Gabriel Macé
1906 - 1968
MACE (Marie, Emile, Gabriel)
Né le 1er juin 1906 à Saint-Denis-de-La-Réunion
Décédé le 13 février 1968 à Saint-Denis-de-La-Réunion
Député de La Réunion de 1962 à 1963 et de 1967 à 1968
Gabriel Macé naît en 1906 dans une famille de négociants de l’île de La Réunion. Il suit des études secondaires au Lycée Leconte de Lisle de Saint-Denis, puis obtient une licence en droit à Paris. Il participe activement au mouvement scout de France de 1933 à 1955. Après avoir épousé en 1933 la fille d’un propriétaire de Saint-Paul, il s’installe comme notaire à Saint-Denis et fonde un foyer dont naissent cinq enfants. La carrière politique de Gabriel Macé débute dans les années 1950 par son élection comme conseiller général du canton de Saint-Joseph en 1955, mandat renouvelé en 1961 puis comme conseiller général du canton de Saint-Denis à partir de 1964. Il préside l’Association des maires de la Réunion de 1959 à sa mort.
En 1959, il brigue la mairie de Saint-Denis à la tête d’une liste de modérés. Malgré la violence et des accusations de fraudes (par les communistes essentiellement) qui entachent ces élections, Gabriel Macé emporte la mairie de Saint-Denis. Ces élections municipales marquent la fin de la suprématie communiste sur les mairies de l’île et la victoire des « départementalistes ». 1959 est aussi l’année de création du Parti Communiste réunionnais de tendance autonomiste. Le maire de Saint-Denis se présente aux élections législatives de novembre 1962 sous l’étiquette « républicain indépendant » dans la première circonscription de La Réunion, centrée essentiellement sur la ville de Saint-Denis et quelques villes voisines. Sa profession de foi rappelle son statut d’élu local de longue date, maire de Saint-Denis, Vice-Président du Conseil Général, Président de l’Association des maires de la Réunion. « Anticommuniste » et ouvertement catholique, il s’inscrit dans la mouvance d’Antoine Pinay et de Valéry Giscard d’Estaing dont il dit soutenir les positions économiques. Au niveau local, Gabriel Macé promet une politique de relance de l’industrie de la canne à sucre ainsi qu’une politique volontariste pour le logement. Il appelle les parlementaires réunionnais à tenir « haut la tête » et à substituer « à la timidité qui [les] déclasse, la hardiesse des idées et des propos ».
Le 5 mars 1962, à l’issue du premier tour, Gabriel Macé l’emporte avec 63% des suffrages exprimés, loin devant le fondateur du Parti communiste réunionnais, Paul Vergès (16%), ainsi que le gaulliste David Moreau (17,8%). Le député sortant Frédéric de Villeneuve, de tendance Centre National des Indépendants (CNI), ne recueille que 600 voix. Gabriel Macé s’inscrit au groupe des Républicains Indépendants, groupe dissident du CNI, rallié à la majorité gaulliste en 1962. Le député de Saint-Denis devient membre de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La vie politique réunionnaise à l’époque n’était pas tant divisée entre droite et gauche qu’entre « nationaux » et « séparatistes » comme le remarque plus tard Michel Debré dans ses Mémoires.
Gabriel Macé n’a pas guère le temps de participer aux débats de l’Assemblée car il est invalidé par décision du Conseil Constitutionnel du 19 février 1963. Suite aux élections de novembre 1962, les candidats gaulliste (David Moreau), modéré (de Villeneuve) et communiste (Paul Vergès, frère de Jacques Vergès) avaient déposé une demande en annulation au Conseil Constitutionnel. Les élections s’étaient déroulées dans un contexte de grande violence, que l’on peut attribuer notamment aux tensions sociales sur l’île autour du commerce du sucre. La décision du Conseil Constitutionnel mentionne les troubles graves commis par des manifestants, qui ont empêché les maires des communes de Sainte-Suzanne, Saint-André, Bras-Panon et Saint-Benoît d’assurer le bon déroulement du scrutin. Plus de vingt mille électeurs n’ont donc pas pu voter. Le Conseil Constitutionnel statue alors que Gabriel Macé n’ayant pas obtenu la majorité absolue (si l’on réintègre fictivement ces vingt mille électeurs empêchés), l’élection est invalidée, dans la première ainsi que la seconde circonscription de l’île. Il faut remarquer que les invalidations pour violences et fraudes électorales sont fréquentes à La Réunion dans les années 1950 et 1960. Le député UNR de la 2ème circonscription de l’île, élu en 1958, est invalidé puis réélu en juin 1959, le MRP Marcel Vauthier est invalidé en 1963 dans la seconde circonscription de la Réunion en même temps que Gabriel Macé, puis réélu.
Suite à l’annulation, de nouvelles élections se tiennent dans la première et la deuxième circonscription de La Réunion. Ces élections partielles permettent à Michel Debré, qui a été battu en Indre-et-Loire en 1962 de retrouver un siège de député dans la première circonscription de La Réunion, siège qu’il conserve jusqu’en 1988. Michel Debré est élu très largement dès le premier tour, avec 80% des suffrages contre le Président du Parti Communiste Réunionnais, Paul Vergès ; l’intérêt porté par Michel Debré à l’île de l’Océan indien (qu’il a visitée en 1959 avec le Général de Gaulle et qui reçoit des aides grâce à la Loi-programme de juillet 1960) contribue à cette victoire électorale. De plus, Frédéric de Villeneuve, le candidat gaulliste en 1962, se retire de la vie politique avant les élections. Gabriel Macé ne se représente pas et il est nommé au Conseil Economique et Social en octobre 1963 au titre des personnalités qualifiées dans le domaine économique, social, scientifique ou culturel. Son mandat est renouvelé le 28 août 1964.
