Ahmed Mohamed
1917 - 1984
MOHAMED (Ahmed)
Né le 2 juillet 1917 à Mutsamudu, Île d’Anjouan (Comores)
Décédé le 27 janvier 1984 à Mutsamudu
Député des Comores de 1962 à 1978
Titulaire d’un certificat d’études du second degré obtenu à l’école régionale de Majunga à Madagascar et d’un certificat d’études décroché à l’école Le Myre de Vilers de Tananarive, il entre en 1936 comme fonctionnaire de l’administration générale au sein de laquelle, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, il accède aux fonctions de gouverneur du cadre territorial tout en gérant parallèlement le domaine agricole familiale sur l’île d’Anjouan et en se livrant à de nombreuses activités d’importations et d’exportations. Marié à Roukia Abdallah et père de quatorze enfants, il occupe au sein de l’archipel une position sociale reconnue et enviable que confirme, entre autres, sa fonction de président de la société hôtelière et touristique des Comores.
Ahmed Mohamed, alors franchement acquis à l’idée du maintien des Comores dans le giron de la France, est élu en 1957 conseiller territorial de l’archipel dont il demeure l’élu jusqu’en 1975, puis, le 13 août suivant jusqu’en décembre 1961, vice-président du Conseil de gouvernement chargé des affaires financières. Il est en outre nommé membre du Conseil économique et social en mai 1959 à avril 1962, date de son élection à l’Assemblée nationale.
Ahmed Mohamed est élu à la faveur d’une élection partielle, organisée en raison de la démission de Saïd Mohamed Cheikh élu en décembre 1961 premier président du Conseil de gouvernement par la Chambre des députés des Comores. Soutenu par l’Union pour la nouvelle République (UNR), il recueille lors du scrutin du 4 mars 1962 52 231 des 59 859 suffrages exprimés, soit 87,3% des voix.
À l’Assemblée, il s’apparente au groupe UNR-UDT mais ne dépose aucune proposition de loi ni n’intervient en séance publique.
Durant les derniers mois de cette première législature de la Ve République, il vote la levée de l’immunité parlementaire de Georges Bidault et ne vote pas la motion de censure qui conduit à la dissolution de l’Assemblée nationale.
De nouveau candidat lors de l’élection au scrutin de liste majoritaire à un tour le 18 novembre 1962, il figure avec l’autre député sortant, Prince Saïd Ibrahim, sur la liste d’Union pour le développement économique et commercial de l’archipel des Comores, liste soutenue par le pouvoir gaulliste et unique au demeurant. Avec la totalité des 73 934 suffrages exprimés, l’un et l’autre retrouvent leur siège.
Il s’apparente de nouveau au groupe UNR-UDT et est nommé membre de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Il est par ailleurs nommé membre titulaire du comité directeur du Fonds d’investissement pour le développement économique et social des territoires d’outre-mer. Il ne dépose aucune proposition de loi mais intervient à deux reprises en séance publique lors des discussions du budget des territoires d’outre-mer pour 1964 et 1967. Il prend alors la parole pour réclamer une augmentation de l’aide financière aux Comores ou des bourses attribuées par la métropole, pour demander une meilleure prise en compte de la pression démographique, l’amélioration des liaisons aériennes de l’archipel ou encore la prise en charge par le budget métropolitain des traitements des fonctionnaires et des agents de la métropole en service aux Comores.
Lors de cette législature, il vote pour la ratification du traité franco-allemand, le projet de loi relatif à certaines modalités de grève dans les services publics, la réforme électorale municipale, celle du service militaire et en faveur du projet de loi constitutionnelle portant modification des dispositions de l’article 28 de la Constitution sur la durée des sessions parlementaires.
Les élections législatives du 5 mars 1967 n’offrent pas davantage de suspense quant à l’issue des résultats. De nouveau candidats sur la liste unique des candidats « Ve République », Ahmed Mohamed et Prince Saïd Ibrahim recueillent la totalité des 93 237 suffrages exprimés et sont tous deux réélus.
Il retrouve le groupe UNR-UDT ainsi que la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Sa commission le désigne comme rapporteur de deux projets de lois relatifs au remplacement de la Chambre des députés et tendant à proroger l’actuelle Chambre de ce territoire ou à l’organisation administrative des Comores. Lors de ses interventions comme rapporteur de ces textes, il exprime son désir de faire évoluer le territoire vers plus d’autonomie interne, en conformité avec la volonté de la population comorienne dont la tendance à se détourner des urnes ne cesse de s’accroître. Il n’est toutefois à l’origine d’aucun amendement notable, ses interventions se limitant la plupart du temps à la défense de principes généraux.
Ahmed Mohamed ne vote aucune des deux motions de censure déposées contre le gouvernement Pompidou les 20 mai et 9 juin 1967.
À l’occasion des élections législatives anticipées du 23 juin 1968, la liste Union pour la défense de la République (UDR) d’Ahmed Mohamed et Saïd Ibrahim rencontre la concurrence d’une liste sans étiquette mais acquise à l’évolution institutionnelle de l’archipel vers davantage d’autonomie. Avec 55 605 des 72 098 suffrages exprimés, soit 77,1% des voix.
