidat au renouvellement de son mandat lors des élections législatives du 2 janvier 1956, toujours en deuxième position derrière Louis Prot, René Lamps est réélu sans peine : la liste communiste reprend sa progression, avec 79 183 voix sur 246 398 suffrages exprimés.
René Lamps siège de nouveau à la commission des finances, qui le désigne pour faire partie de la sous-commission chargée de suivre et d'apprécier la gestion des entreprises nationalisées et des sociétés d'économie mixte. Il dépose le 21 février 1957 une demande d'interpellation sur la situation économique et financière de la France, dénonçant « les difficultés croissantes que rencontrent la classe ouvrière et l'ensemble des masses laborieuses des villes et des campagnes du fait de la hausse des prix », et « les menaces qui pèsent sur notre monnaie du fait de la poursuite de la guerre en Algérie ». Quelques semaines plus tard, le 29 mai 1957, René Lamps intervient au cours de la discussion d'un projet de loi tendant à ratifier une convention conclue entre le ministère des Finances et la Banque de France pour dénoncer vigoureusement la politique du gouvernement Mollet : « le 2 janvier 1956, une majorité d'électeurs condamnait la politique de guerre et de misère des gouvernements précédents. Il était possible, dès lors, d'espérer un tournant radical de la politique française. Mais, au lieu de s'appuyer sans réticence sur la majorité issue du suffrage populaire, le gouvernement s'est, au contraire, éloigné du programme ratifié par la gauche. Il lui a tourné le dos pour rejoindre les vieilles ornières d'une politique condamnée. Le gouvernement Guy Mollet, appuyé par la droite, a poursuivi et intensifié la guerre injuste d'Algérie, dont le coût sera de 600 milliards en 1957. Il s'est engagé dans l'aventure de Suez, dont le coût purement budgétaire s'élève à 80 milliards de francs, mais dont les conséquences ont été catastrophiques pour nos finances extérieures ». Le député de la Somme conclut sa longue intervention par une série de propositions qui permettraient de « revenir au contrat passé avec le peuple le 2 janvier 1956 » : « mettre un terme à la guerre d'Algérie (...), œuvrer à la réalisation d'un accord général sur le désarmement, l'interdiction des armes atomiques, l'arrêt des explosions nucléaires et l'organisation de la sécurité collective européenne, satisfaire les revendications légitimes des travailleurs des villes et des campagnes, adopter le projet tendant au remboursement effectif à 80 % des frais médicaux, voter la réforme de l'enseignement, restaurer la laïcité de l'école et de l'Etat ».
Au cours de cette législature, René Lamps vote la confiance à Guy Mollet (31 janvier 1956), mais la refuse à Maurice Bourgès-Maunoury (12 juin 1957) ; il vote contre le projet de loi portant ratification des traités instituant la CEE et l'Euratom (9 juillet 1957) ; il refuse sa confiance à Félix Gaillard (5 novembre 1957), vote contre les pouvoirs spéciaux en Algérie (12 novembre 1957), et s'abstient volontairement lors du vote qui investit Pierre Pflimlin (13 mai 1958). René Lamps vote contre l'investiture de Charles de Gaulle (1er juin 1958), contre les pleins pouvoirs et la révision constitutionnelle (2 juin 1958).
Candidat de nouveau aux élections législatives des 23 et 30 novembre 1958, René Lamps n'est cette fois pas réélu. Il renoue alors - provisoirement - avec son premier métier, en devenant professeur au collège d'enseignement général d'Amiens.
Dès novembre 1962, toutefois, René Lamps retrouve son siège à l'Assemblée nationale ; réélu en mars 1967, juin 1968 et mars 1973, il choisit de ne pas se représenter en 1978, laissant le champ libre à Maxime Gremetz. René Lamps est en outre, de 1959 à 1976, conseiller général du canton de Domart-en-Ponthieu, et maire d'Amiens de 1971 à 1983.