Joseph Philippe
1907 - 1966
PHILIPPE (Joseph)
Né le 27 décembre 1907 à Ville-la-Grand (Haute-Savoie)
Décédé le 4 septembre 1970 à Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie)
Député de la Haute-Savoie de 1958 à 1966
Joseph Philippe est né le 27 décembre 1907 à Ville-la-Grand (Haute-Savoie). Il est issu d’une des plus anciennes familles terriennes de Haute-Savoie. Il commence des études dans sa ville natale puis à Thonon, mais la mort de son frère le contraint à rentrer à la ferme paternelle. Mobilisé d’août 1939 à juillet 1940, il devient ensuite agriculteur exploitant en Haute-Savoie, se marie et fonde une famille de cinq enfants. Il ne cesse d’ailleurs de revendiquer dans ses professions de foi le titre de père de famille nombreuse. Il se consacre jusqu’en 1947 à l’amélioration des techniques agricoles dans son exploitation et est décoré à ce titre du mérite agricole. A la tête d’une liste autonome, il est ensuite élu conseiller municipal, puis maire de Ville-la-Grand. Il se consacre au développement et à la modernisation de sa commune construisant des routes, des écoles et une nouvelle mairie. Le 27 avril 1958, Joseph Philippe est élu conseiller général d’Annemasse. En 1958, il est aussi président des mutuelles locales agricoles, membre fondateur des maisons familiales et administrateur de la caisse régionale de crédit agricole.
Se présentant dans une terre démocrate chrétienne, dans le département de François de Menthon, Joseph Philippe est élu en 1958 député de la troisième circonscription de Haute-Savoie, sous l’étiquette MRP. Il recueille au premier tour 34 % des suffrages, et se retrouve seul face au socialiste au 2ème tour. Il l’emporte avec 68,8 % des suffrages. En 1956, le MRP avait recueilli 20% des suffrages et les communistes 23 %. Sa profession de foi témoigne d’un certain ancrage à gauche, évoquant le thème classique de l’aide aux familles, mais aussi la situation difficile de l’agriculture qu’il connaît bien en tant qu’exploitant agricole.
Inscrit au groupe des Républicains populaires et du Centre démocratique, Joseph Philippe mène une activité parlementaire intense pendant deux législatures. Il est membre de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République de janvier à octobre 1959, puis membre de la Commission de la défense nationale et des forces armées de 1959 à 1962. Il est membre de deux commissions spéciales et temporaires : en octobre 1959, de la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi portant séparation du culte musulman et de l’Etat et en juin 1961, de la commission chargée d’examiner le projet de loi de finances rectificatives pour 1961. Enfin, il est élu secrétaire de l’Assemblée le 5 juillet 1961.
Joseph Philippe prend part à de nombreux débats, un de ses thèmes de prédilection étant évidemment la question du développement agricole. Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1960, il dénonce ainsi la situation critique des petites communes rurales faute de crédits d’équipement et demande une augmentation de l’aide de l’Etat. Il critique le 31 mai 1960 les insuffisances du programme d’électrification rural. Il semble conscient du retard agricole de la France par rapport à certains de ses partenaires européens et exhorte les pouvoirs publics à réformer les systèmes de distribution pour assurer aux produits français de meilleurs débouchés (11 juillet 1961). Il est généralement intéressé par les disparités qui existent entre les agriculteurs, dont il déplore la condition, et les autres catégories socioprofessionnelles.
Le député de Haute-Savoie évoque aussi la question algérienne (12 novembre 1960) et les problèmes liés au Plan de Constantine qui selon lui ne permet pas de résoudre les déséquilibres entre villes et campagnes en Algérie ; les pouvoirs publics doivent investir plus massivement dans des projets de développement agricole.
A nouveau candidat MRP en 1962, il réunit 42,5% des voix au premier tour et l’emporte au 2ème tour avec 54,4% des suffrages exprimés.
