Emile Luciani
1913 - 1993
Né le 28 octobre 1913 à Paris (VIIème)
Décédé le 23 octobre 1993 à Caen (Calvados)
Député de la Somme de 1956 à 1958
Emile Luciani est d'origine corse. Son père meurt au cours du premier conflit mondial. Lui-même est fait prisonnier en 1940.
Représentant de commerce, Emile Luciani milite au sein de l'UDCA (Union des commerçants et artisans).
Aux élections législatives du 2 janvier 1956, il se présente dans la Somme à la tête de la liste poujadiste. Il est indiqué dans la profession de foi : « Tous les membres de la liste ont fait le serment de sauver la nation. Aucun d'entre eux ne cherche une place et tous démissionneront dès l'objectif atteint. » La liste obtient 11 % des suffrages exprimés. Emile Luciani en est le seul élu. Il siège à la Commission de l'agriculture, puis à celle des pensions. Ses propositions de loi portent surtout sur des allégements fiscaux, ainsi que sur la défense des intérêts des cultivateurs du département. Le 7 mars 1957, il dépose une proposition de loi tendant à accorder aux militaires servant ou ayant servi en Afrique du Nord le bénéfice de toutes les dispositions prises en faveur des combattants d'autres conflits dans lesquels la France a été engagée. En 1957, Emile Luciani interpelle le gouvernement sur sa politique betteravière, puis sur sa politique agricole en général. En novembre 1956, il a quitté le groupe parlementaire poujadiste (Union et fraternité française) pour devenir « non-inscrit ». Entré partiellement dans le « système », il accorde l'investiture aux gouvernements Bourgès-Maunoury et Gaillard. Mais il se prononce contre la ratification des traités de Rome. Il fait partie alors des tenants de l'Algérie française et vote contre toute mesure paraissant aller dans un sens contraire. Après avoir le 13 mai 1958 refusé l'investiture à Pierre Pflimlin, il soutient le retour du général de Gaulle.
Devenu conseiller général du canton de Ham (Somme) en avril 1958, Emile Luciani se présente dans la 5e circonscription de son département aux législatives de novembre 1958. Elu sous l'étiquette UNR, il conserve son siège jusqu'en 1973.
LUCIANI (Emile, Albert, Marc)
Né le 28 octobre 1913 à Paris
Décédé le 23 octobre 1993 à Caen (Calvados)
Député de la Somme de 1956 à 1973
Dirigeant du Mouvement national d'action civique et sociale, parti politique fondé par Jean-Marie Le Pen, exclu comme ce dernier de l'Union de défense des commerçants et artisans (UDCA), Emile Luciani rallie le Comité d'action et de soutien au général de Gaulle en juillet 1958, et reçoit l'investiture du comité central de l'Union pour la Nouvelle République (UNR), le parti gaulliste, pour les élections législatives de novembre. Son suppléant est Auguste Deloraine, cultivateur, conseiller municipal d'Arquèves, membre du Centre national des indépendants et paysans (CNIP). Dans sa profession de foi, Emile Luciani rappelle notamment son exclusion « d'un mouvement de défense professionnelle suite à un vote politique », son action parlementaire et ironise sur l'étiquette d'un de ses adversaires, ancien dirigeant local du Rassemblement du peuple français (RPF) puis des Républicains sociaux, Jean Duparcq, « candidat d'entente... avec qui ? ». En tête à l'issue du premier tour, il réalise un score doublement supérieur à celui obtenu par sa liste dans cette circonscription en 1956. Avec 15 767 voix (33%), il devance son principal adversaire, le communiste Théo Marchandise, de plus de 4000 voix. Le socialiste Charles Deflandre (6 934 voix), et le mendésiste Richard Mazaudet (5 885 voix) se retirent de la compétition, mais le candidat divers droite (7 763 voix) se maintient au second tour. Dans une triangulaire a priori défavorable, Emile Luciani récupère des voix sur sa droite mais surtout sur sa gauche, et sort largement vainqueur. Il obtient 28982 voix contre 15 297 au candidat du PCF, et 2 848 à Jean Duparcq. Il s'inscrit au groupe UNR et intègre la Commission de la défense nationale et des forces armées. En mars 1959, Emile Luciani échoue dans la conquête de la mairie de Ham. Il est battu par le maire sortant, Gaston Lejeune (SFIO), à qui il a ravi le siège de conseiller général un an plus tôt.
