Gaston Perrot
1898 - 1980
PERROT (Gaston, Ernest)
Né le 28 septembre 1898 à Sens (Yonne)
Décédé le 5 janvier 1980 à Sens
Député de l’Yonne de 1958 à 1973
L’existence de Gaston Perrot s’inscrit toute entière dans son département natal, autour de Sens, aux confins de la Bourgogne et de la Champagne. Il y naît à la fin du XIXème siècle et y vit jusqu’à sa mobilisation dans les rangs de l’armée française en août 1917. Son retour à la vie civile a lieu en mai 1920 : c’est l’Yonne et le Sénonais qu’il choisit pour s’installer comme minotier. Cette activité industrielle le place au contact des agriculteurs de la région dès les années 1920. Hors cet aspect de ses activités et le succès de ses affaires, rien ne paraît destiner Gaston Perrot à la politique jusqu’à la Libération. Elu conseiller municipal en 1945, il adhère au Rassemblement du Peuple français (RPF) peu après sa création au printemps 1947. La formation gaulliste se heurte, dans l’Yonne, aux réticences ou à l’hostilité de notables modérés comme Jean Chamant et Jean Moreau. Aux municipales d’octobre 1947, la liste se réclamant du RPF l’emporte cependant à Sens. Les deux cantons de cette ville s’étaient du reste prononcés contre la Constitution de la IVème République le 13 octobre 1946, par 51,8% des suffrages exprimés. Au lendemain des municipales de l’automne 1947, Gaston Perrot est porté à la mairie de Sens : il devait exercer cette magistrature pendant vingt-quatre années consécutives. Des documents internes au RPF le présentent alors comme un industriel « unanimement respecté », y compris par les communistes. Son nom est un temps avancé pour emmener une liste gaulliste aux élections au Conseil de la République de 1948, mais c’est l’ambassadeur Léon Noël qui obtient finalement l’investiture. Il ne figure pas sur la liste du RPF aux législatives du 17 juin 1951 ou sur celle des Républicains sociaux dans l’Yonne, le 2 janvier 1956. En avril 1955, il complète en revanche son implantation et devient conseiller général du canton de Sens-Nord.
Le maire de Sens se réjouit du retour au pouvoir du général de Gaulle en juin 1958 et entend défendre les institutions de la nouvelle République. Le retour au scrutin d’arrondissement implique un découpage électoral qui situe Sens dans la troisième circonscription de l’Yonne, laquelle comprend le Sénonais, le Gâtinais oriental et une partie du pays d’Othe. Gaston Perrot se porte candidat à la députation et reçoit le soutien de l’UNR pour les législatives de novembre 1958. Sa profession de foi dessine un profil de notable méfiant « à l’égard des grands partis politiques », convaincu que « sur le terrain politique et administratif, les mots de gauche et de droite n’ont plus aucune signification ». Ce père de famille rappelle qu’un de ses trois fils est mobilisé pour les opérations de maintien de l’ordre en Algérie mais ne livre pas de précisions sur sa vision du conflit. Le commandant Jean Vastra, ancien délégué départemental du RPF de 1951 à 1954, seconde Gaston Perrot au cours de la campagne électorale en qualité de suppléant. Deux députés sortants se présentent aux élections législatives dans la troisième circonscription de l’Yonne en novembre 1958 : le jeune communiste Jean Cordillot et Jacques Piette, élu SFIO et inspecteur général des affaires économiques. Aucun ne dispose cependant d’une implantation aussi solide que le maire de Sens. Ce dernier rassemble en effet 17666 suffrages, soit 37,7% des suffrages exprimés, au premier tour de scrutin. Le candidat des gaullistes se place en tête dans l’ensemble de la circonscription. Ses meilleurs résultats se situent dans les cantons de Villeneuve-l’Archevêque (49,2%), de Sens-Sud (44,9%) et Sens-Nord (43,2%). La triangulaire qui l’oppose aux candidats socialiste et communiste garantit un succès aisé à Gaston Perrot, au soir du second tour de scrutin. Le 30 novembre 1958, il est en effet élu député de l’Yonne par 60,4% des électeurs.
L’ancien membre du RPF ne s’inscrit pas directement au groupe de l’UNR à l’Assemblée nationale sous la première législature de la Vème République, mais y est apparenté. Il participe aux travaux de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Réélu maire de Sens en 1959 et conseiller général en 1961, il se préoccupe surtout de problèmes locaux et n’intervient pas en séance publique entre décembre 1958 et l’automne 1962. Son soutien ne fait pas défaut aux gouvernements Debré puis Pompidou, qu’il s’agisse d’approuver le nouveau règlement de l’Assemblée nationale, qui limite les possibilités d’expression des élus de la Nation (3 juin 1959) ou la déclaration de politique générale du Premier ministre le 15 octobre 1959, quelques semaines après que le général de Gaulle a évoqué l’« autodétermination » de l’Algérie. Gaston Perrot vote la loi Debré sur le financement de l’enseignement privé (23 décembre 1959), accorde les pouvoirs spéciaux au Gouvernement pour ramener l’ordre en Algérie après la semaine des barricades (2 février 1960) et ne s’associe pas à la motion de censure du 4 octobre 1962.