Joseph Philippe se présente dans sa profession de foi comme un soutien du général de Gaulle, mais critique sa politique algérienne, et notamment le manque de garanties accordées aux Français d’Algérie et aux « Musulmans restés fidèles à la France ». Il dit ne pas approuver la « dernière et récente initiative » du Général de Gaulle, par quoi il entend certainement la signature des accords d’Evian. Il présente d’autre part un programme d’aide à l’agriculture locale et de rénovation de l’économie.
A son arrivée à l’Assemblée, il s’inscrit à nouveau dans le groupe du Centre démocratique. Il reste membre de la Commission de la défense nationale et des forces armées de 1962 à 1965. Au cours de cette législature, ses interventions à l’Assemblée sont plus diverses que lors de la législature précédente. Il intervient encore sur des thèmes qui lui sont chers comme la péréquation des ressources entre communes riches et pauvres en matière d’équipement (17 janvier 1963) ou sur la question spécifique de l’indemnisation des victimes de la guerre d’Algérie.
Le député de Haute-Savoie intervient aussi sur certains projets d’intérêt local ou cite l’exemple de son département dans des questions plus générales ; il évoque notamment la ratification des conventions entre la France et la Suisse pour l’aménagement d’une centrale hydraulique. Il souligne à cette occasion la nécessité de prendre des précautions environnementales. Dans cette même perspective d’aménagement du territoire, il participe à la discussion portant sur le budget des télécommunications pour 1966 et ses répercussions en Haute Savoie (12 octobre 1965). Il critique à cette occasion les insuffisances du réseau de couverture téléphonique et le temps d’attente pour le raccordement de nombreux particuliers au téléphone qui, selon lui, n’est plus un luxe. Il considère aussi que les traitements des employés des PTT sont trop bas, notamment ceux des agents techniques dont les conditions de travail sont difficiles.
Il intervient à deux reprises sur la question du tourisme, en montagne notamment. Il appelle à des aides au développement du tourisme français (28 octobre 1963) ainsi qu’à la création d’offices du tourisme dans les stations classées (17 juin 1964).
Il évoque enfin des problèmes liés à la question scolaire. Le 19 mai 1965, lors de la discussion sur la déclaration du gouvernement relative à sa politique en matière d’éducation nationale, il dénonce le manque de ressources dans son département et dans les régions de montagne en général et il se plaint de la fermeture de classes. Il évoque aussi le 28 octobre 1965 l’insuffisance des moyens de l’enseignement agricole.
Ses votes au cours des deux législatures démontrent qu’à l’instar d’autres députés MRP, il s’éloigne progressivement du gouvernement. Il vote, le 16 janvier 1959, en faveur du programme du gouvernement, mais n’est pas présent lors du vote du 3 juin 1959 modifiant le règlement de l’Assemblée. Il avait d’ailleurs rappelé dans sa profession de foi de 1962 son œuvre de défense des pouvoirs du Parlement au cours de la législature précédente. Il accorde néanmoins sa confiance au gouvernement de Michel Debré (15 octobre 1959) et vote le 23 décembre 1959 pour l’octroi de crédits à l’enseignement privé, ce qui correspond à ses convictions démocrates-chrétiennes. Il vote, le 2 février 1960, l’octroi des pouvoirs spéciaux au gouvernement et approuve encore le programme du gouvernement Pompidou le 27 avril 1962. Comme d’autres députés démocrates-chrétiens, il vote néanmoins contre la levée de l’immunité parlementaire de George Bidault en octobre 1962. Il vote le 4 octobre 1962 la motion de censure contre le gouvernement Pompidou.
Son détachement est confirmé lors de la deuxième législature. Si, en tant qu’Européen convaincu, il vote la ratification du Traité de l’Elysée (22 janvier 1963), il se prononce néanmoins contre l’encadrement du droit de grève dans les services publics, contre le projet de loi sur l’élection des conseillers municipaux (17 juin 1964) et contre le projet de réforme du service militaire (26 mai 1965).
Sa mort à la suite d’un accident de voiture le 28 janvier 1966 interrompt brusquement sa carrière parlementaire.