Sékou Touré

1922 - 1984

Informations générales
  • Né le 9 janvier 1922 à Faranah (Guinée)
  • Décédé le 26 mars 1984 à Cleveland (Etat-unis)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 2 janvier 1956 au 8 décembre 1958
Département
Guinée
Groupe
Union démocratique et socialiste de la Résistance et du RDA

Biographies

Biographie de la IVe République

TOURÉ (Ahmed, Sékou)
Né le 9 février 1922, à Faranah (Guinée française)
Décédé le 26 mars 1984 à Cleveland (Etats-Unis)

Député de la Guinée de 1956 à 1958

Bien que la date de naissance de Sékou Touré soit l'objet de discussions, on peut retenir celle du 9 février 1922 indiquée sur la « Notice de renseignements » fournie par le gouvernement général de l'Afrique occidentale française (AOF), à l'occasion des élections législatives du 2 janvier 1956. Il est né à Faranah, dans un milieu de commerçants sarakolé originaires de l'ouest du Mali actuel et fixés dans la région avant la première guerre mondiale. Son père, Alfa Touré, était boucher. Longtemps controversée, sa filiation par sa mère, Aminata Fadiga, avec l'Almamy Samori Touré, est aujourd'hui établie. Personnage symbolique, ce dernier créa un empire ouest-africain dans les années 1860, s'opposa par les armes à la conquête coloniale, fut vaincu par les Français en 1898 et déporté au Gabon.
Sékou Touré suit les cours de l'école coranique et de l'école rurale primaire de Faranah, de l'école régionale de Kissidougou, puis de Conakry où il obtient le certificat d'études primaires. Il fréquente un temps l'école professionnelle Georges Poiret, mais il est renvoyé pour insubordination. Effectuant divers petits métiers, il complète plus tard sa formation professionnelle, principalement par correspondance, afin de devenir comptable. Il entre comme commis dans la Compagnie du Niger français, une grande entreprise commerciale, puis il est engagé sur concours dans les services financiers des PTT, en 1944.
Il commence sa vie militante le 18 mars 1945 en créant le premier syndicat guinéen, le Syndicat professionnel des agents et sous-agents indigènes des transmissions de Guinée. L'année suivante, il devient secrétaire général de l'Union des syndicats confédérés de Guinée qui vient d'être fondée et qui s'affilie à la CGT. Parallèlement, il agit sur le plan politique et, en octobre 1946, mandaté par le Parti progressiste africain de Guinée (PPAG), l'Union du Mandé et les Groupes d'études communistes (GEC), il participe à Bamako au Congrès constitutif du Rassemblement démocratique africain (RDA). La section locale de ce parti anticolonial apparenté au Parti communiste français jusqu'en 1950, fondée en mai 1947, prend en 1950 le nom de Parti démocratique de Guinée (PDG), section guinéenne du RDA. Sékou Touré en devient le deuxième secrétaire général, succédant à Madeïra Keïta, tout en conservant ses responsabilités syndicales. Depuis décembre 1945, il a organisé plusieurs grèves. Celle de juin 1950 lui vaut un court emprisonnement à Conakry, une menace de mutation au Niger, puis la révocation au début de 1951. En 1953, il provoque un mouvement de grève générale, du 21 septembre au 25 novembre 1953, pour obtenir la promulgation du Code du travail Outre-mer. Porté par ce succès, et malgré les tracasseries de l'administration coloniale, son parti prend une importance croissante qui lui permet d'être élu conseiller territorial de Beyla en 1953, et maire de Conakry en 1955, tout en demeurant secrétaire général de l'Union des syndicats CGT de Guinée et membre du comité de coordination CGT de l'AOF-Togo. Il jouit d'une grande notoriété en AOF, ainsi que sur le plan international, en particulier dans les démocraties populaires, ayant été élu au Conseil mondial de la Paix en 1950.
Il devient député à l'Assemblée nationale en 1956 à la troisième de ses tentatives.
En juin 1951, tête de liste de l'Union démocratique des travailleurs et anciens combattants (UDSR RDA), il n’a recueilli que 32 071 des 221 256 suffrages exprimés, arrivant derrière la liste socialiste d'union guinéenne (67 480 voix et deux élus) et celle des Indépendants (45 352 voix et un siège). Il avait contesté la validité des opérations électorales en arguant du fait que l'administration coloniale s'était déclarée ouvertement contre sa candidature et avait manipulé les listes électorales à son détriment. Cependant, le 22 août 1951, l'Assemblée nationale valide les opérations électorales en Guinée.
A la suite du décès de Yacine Diallo, socialiste, une élection partielle se tient le 27 juin 1954. Au premier et unique tour de scrutin, Sékou Touré obtient 33 % des suffrages exprimés face au républicain-social Diwadou Barry (57 %).