Le communiste Jean Cordillot s’affirme comme l’adversaire principal de Gaston Perrot dès les législatives de novembre 1962. Ancien député de la IVe République, il devance largement le socialiste Michel Cordeviola dans la troisième circonscription de l’Yonne, le 18 novembre 1962 (24,4% contre 8,2% des suffrages exprimés). Cette domination des communistes sur la gauche modérée assurerait également une réélection confortable au gaulliste Gaston Perrot en 1967 et 1968. En novembre 1962, il manque 1223 voix au maire de Sens pour l’emporter au premier tour. Une semaine plus tard, 28170 suffrages voix se portent sur son nom, soit un résultat presque identique, en valeur relative, à celui obtenu quatre ans auparavant.
Gaston Perrot quitte le statut d’apparenté pour s’inscrire au groupe de l’UNR-UDT sous la deuxième législature. Discret au Palais-Bourbon, l’élu yonnais se pense avant tout comme le défenseur des intérêts de ses commettants dans la capitale. Il ne prend pas la parole dans l’hémicycle entre 1962 et 1967. Gaston Perrot consent à la ratification du traité de l’Elysée (13 juin 1963) et à l’encadrement du droit de grève dans les services publics (26 juillet 1963). Il soutient la réforme du service national (26 mai 1965).
Après que ses concitoyens lui ont renouvelé leur confiance aux municipales du printemps 1965, Gaston Perrot entend se succéder à lui-même à l’occasion des législatives du printemps 1967. Fidèle à son souci de dépolitiser l’affrontement électoral, il ne tient qu’une réunion publique dans l’Yonne, le 14 février 1967, avec le Premier ministre Georges Pompidou. Sa profession de foi, très longue, entre dans le détail des réformes ou progrès enregistrés depuis 1958, comme la majoration des pensions militaires, l’effort consenti en faveur des « vieux travailleurs salariés », la multiplication par quatre des kilomètres d’autoroutes, ou l’accélération du remembrement agricole. Ce souci de consensus dans l’action autorise Gaston Perrot à fustiger les représentants des « vieux partis » qui, comme les émigrés autrefois, n’auraient « rien appris ni rien oublié », et ne formeraient qu’un « conglomérat de passions destructrices ». La concurrence d’un candidat du Centre démocrate, le maire de Joigny Roger Mouza, ne met pas vraiment en difficulté le maire de Sens. Candidat de l’UD-Vème République, ce dernier obtient 41,6% des suffrages exprimés au premier tour dans l’ensemble de la circonscription. Le 12 mars 1967, Gaston Perrot est réélu avec une majorité de 53,5% face au communiste Jean Cordillot : dans l’Yonne comme dans le reste de la France, la gauche a connu une poussée importante à l’occasion du second tour.
La troisième législature (avril 1967-mai 1968) permet à Gaston Perrot de siéger très brièvement à la Commission des échanges. En mai 1967, il rejoint la prestigieuse Commission de la défense nationale et des forces armées, que préside le jeune Joël Le Theule. Au printemps 1967, le maire de Sens ne vote pas la motion de censure déposée par l’opposition pour protester contre les pouvoirs spéciaux demandés par le Gouvernement en matière économique et sociale.
Après les événements de mai 1968, le climat des élections législatives de juin est marqué par le discours de retour à l’ordre des gaullistes et des républicains indépendants. Candidat à un quatrième mandat consécutif dans la troisième circonscription de l’Yonne, Gaston Perrot fustige dans sa profession de foi « la haine, le nihilisme, l’anarchie » qui « ont débouché sur l’émeute », s’indigne de la profanation de la tombe du Soldat inconnu comme du « coup d’Etat » imaginé, selon lui, par les hommes de la gauche modérée. Quatre cantons sur onze lui accordent la majorité absolue le 23 juin 1968, tandis qu’il obtient en moyenne 46,4% des suffrages exprimés. Son seul adversaire au second tour est à nouveau le communiste Jean Cordillot. Le 30 juin 1968, plus de 11.000 voix séparent les deux hommes et le sortant Gaston Perrot est confirmé par 62,3% des suffrages exprimés.
L’élu yonnais reste fidèle à ses usages de discrétion au Palais-Bourbon sous la quatrième législature. Membre du groupe de l’UDR et de la Commission de la défense nationale et des forces armées, il s’implique peu dans le travail législatif. La loi « Faure » sur l’enseignement supérieur (10 octobre 1968) ou la loi « anti-casseurs » (4 juin 1970) recueillent son approbation. Il suit de même la discipline de vote du groupe UDR en votant pour la réforme du service national (10 juin 1970) ou pour la création des régions (27 avril 1972).
En 1971, Gaston Perrot décide de ne pas se représenter aux élections municipales à Sens. Deux ans plus tard, les législatives de mars 1973 permettent au sénateur Jacques Piot, maire de Chéroy, de lui succéder à l’Assemblée nationale.
L’ancien député de l’Yonne s’éteint dans sa ville natale, à l’âge de 81 ans.