Au Palais Bourbon, il prend part à la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finance, sur les crédits militaires, section air, pour 1960 (18 novembre 1959). Après avoir évoqué les conséquences de la suppression des avions Nord 2501 en termes militaire et financier, il fait part de ses inquiétudes sur le plan social, et prend la défense de l'usine Nord-Aviation de Méaulte (Somme), ex-usine Potez nationalisée en 1936 et intégrée à la Société nationale de constructions aéronautiques du Nord (SNCAN), qui représente le poumon économique de sa circonscription : « Si vous refusez ces appareils, vous obligez la société Nord-Aviation, qui comprend trois usines — Les Mureaux, Bourges et Méaulte — à licencier immédiatement 700 ou 800 ouvriers, et, dans les mois à venir, 1000 ou 1 200 autres, sur un effectif total de 8 000 travailleurs. Vous nous parlez de reconversion : je puis vous assurer que pour au moins l'usine de Méaulte, elle est impossible. En outre, beaucoup de travailleurs de cette usine ont accédé à la propriété. Que vont-ils devenir ? Ils sont obligés de rester où ils ont construit, et cette situation se répercutera sur les industries et fournitures d'équipement dans d'autres régions de France. De plus, vous avez des ouvriers, employés et cadres, hautement qualifiés. Si vous les licenciez, vous allez détruire la qualification elle-même. Le jour où vous voudrez « repartir », combien de temps vous faudra-t-il ? D'autre part, je dois vous signaler que, l'an dernier, à Méaulte, des licenciements ont eu lieu. Tous les licenciés n'ont pas retrouvé de travail ; certains d'entre eux sont encore inscrits au bureau de la main-d'œuvre. […] »
Ses interventions portent également sur l'agriculture, secteur clé du Santerre, région au cœur de sa terre d'élection. Le 12 mai 1960, il estime que « le projet de loi d'orientation agricole que nous présente le gouvernement ne peut résoudre le problème essentiel, le problème capital et urgent qui est celui des prix, celui de l'équilibre des recettes et des dépenses de l'exploitation agricole ». Emile Luciani affirme la nécessité de « mesures urgentes et efficaces » pour ajuster le prix des produits agricoles en tenant compte des coûts de production, puis prend la défense de l'ensemble de la profession agricole : « Je comprends très bien les soucis du gouvernement, […] mais je n'oublie pas que l'activité agricole doit être rentable. Lorsqu'on compare les efforts déployés par toutes les nations qui ont à cœur de garder une agriculture prospère parce qu'elle constitue un marché intérieur fort important, on est déçu de la faiblesse des efforts faits en France par les pouvoirs publics pour la paysannerie tout entière, dont l'exploitant souffre et qui se répercute sur les salaires de ses ouvriers, lesquels sont loin d'atteindre le niveau de ceux de l'ouvrier d'usine, d'autant plus qu'ils se trouvent toujours dans les zones de salaires les plus défavorisées, qu'il serait juste de supprimer. […] L'agriculture a conscience de ses devoirs ; elle a conscience aussi de son droit de vivre ; elle entend le défendre. Elle apporte sa contribution à la vie du pays, à sa propre défense. Pourquoi discuter la reconnaissance de ses droits alors qu'ils sont reconnus aux autres ? »