En revanche, le 2 janvier 1956, grâce au nombre accru d'électeurs, sa liste conquiert deux sièges avec 346 716 voix sur 561 947 suffrages exprimés, devançant celle du Bloc africain guinéen des Indépendants d'Outre-mer dont le député sortant Diawadou Barry est alors seul réélu avec 146 543 voix. Son programme prône l'émancipation des peuples d'Outre-mer et l'orientation fédérale de l'Afrique noire au sein de l'Union française, ce qui implique de profondes réformes.
Nommé membre de la commission du travail et de la sécurité sociale (1956-1958) et de la commission des territoires d'Outre-mer (8 juin 1956, 4 octobre 1957), Sékou Touré accorde la confiance à Guy Mollet (31 janvier 1956), mais ne prend pas part au vote sur les pouvoirs spéciaux en Algérie (12 mars).
Durant son mandat de député, il ne dépose aucun texte. En revanche, il intervient à onze reprises en séance publique, soit en introduisant les territoires d'Outre-mer dans des questions d'intérêt général pour défendre l'égalité de traitement entre toutes les composantes de l'Union française, soit au cours des discussions traitant spécifiquement de ces territoires. Il défend, en deux années, quatorze amendements.
Dans le premier cas, le 23 février 1956, sur le projet de loi généralisant la troisième semaine de congés payés, il dépose un amendement demandant l’application de la loi aux territoires d'Outre-mer, puis le retire après avoir reçu des assurances de la part du ministre. De même, le 15 mars 1956, lors d'interpellations relatives à la politique agricole et viticole du gouvernement, il évoque la situation des territoires d'Outre-mer, s'élève contre les Sociétés indigènes de prévoyance (SIP), dont l'adhésion obligatoire est un impôt déguisé et prône leur remplacement par de véritables coopératives fondées sur le volontariat et dirigées par des membres élus. Il reprend ce thème le 22 mars 1956 pendant la discussion du projet de loi autorisant le gouvernement à mettre en oeuvre les réformes et à prendre les mesures propres à l'évolution des territoires d'Outre-mer. Il retire l'amendement qu'il a déposé dans ce sens après avoir reçu du ministre de la France d'Outre-mer la promesse de publier le statut de la coopération ultramarine, en application du décret du 2 février 1955.
Condamnant toute discrimination, il propose, ce même 22 mars 1956, l'égalité de solde indiciaire entre les fonctionnaires des territoires d'Outre-mer et ceux de la métropole ainsi que plusieurs autres amendements, dont l'un sur l'organisation de l'état-civil afin que, dans le délai d'un an, tous les ressortissants des territoires d'Outre-mer obtiennent des pièces d'identité, indispensables au moment de l'embauche ou pour toucher de l'argent. Il retire ses amendements au bénéfice des engagements pris par le ministre. Le 31 janvier 1957, puis le 2 février, lors des débats portant sur le décret n° 56-1228 du 3 décembre 1956 relatif à l'organisation des services publics civils dans les territoires d'Outre-mer, il revient sur l'inégalité entre les travailleurs en fonction de leur origine et de leurs différents statuts. Ses trois amendements concernant Madagascar sont adoptés : sur l'organisation d'un régime d'assurance contre les accidents du travail, sur la consultation obligatoire de l'assemblée représentative en matière de régime du travail et de décisions relatives à l'application du Code du travail, et sur certaines dispositions intéressant le Code du travail, en particulier la suppression, dans la rédaction, des termes « prestations » et « main-d'œuvre », remplacés par « travaux » et « matériaux », de façon à ne pas attenter à la dignité des travailleurs.
Du 30 janvier au 2 février 1957, il prend part aux débats concernant les décrets du 3 décembre 1956 constitutifs de la loi-cadre, dite loi Defferre, et propose des amendements au décret n° 56-1227 portant définition des services de l'État dans les territoires d'Outre-mer, ainsi qu'au n° 56-1228 déjà cité. Il traite de la réorganisation de l'Afrique occidentale française (AOF) et de l'Afrique équatoriale française (AEF), des conditions de formation et de fonctionnement des conseils de gouvernement en AOF et en AEF - ainsi que de leurs attributions et de celles des assemblées territoriales – et, en troisième lieu, de la réorganisation de Madagascar. A propos de ce territoire, il vote contre l'amendement Alduy qui oblige l'assemblée représentative à désigner les membres du Conseil de gouvernement en fonction de la représentation des provinces, ce qui, selon