ZZZ Rakotovelo

1904 - 1973

Informations générales
  • Né le 1er mars 1904 à Ambatofinandrahana (Madagascar)
  • Décédé le 10 juillet 1973 à Tananarive (Madagascar)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 2 janvier 1956 au 8 décembre 1958
Département
Madagascar
Groupe
Mouvement républicain populaire
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 9 décembre 1958 au 15 juillet 1959
Département
Madagascar

Biographies

Biographie de la IVe République

RAKOTOVELO
Né le 1er mars 1904 à Ambatofinandrahana (Madagascar)
Décédé le 10 juillet 1973 à Tananarive (Madagascar)

Député de Madagascar de 1956 à 1959

Rakotovelo, député des Hautes-Terres de Madagascar de 1956 à 1958, est le type achevé de ces modestes "députés administratifs" dont il est intéressant de reconstituer l'itinéraire qui les a conduits au Palais Bourbon.
Il est né en 1904 en pays betsileo-nord, à Ifasina, dans l'ouest de la province d'Ambositra. Par chance, le village a une garderie de la mission norvégienne qu'il peut fréquenter à six ans. A dix ans, il va à l'école officielle la plus proche, en faisant douze kilomètres à pied chaque jour. En 1919, après une migration de ses parents vers l'Ouest, il est reçu au concours de l'école régionale de Morondava où il suit un enseignement primaire un peu poussé.
En 1922, il réussit au concours de l'école Le Myre de Vilers de Tananarive, l'équivalent et le modèle de l'école William-Ponty à Dakar. Il débute comme écrivain et interprète à Betafo, près d'Antsirabe, et de 1926 à 1929, sert à la province de Morondava, où lui est confiée la mission de pourchasser, avec un peloton mobile de gardes indigènes, les bandes de voleurs de bœufs qui infestent l'Ouest. De 1939 à 1943, il travaille à Tananarive avec l'assistance médicale indigène (AMI) à l'organisation de lazarets et des campagnes de vaccination contre la peste alors endémique en Imerina. En 1944, il est nommé gouverneur, alors le grade le plus élevé des fonctionnaires malgaches, et devient le collaborateur immédiat du chef de district français. Il exerce à Diego-Suarez de 1944 à 1947. C'est là que se produit le fait décisif : en juin 1945, après avoir saisi des lettres, Rakotovelo informe le chef de district qu'il existe dans la diaspora merina provinciale une société secrète nationaliste, le PANAMA (parti nationaliste malgache). L’information est confirmée et les Français en 1947 arrêteront sans peine la quasi-totalité des membres des réseaux du PANAMA à Diego-Suarez, Tamatave et Tananarive avant qu'ils aient pu bouger. Voilà Rakotovelo investi de l'entière confiance du pouvoir colonial.
Il est alors nommé gouverneur chez lui, à Ambositra. Le Nord-betsileo n'a été touché par l'insurrection qu’à ses marges orientales et pendant quatre mois seulement. Mais les esprits ont été profondément perturbés et les Français ont besoin d'hommes sûrs. Rakotovelo, gouverneur d'Ambositra de 1948 à 1955, a ainsi tout le temps de s'y ériger en notable local. En juillet 1955, il est l'un des délégués de Madagascar à la fête du 14 juillet à Paris.
Que le pouvoir, à l'occasion des élections législatives du 2 janvier 1956, l'ait choisi pour remplacer, comme député autochtone des Hautes-Terres, le sortant Ranaivo Jonah est assez révélateur de la part du pouvoir toujours décisif de l'administration coloniale d'une part, et de sa volonté d'ouverture très limitée d'autre part. Ranaivo Jonah a fait preuve de compétence, tout en étant fidèle à la cause française. Mais Rakotovelo l'est au moins autant, sinon plus encore. Il a plusieurs atouts. C’est un homme neuf : cas unique, il n'avait exercé aucun mandat électif auparavant. D’autre part, c’est un Betsileo, la troisième ethnie de Madagascar par le nombre, assimilée aux "côtiers" dans le cadre de la "politique des races" remise en vigueur. Car l'administration du socialiste Soucadaux, depuis 1954, vise à renforcer au maximum les côtiers ("non-merina" serait plus exact).
Sa profession de foi et son programme sont ceux des candidats francophiles de cette époque : "On ne peut séparer Madagascar de la France. Nous nous opposons à toute politique de cette sorte" ; il faut, selon lui, accroître les pouvoirs des assemblées locales, au centre comme dans les provinces, créer des municipalités élues dans toutes les grandes villes ; toutes les élections doivent se faire au collège unique, sans distinction européens/autochtones. Les revendications sociales sont les plus importantes : accélérer la constitution d'un cadastre, appliquer strictement le code du travail de 1952, augmenter le nombre des maternités, activer la lutte contre le paludisme. Et surtout, multiplier les écoles et créer des lycées dans les provinces. Certaines demandes sont plus spécifiques : "on abrogera complètement les corvées du Fokonolona" (village), ce qui signifie que les prestations, forme du travail forcé, n'avaient pas disparu malgré la loi Houphouët-Boigny du 11 avril 1946. Rakotovelo, lui-même très catholique et inscrit au MRP, demande que l'on subventionne les missions. Ambositra est en effet un actif foyer religieux. Enfin, il réclame la réalisation du chemin de fer Antsirabe-Fianarantsoa, qui passerait par Ambositra.