En décembre 1960, il est un des dix parlementaires gaullistes à signer un manifeste critiquant la politique algérienne du général de Gaulle, et l'année suivante, le député refuse de faire campagne pour le oui au référendum sur l'autodétermination en Algérie. Malgré la demande d'exclusion de la fédération de la Somme de l'UNR, la direction nationale du parti ne prend pas de sanction à son encontre. Lors des grands débats, le soutien du député à la majorité gaulliste est sans faille. En avril 1962, Emile Luciani appelle à voter oui pour le référendum sur les accords d'Evian. Le 18 juillet 1962, le député de la Somme place le projet de loi complémentaire à la loi d'orientation agricole dans la « perspective de l'urgence » : « Nous sommes en effet au seuil du Marché commun, ce qui veut dire que nous allons avoir à lutter avec des concurrents dans la Communauté et qu'il nous faut aborder cette lutte dans les conditions les meilleures, avec des exploitations efficientes et une trésorerie suffisante. Il faut que le gouvernement soit conscient de l'enjeu. L'impatience grandit et ne saurait s'accommoder longtemps de la lenteur du pouvoir. » Pour Emile Luciani, « l'idée essentielle sera de mettre l'agriculture française en condition pour soutenir son effort de production tant que la faim du monde ne sera pas rassasiée. »
L'Union pour la nouvelle République (UNR) l'investit à nouveau pour le scrutin législatif de novembre 1962, qui se déroule suite à la dissolution de l'Assemblée nationale, décidée par le général de Gaulle après l'adoption d'une motion de censure visant le gouvernement Pompidou et, plus encore, son projet de réforme constitutionnelle sur l'élection du président de la République au suffrage universel direct. Dans sa circonscription, où il doit affronter six candidats, le député sortant augmente son score en totalisant 41,6% des suffrages au premier tour (18 684 voix). Il devance le maire communiste d'Albert, Alfred Leclercq (11 056 voix), le radical Gilbert-Jules, ancien ministre de l'intérieur, membre du Conseil constitutionnel (5 522), le conseiller général SFIO Fernand Adriaenssens (3 569), le MRP Pierre Maille, vice-président départemental de la FNSEA (2 829), Jacques Mossion, candidat du CNIP (1 791) et Jean Duparcq (1 487) dont le suppléant est un ancien poujadiste. Emile Luciani est largement réélu au second tour avec 61% des voix et plus de 10 000 voix d'avance sur Alfred Leclercq (PCF). Il s'inscrit au groupe parlementaire gaulliste (UNR-UDT) et retrouve la Commission de la défense nationale et des forces armées. Réélu conseiller général de Ham dès le premier tour en mars 1964, il conduit une liste aux élections municipales de mars 1965 et, dès le premier tour, fait une entrée en force à la mairie du chef-lieu de canton, gérée par la gauche depuis la Libération. A l'Assemblée, Emile Luciani soutient la politique de l'exécutif. Ainsi, en mai 1965, le député UNR approuve la réforme du service militaire.
En 1967, l'homme fort de la circonscription de Péronne manque de peu une réélection dès le premier tour. Il totalise 23 631 voix (46,7%). Les voix manquantes se sont portées sur le candidat du Centre démocrate. Au second tour, avec 28 139 suffrages (57,3%), Emile Luciani remporte son duel contre le communiste Alfred Leclercq (20 996 voix), qui bénéficie du désistement de Paul Lejeune (Fédération de la gauche démocrate et socialiste) et Jean-Pierre Martein (Parti socialiste unifié). Inscrit au groupe de l'Union démocratique pour la Ve République, il est membre de la même commission que précédemment.