Le 5 mars 1967, en l’absence du député MRP sortant, Gabriel Macé se présente à nouveau aux élections législatives, mais dans la seconde circonscription de l’île. Il y retrouve son concurrent communiste de 1962, Paul Vergès. Le maire de Saint-Denis se présente sous l’étiquette Union Démocratique pour la Vème République et n’hésite pas dans sa profession de foi à attaquer son concurrent communiste. Gabriel Macé dénonce l’autonomisme du Parti Communiste Réunionnais comme une illusion dangereuse qui « conduit inexorablement à l’indépendance, c'est-à-dire à la rupture des liens avec la France et à la soumission honteuse à un pays étranger ». Pour contrer les arguments communistes qui dénoncent les méfaits de la départementalisation de l’île depuis 1946, il rappelle que les planteurs ont bénéficié de leur intégration au Marché Commun, dont ils sont redevables à Michel Debré, qui en avait fait un de ses objectifs pour l’île. Le sucre avait en effet dans le Marché Commun son cours et ses quantités vendues garantis. Le maire de Saint-Denis promet néanmoins de s’attaquer, en tant que député, à certains problèmes persistants de l’île : dettes des producteurs de géranium, plans d’irrigation, construction d’écoles et de logements, construction de nouvelles routes. A l’issue du premier tour, Gabriel Macé est devancé par le communiste Paul Vergès, qui recueille 46% des suffrages exprimés contre 38% pour le maire de Saint-Denis. Entre les deux tours, ce dernier fait appel aux électeurs, notamment aux 35% d’abstentionnistes du premier tour, affirmant que le danger est grand, Vergès étant arrivé en tête. Il mentionne que les élections se sont déroulées sans violences (le préfet avait interdit tout attroupement et posté les forces de l’ordre aux abords des bureaux). Le maire de Saint-Denis l’emporte au second tour par 55% des suffrages exprimés, bénéficiant sans doute du retrait des deux autres candidats. A l’issue des élections, le communiste Paul Vergès tente une nouvelle requête en annulation auprès du Conseil Constitutionnel, affirmant que des électeurs ont été écartés des listes électorales et que d’autres ont bénéficié d’inscriptions multiples, mais le Conseil Constitutionnel la rejette le 11 juillet 1967.
En 1967, Gabriel Macé s’inscrit au groupe UD-Vème République. Il soutient par ses votes la majorité. Comme en 1962, il est nommé membre de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Au cours de l’année pendant laquelle il siège à l’Assemblée nationale jusqu’à sa mort en 1968, le député de La Réunion n’intervient qu’à deux reprises en séance. Le 31 mai 1967, il prend part au débat sur la déclaration du gouvernement relative à l’Education Nationale. Il expose le cas particulier de l’île de La Réunion. S’opposant implicitement aux communistes réunionnais qui dénoncent la politique menée par l’Etat, il commence par rendre hommage aux efforts accomplis depuis la départementalisation, efforts qui ont permis de combler en grande partie le retard de l’île, dans le domaine de l’éducation notamment. Il considère néanmoins que l’accroissement démographique incontrôlé de l’île (la population de l’île de la Réunion a presque doublé entre 1946 et 1967) créée des difficultés insurmontables pour les communes. Celles-ci doivent en effet construire de nouveaux équipements scolaires presque tous les ans, ce qui engendre des coûts financiers considérables. Gabriel Macé demande à l’Etat une plus grande implication financière pour aider ce département à la situation démographique atypique. Concluant son intervention, il souhaite qu’on « ne laisse pas à l’écart un département sans doute lointain, mais toujours profondément et intégralement français ».
Le 13 juin 1967, Gabriel Macé répond à une attaque du député communiste Léon Feix. Dans le contexte de la discussion du projet de loi relatif à l’organisation du territoire de la côte française des Afars et des Somalis, le député communiste du Val d’Oise, Léon Feix, critique la politique néocolonialiste de l’Etat français dans les départements d’outremer. Il dénonce un référendum truqué, selon lui, et une autonomie trop restreinte octroyée à ces territoires. Dans le cadre de cette discussion, le cas de La Réunion dans le contexte des dernières élections est évoqué. Le député communiste dénonce nommément le député Macé comme « l’ex-pétainiste Macé, scandaleusement élu » aux dernières élections de 1967. Il fait référence à la requête de Paul Vergès en annulation des élections de mars 1967, affirmant que l’invalidation s’impose. Attaqué, Gabriel Macé fait appel à « l’esprit de justice et d’équité du Conseil Constitutionnel », qui n’avait pas, à cette date, encore rejeté la requête de Vergès. Gabriel Macé laisse entendre qu’au cours de la campagne pour les législatives de 1967 un de ses amis a été assassiné à coups de pierre et que les coupables courent toujours, même si sept personnes ont été condamnées.
Gabriel Macé meurt le 13 février 1968 des suites d’une opération chirurgicale. Le président de l’Assemblée Nationale, Jacques Chaban-Delmas, prononce le 2 avril 1968 un éloge funèbre, dans lequel il rappelle la contribution importante du député au développement de l’île de La Réunion et à la région de Saint-Denis. Il a reçu les distinctions de chevalier de la Légion d’honneur, de celui d’officier de l’Etoile d’Anjouan (distinction attribuée aux officiers des troupes coloniales et de la marine pour service à Madagascar ou La Réunion), du Mérite Agricole ainsi que du grade d’officier de l’Instruction Publique.