Aux élections législatives de janvier 1956, Rakotovelo, candidat officiel, l'emporte par 151 000 voix contre 92 000 au nationaliste ex-MDRM Stanislas Rakotonirina, soutenu par l'opinion tananarivienne, ainsi que par les églises, notamment les jésuites, soucieux de se démarquer du pouvoir. Mais la capitale ne pèse guère devant les campagnes. Cette élection vaut au nouveau député des torrents d'insultes de la part d'une presse nationaliste criant à la fraude. Le journal Maresaka le maudit, en janvier 1956 : "les afflictions du peuple malgache sont sur votre tête, ô Rakotovelo… Si la France n'est pas aussi pourrie que le croient les colonialistes, il faut qu'elle vomisse Rakotovelo qui est une honte pour elle devant le peuple malgache et devant le monde". A tout le moins, cette campagne montre qu'il y avait déjà à Madagascar une réelle liberté de la presse. Cette violence de la presse de Tananarive a d'ailleurs pour résultat de provoquer plutôt un réflexe anti-merina chez les Betsileo.
Après la validation de son élection, Rakotovelo est nommé membre de la commission de la marine marchande et des pêches (1956-1958), membre de la commission des pensions (1956-1957) et membre de la commission des territoires d’outre-mer (1957-1958), aréopage dont il est le secrétaire durant l’année de son appartenance. Il ne dépose qu’une proposition de loi, celle du 17 janvier 1958, mais elle est significative pour Madagascar, puisqu’elle tend à réorganiser les élections législatives sur le territoire malgache. Rakotovelo n’intervient qu’à quatre reprises en séance, mais là encore, le thème local est très présent. Ses prises de position sont conformes à ses engagements électoraux et concernent surtout le domaine social. Il insiste sur le nécessaire relèvement du niveau de vie paysan par la modernisation d'une agriculture dont "les méthodes de travail et de culture sont celles d’il y a 60 ans", "c'est-à-dire excessivement archaïques et épuisantes pour des rendements très faibles" (30 janvier 1957). Or le problème est d'autant plus grave, note le député, que l'essor démographique dépasse 100 000 personnes par an. C’est ainsi qu’il préconise l’extension nécessaire des industries extractives et des industries de transformations. Il met en avant la nécessité de tenir compte de l’évolution et du loyalisme des malgaches. Le 2 février 1957, il prend la parole dans la discussion du décret du 3 décembre 1956 portant réorganisation de Madagascar et montre la nécessité d’une décentralisation au profit des provinces.
Rakotovelo prend la défense des fonctionnaires malgaches qui mènent une longue grève en août 1956. Il réclame pour eux l'accès aux grades supérieurs, et l'égalité des prestations familiales avec les fonctionnaires européens. C’est ce qu’il ressort de son intervention du 6 juillet 1957, lors de la discussion du projet de loi portant ratification des traités instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Il souhaite le développement économique et social des territoires d’outre-mer et l’association des assemblées locales à la mise en application du marché commun. Enfin, il rend un hommage appuyé aux missionnaires et demande un programme de développement de l'enseignement fondamental et de l'enseignement dans les provinces "aux populations défavorisées". Il relève qu'en 1957, sur 600 étudiants malgaches en France, plus de 550 viennent de la seule région de Tananarive.
Ces revendications ont des prolongements politiques : Rakotovelo évoque le malaise qui règne à Madagascar et, le 30 janvier 1957, demande l'amnistie complète des derniers condamnés de l'insurrection de 1947. Avec Tsiranana, il y revient le 11 mars 1958 et finit par obtenir satisfaction. Cette prise de position n'altère en rien sa francophilie : il est, comme d'autres élus d'outre-mer, assez réticent face à la formation de la Communauté économique européenne (CEE) négociée dans l'année 1957. Il craint que Madagascar, de territoire français ne devienne un territoire européen, et qu'une immigration européenne massive ne débarque dans l'île.
Il veille aussi à ses intérêts de notable local. C’est le sens de sa proposition de loi, déposé le 17 janvier 1958, demandant pour Madagascar onze sièges de députés élus au collège unique, au lieu des cinq jusque-là élus par un double collège (3 autochtones et 2 européens). Ces onze sièges seraient répartis entre les provinces avec trois sièges pour la province de Fianarantsoa, la plus peuplée : d'où, inévitablement, un siège pour le Nord-Betsileo dont le titulaire est tout trouvé.
Mais il va se révéler incapable de dépasser l'horizon du pays Betsileo. Il s'y enracine en imposant sa liste à Ambositra, aux élections municipales de novembre 1956. Il crée un parti, le mouvement social pour l'émancipation malgache (MSEM), mais celui-ci ne sera guère plus que son comité électoral. Dans le cadre de la province de Fianarantsoa, il s'allie à l'UDSM, autre parti de notables côtiers de tendance démocrate-chrétienne, rivaux de Tsiranana et son PSD.
En janvier 1962, ils fusionnent dans un "parti de l'union des républicains" catholiques. Mais en fait, le ralliement à Tsiranana et au PSD, seul parti de dimension nationale, a commencé dès 1959, année où un notable PSD, le métis Xavier Delmotte, s'empare de la municipalité d'Ambositra. Le rôle politique de Rakotovelo est alors terminé. Il disparaît quelques années plus tard, le 10 juillet 1973.