En 1968, face à trois candidats de gauche (Alfred Leclecq pour le PCF, Jean-Pierre Martein pour le PSU et le docteur Pinçonnet pour la FGDS), le député Luciani est triomphalement réélu au premier tour avec 27 866 suffrages (55%), soit plus de 14000 voix d'avance sur le communiste Alfred Leclercq (13 181 voix). Membre du groupe de l'Union des démocrates pour la République (UDR), il appartient pour la quatrième législature consécutive à la Commission de la défense nationale et des forces armées, dont il est désigné secrétaire. Il se déclare en faveur de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur (10 octobre 1968) et de la loi relative à l’exercice du droit syndical dans les entreprises (4 décembre 1968). L'élu de la Somme se signale par une question orale posée à Michel Debré, ministre d'Etat, chargé de la défense nationale, sur l'avenir de l'industrie aéronautique, suite à la décision prise en conseil des ministres de fusionner Nord-Aviation, Sud-Aviation et la Société pour l'étude et la réalisation d'engins balistiques (SEREB) pour créer la Société nationale industrielle aérospatiale (SNIAS), aujourd'hui devenue Airbus (7 novembre 1969) : il note que la restructuration de la société « qui sera de forme classique à présidence unique » a été décidée sans concertation avec les représentants du personnel et demande au ministre d'Etat « s'il ne lui paraîtrait pas hautement souhaitable, avant de rendre exécutoire au niveau des structures juridiques la décision en cause, de procéder à une large consultation des représentants des personnels intéressés, en leur donnant toute possibilité d'exprimer leurs objections et observations éventuelles à la solution envisagée et surtout de modifier, s'il y a lieu, en conséquence les modalités pratiques en découlant. » Emile Luciani prend également part à la discussion d'une loi, modifiant un texte du 12 juillet 1966, sur l'assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles (2 décembre 1969), et défend le principe de l'égalité des droits : « Nous souhaiterions, pour notre part, une intégration au régime général, ou tout au moins l'alignement sur ce régime, ce qui serait une mesure de justice sociale. »
En mars 1970, le député-maire gaulliste de Ham perd son siège de conseiller général au profit de Jean Goubet (PCF). S'estimant désavoué, Emile Luciani démissionne de son poste de maire. A l'Assemblée, il vote pour le renforcement de la garantie des droits individuels des citoyens (28 mai 1970), la loi Pleven dite « anticasseurs » (4 juin 1970), la loi ramenant le service national à douze mois (10 juin 1970) et la déclaration de politique générale du gouvernement (15 octobre 1970). En février 1972, dans une question écrite au ministre du travail, Joseph Fontanet, il lui demande d'envisager de « compléter les textes » dans le domaine du financement des œuvres sociales des comités d'entreprises, « dont les ressources sont essentiellement constituées d'une subvention patronale qui prend la forme d'un pourcentage des salaires, variable selon les entreprises. » Emile Luciani attire en particulier l'attention du ministre sur le mode de répartition de cette subvention, dans le cas d'une entreprise comptant plusieurs établissements, car il existe un vide juridique à cet égard. Il cite le cas d'un litige dans une société où le comité central d'entreprise « avait décidé que la répartition entre les comités d'établissement de l'entreprise se ferait en fonction des effectifs » car il estimait « qu'une répartition par masses salariales avantageait d'une manière trop évidente le personnel d'un établissement où travaillaient de nombreux ingénieurs et cadres bénéficiant de salaires élevés. » Emile Luciani défend cette thèse car, selon lui, « l'autonomie absolue de chacun des établissements accentue les inégalités au sein des entreprises, ce qui ne parait conforme, ni à la justice sociale, ni à la notion même d'œuvres sociales. II serait, au contraire, normal que ce soient les moins favorisés qui bénéficient le plus largement des œuvres sociales. » Le 27 avril 1972, lors du scrutin sur la réforme régionale, il joint sa voix à la majorité des députés qui approuve le projet de loi « portant création et organisation des régions. »
Aux élections législatives de 1973, le député sortant devient le suppléant d'André Audinot, élu avec l'investiture gaulliste, mais qui siège au groupe des non-inscrits (NI), après un court passage à l'Union centriste (UC).
A la fin des années 1970, Emile Luciani quitte le département de la Somme pour s'installer dans le Calvados. Il abandonne alors la vie politique. Il décède le 23 octobre 1993 à Caen.