lui, va à l'encontre de l'unité politique des Malgaches. L'amendement est pourtant adopté, ce qui n'empêche pas Sékou Touré de voter l'ensemble du texte concernant la grande île. De même, il accepte, en dépit de quelques critiques, la totalité des propositions concernant l'AOF et l'AEF alors que nombre de députés africains se sont abstenus volontairement. S'est-il plié à la discipline de vote du groupe de l’Union démocratique et socialiste de la résistance (UDSR) auquel il appartient ? Par la suite, il condamne la loi-cadre, voyant dans l'éclatement de la fédération de l'AOF une volonté colonialiste d'empêcher l'unité africaine. En revanche, les députés africains votent unanimement l'ensemble des propositions sur le décret relatif aux investissements dans les territoires d'Outre-mer.
En mars 1957, l'application de la loi-cadre entraîne des élections pour les assemblées territoriales. Le Parti démocratique de Guinée (PDG) de Sékou Touré y recueille la majorité absolue. Il devient vice-président du Conseil de gouvernement de la Guinée au mois de mai suivant, la présidence étant assurée par le Gouverneur. De mars 1957 à septembre 1958, plusieurs réformes contenues dans le programme de son parti sont appliquées dont la suppression officielle de la chefferie. Il exprime ses idées politiques dans plusieurs ouvrages dont : Guinée, prélude à l'indépendance (éd. Présence africaine, 1958, 175 p.), L'action politique du parti démocratique de Guinée pour l'émancipation africaine (Conakry, 1958, 206 p.). Il publiera plus tard L'expérience guinéenne et l'unité africaine (Présence africaine, 1959, 436 p), puis Poèmes militants (Conakry, 1969, 80 p.) et La révolution culturelle (Conakry, 1969-1972, 413 p.).
A l'Assemblée nationale, il prend part aux scrutins qui consacrent la fin de la Quatrième République. Le 27 mai 1958, il vote pour la proposition de résolution tendant à décider la révision de la Constitution. Le 1er juin, il ne prend pas part au vote d’investiture du général de Gaulle mais, le lendemain, il accorde les pleins pouvoirs au Gouvernement et approuve la révision constitutionnelle.
La mise en place de la Cinquième République a profondément modifié la situation. La Guinée a été alors le seul territoire d'Outre-mer à voter « Non » au référendum sur la Constitution créant la Communauté. La France cesse toute aide financière. La République est proclamée le 2 octobre 1958. Sékou Touré demande à la France de reconnaître le nouvel État et de conclure un accord d'association en même temps qu'il sollicite le général de Gaulle pour parrainer la candidature de son pays à l'Organisation des nations unies (ONU), mais la France s’abstient lors du vote d'admission. Toutefois, le 15 janvier 1959, elle reconnaît la Guinée et décide d'y envoyer un chargé d'affaires. Dans les années qui suivent, les relations entre la Guinée de Sékou Touré et la France du général de Gaulle fluctuent : nomination d'un ambassadeur de France à Conakry, mais aussi attaques violentes réitérées contre le « colonialisme français », sortie de la zone franc (2 mars 1960), accusations de complots (21 avril 1960, 16 novembre 1965, 12 mars 1969), emprisonnement de Guinéens mariés à des Françaises. Enfin, le 28 avril 1969, Radio-Conakry se félicite du départ du général de Gaulle. Parallèlement, Sékou Touré développe une politique autocratique, emprisonnant, voire éliminant physiquement les opposants.
En dépit du caractère dictatorial du régime, les rapports entre la Guinée et la France s'améliorent sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing : libération de dix-huit Français le 14 juillet 1975, échange d'ambassadeurs en janvier 1976, interdiction par le gouvernement français de la diffusion du livre de Jean-Paul Atala, Prisons d'Afrique, qui décrit l'univers pénitentiaire guinéen, visite officielle du président français à Conakry du 20 au 22 décembre 1978. La situation se normalise également avec le Sénégal où Sékou Touré est reçu à Dakar, le 24 octobre 1979, pour la première fois depuis 1963. Les bonnes relations avec la France se poursuivent sous la présidence de François Mitterrand. Après avoir reconnu l’exécution de huit détenus politiques mariés à des Françaises, Sékou Touré est reçu en visite officielle à Paris du 16 au 20 septembre 1982. Les 3 et 4 octobre 1983, il participe au sommet des chefs d'Etat francophones à Vittel. Frappé par la maladie alors qu'il s'apprête à recevoir le sommet de l'Organisation de l’Unité africaine (OUA) à Conakry, il se rend aux Etats-Unis pour se faire soigner et meurt à Cleveland, le 26 mars 1984.