À l’Assemblée il s’inscrit au groupe UDR et est nommé membre de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Il ne dépose aucune proposition de loi et prend la parole à trois reprises en séance publique lors de la discussion du budget des territoires d’outre-mer pour les exercices 1969, 1970 et 1971. Il y évoque à chaque fois la situation économique et sociale des Comores, en insistant plus précisément sur le caractère qu’il juge arbitraire de la répartition des crédits d’aide entre les différents territoires, la situation de l’emploi, l’insuffisance du système de santé ou encore l’encouragement aux investissements privés. Il retrouve par ailleurs le comité directeur du Fonds d’investissement pour le développement économique et social des territoires d’outre-mer.
Durant cette quatrième législature, il vote comme toujours à l’unisson du groupe gaulliste. Il se prononce ainsi en faveur des projets de loi d’orientation de l’enseignement supérieur, relatif à l’exercice du droit syndical dans les entreprises, tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens, à réprimer certaines formes nouvelles de délinquance, relatif au service national, relatif aux incompatibilités parlementaires ou portant création et organisation des régions. Il vote également la confiance au gouvernement les 15 octobre 1970 et 24 mai 1972.
Lors des élections législatives du 4 mars 1973, Ahmed Mohamed conduit la liste unique pour le Progrès social et économique de l’archipel des Comores. Sa liste remporte la totalité des 107 408 suffrages exprimés ainsi que les deux sièges à pourvoir.
A l’Assemblée nationale, il s’apparente au groupe UDR et est nommé membre de la Commission de la production et des échanges qu’il abandonne quatre ans plus tard au profit de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Il s’exprime à trois reprises en séance publique à propos des projets de loi relatifs à la consultation des Comores puis à leur indépendance. Le 17 octobre 1974, il s’oppose à la partition de l’archipel qui conduirait au démantèlement d’une entité incontestable et à l’émergence de particularismes locaux. Il insiste par ailleurs sur la nécessité de « bien considérer à la fois notre histoire, notre culture, et nos intérêts. Les Comoriens appartiennent à la communauté musulmane : ils ont toujours gardé des liens avec leurs frères des pays de commune conviction religieuse, je veux parler des pays du golfe Persique et de la péninsule arabique. » Le 26 juin 1975, Ahmed Mohamed s’élève contre les critiques faites sur la représentativité du gouvernement comorien, dénonce à nouveau la balkanisation des Comores qui entraînerait l’anarchie et une effusion de sang. Il s’oppose enfin à la volonté de Michel Debré de lier la seule île de Mayotte à la culture française. Il retrouve par ailleurs, le 18 mai 1973, le comité directeur du Fonds d’investissement pour le développement économique et social des territoires d’outre-mer.
Il vote la confiance au gouvernement les 12 avril 1973 et 6 juin 1974, le projet de loi constitutionnelle portant modification des articles 6 et 25 de la Constitution fixant respectivement l’élection du président de la République au suffrage universel direct pour une durée de sept ans, les modalités de son élection et la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres. En revanche il s’abstient sur le projet de loi relatif à l’interruption volontaire de grossesse mais vote celui portant réforme du divorce. À partir de l’automne 1975, il ne prend plus part à aucun vote, tout comme son collègue comorien Mohamed Dahalani, signe du durcissement de ses positions indépendantistes envers l’ancienne puissance tutélaire.
L’indépendance des Comores unilatéralement proclamée par Ahmed Abdallah le 3 août 1975 et la période de troubles qui s’ensuit entraînent naturellement la disparition des deux sièges de députés à l’occasion des élections législatives des 12 et 19 mars 1978. Seule Mayotte, restée dans le giron français, conserve un siège.
Affranchi de ses obligations envers la France et retourné dans les Comores, Ahmed Mohamed épaule Ahmed Abdallah dans sa tentative réussie de coup d’État, aidé par les mercenaires de Bob Denard. Une fois conquis le pouvoir, les deux nouveaux dirigeants, autoproclamés coprésidents du directoire politico-militaire, nouvel organe suprême de la République fédérale islamique des Comores, entament en juin suivant des négociations avec la France en vue de normaliser les relations bilatérales et d’offrir à Valéry Giscard d’Estaing un partenariat qui n’osait dire son nom. Après l’élection à la présidence de la République islamique d’Abdallah, Ahmed Mohamed est mis à l’écart des affaires de l’archipel et demeure confiné dans des fonctions essentiellement honorifiques et vidées de tout contenu politique à mesure que le régime comorien verse dans la dictature. Ahmed Mohamed décède quelques mois avant la réélection programmée du président sortant en septembre 1984.
Chevalier de la Légion d’honneur et de l’Étoile d’Anjouan, chevalier du mérite social et de l’Étoile noire du Bénin, Ahmed Mohamed était également commandeur de l’Étoile royale de la Grande Comore et de l’ordre national malgache.